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Le SP.A devient « Vooruit » : un nom vintage avec une touche macronienne… et après?
11·09·20

Le SP.A devient « Vooruit » : un nom vintage avec une touche macronienne… et après?

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Isopix

Bart Eeckhout
Auteur
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Le parti socialiste flamand change de nom : « sp.a » devient « Vooruit ». La greffe va-t-elle prendre ? Pour répondre à cette question, il faut en poser une autre : dans quelle mesure cette nouvelle étiquette, inventée par Conner Rousseau, est-elle annonciatrice de renouveau ?

« Quand une structure mue vers plus de modernité, il faut que son nom, lui aussi, se modernise. Il faut alors privilégier un nom de mouvement, sans jamais renier les traditions du parti. Voyez le mouvement ‘En Marche’ du président français Emmanuel Macron. »

Ces propos de Conner Rousseau, c’est le périodique gratuit « De Zondag » qui les publiait, le 23 juin 2019. À l’époque, Conner Rousseau, nouveau venu en politique, est encore peu connu du grand public ; il vient à peine d’être désigné chef du groupe sp.a au Parlement flamand. Son parti se remet encore de la cinglante défaite électorale du mois précédent. Et pourtant, il semble savoir très exactement où lui-même et son parti doivent aller.

Ce nouveau nom, Vooruit (« En Avant »), c’est du Rousseau tout craché : ça correspond exactement à l’orientation qu’il veut imprimer à son parti. Repris de la coopérative socialiste d’où est issu l’actuel centre culturel gantois du même nom, le nom Vooruit a un écho vintage très tendance. Donc parfaitement dans la ligne de l’image audacieuse que veut projeter Conner Rousseau sur les réseaux sociaux, et particulièrement sur Instagram. Il faut l’avouer : ce nom fait inévitablement penser au mouvement « En marche » d’Emmanuel Macron, dont il partage la connotation énergique. Tout comme le président français, Conner Rousseau veut faire de son parti un mouvement capable de « combattre la sclérose du monde politique et de rassembler la population autour d’un projet d’avenir positif, ambitieux et porteur d’espoir ».

Les partis centristes classiques luttent pour leur survie

Ce message a tout d’un discours marketing standard, pouvant convenir aussi bien à un parti écologiste qu’à un parti libéral. Ces derniers temps, Conner Rousseau a procédé à des coupes claires dans certaines structures régionales – passablement vermoulues – du parti. Il n’avait guère le choix, son financement public ayant fondu comme neige au soleil à proportion des votes obtenus. Transformer un parti et créer un mouvement efficace ex nihilo, comme l’a si bien fait Emmanuel Macron, sont deux choses bien différentes.

En même temps, pour un parti qui veut changer le monde politique en partant du centre, c’est maintenant ou jamais. Un peu partout en Europe occidentale, les partis centristes classiques luttent pour leur survie, et tout particulièrement dans cette Flandre en pleine « radicalisation ». Apparemment, en attirant ainsi l’attention sur lui-même et sur le sp.a, ce président tout frais émoulu a enregistré quelques premiers – quoique fragiles – succès. Le moment paraît donc bien choisi pour se reprofiler sur le marché.

C’est qu’en matière de contenu, les choses bougent aussi, et considérablement. L’approche vintage est le signe que le parti puise à nouveau dans ses traditions. Ça aussi, c’est raccord avec l’impulsion que veut donner le président. Sous la surface d’Instagram, le socialisme façon Conner Rousseau se veut simplement un peu plus classique, et très attentif aux revendications sociales. Il se différencie à nouveau des verts, trop cosmopolites, comme l’a déjà montré le débat sur les zones urbaines de basse émission. Pour l’électeur de gauche, le choix sera désormais plus clair.

Même chose pour les débats sur l’identité et sur l’immigration, qui divisent les socialistes depuis des décennies : Conner Rousseau tourne résolument la barre à droite, à la danoise, en insistant clairement sur les obligations d’intégration qu’il convient d’imposer aux nouveaux arrivants. Ce pourrait enfin être un choix clair, façon Tobback, après des années d’hésitations entre un positionnement tantôt à gauche toute, tantôt au centre-gauche.

« Ce pourrait », en effet, car pour les socialistes, ce serait s’engager sur une voie glissante, qui ne tolère ni improvisation ni maladresse. Conner Rousseau l’a d’ailleurs constaté la semaine dernière – et ce n’est pas la première fois. Lors du talkshow Gert Late Night (diffusé sur la chaîne flamande Vier), il a souscrit un peu vite à l’idée qu’un nouvel arrivant réticent à apprendre le flamand n’a qu’à retourner dans son pays d’origine. Ou bien : comment une opinion légitime sur l’impact social de la connaissance des langues – légitime, mais irréfléchie – peut rapidement dégénérer en un discours stigmatisant la mauvaise volonté des migrants.

Les anciens critiques ont été mis sur une voie de garage.

D’où la question de l’ampleur véritable du renouveau annoncé, question à laquelle il est difficile de répondre. Pour l’instant, ce renouveau se limite à quelques structures remaniées, à une esquisse de changement de cap et à un changement de nom. Rien de plus. Ce « plus » viendra plus tard, paraît-il.

Faut-il s’attendre à un renouveau tangible sur le plan du contenu ? En l’occurrence, un certain scepticisme semble de mise. On peut d’ailleurs s’étonner qu’au sein du parti, cette critique-là n’est pas exprimée, ou alors à peine.

Il n’en fut pas toujours ainsi. Rappelez-vous la présidente Caroline Gennez, en 2009. Voulant attirer l’ex-VolksUnie Bert Anciaux et son entourage dans son parti, elle se proposait d’en modifier le nom pour que les trois lettres sp.a représentent non plus les mots Socialistische Partij Anders, mais Socialisten en Progressieven Anders. Elle fut littéralement massacrée – le mot n’est pas trop fort – à la télévision par Louis Tobback, et au lieu de changer le nom du parti, on n’en changea que le slogan.

Aujourd’hui, c’est carrément le mot « socialiste » qui disparaît de l’appellation du parti – pour la première fois depuis la création du Belgische Socialistische Partij au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, sur les cendres du Belgische Werkliedenpartij. Et aujourd’hui, pas l’ombre d’une critique, pas même de la part des caciques du parti. C’est que celui-ci est devenu trop petit, aujourd’hui, pour se permettre de grandes batailles internes. Les anciens critiques, trop âgés, ou dépouillés de leur mandat national, ont été mis sur une voie de garage.

Mais Conner Rousseau a suffisamment d’intelligence politique pour ne pas brûler les ponts avec les dernières forces vives du parti. Il a été le poulain de Freddy Willockx, à Sint-Niklaas. Il a gravi les échelons grâce à l’appui de John Crombez et de Freya Van den Bossche, il a été adoubé par les Tobback, et il entretient des contacts étroits avec Johan Vande Lanotte. Ça lui évitera bien des chamailleries.

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