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Le cd&v peut-il arrêter sa chute ?
10·05·22

Le cd&v peut-il arrêter sa chute ?

Temps de lecture : 5 minutes
Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Après un sondage catastrophique et la démission du président du parti Joachim Coens, la crise est totale au cd&v. Les chrétiens-démocrates, autrefois incontournables, sont-ils capables d’arrêter leur chute ? Au cd&v, nombreux sont ceux qui voient en Sammy Mahdi un Conner Rousseau orange, en ce sens qu’il serait capable de remettre le parti sur la voie du succès, comme chez les socialistes.

Chaos. Crise. Consternation. Ces trois mots suffisent à résumer l’ambiance qui règne au cd&v. Le sondage mené par De Standaard et VRT NWS de vendredi passé a été difficile à encaisser pour les chrétiens-démocrates flamands. Le parti qui, jadis, en 1950, avait réuni 60 pour cent des scrutins, avant de devenir, les décennies suivantes, le pilier central de l’État, serait donc devenu le septième et plus petit parti de Flandre, avec à peine 8,7 pour cent des intentions de vote.

Les conséquences de ce sondage catastrophique ne se sont pas fait attendre. Vendredi après-midi, avant la publication des résultats, le président, Joachim Coens, a informé la direction du parti. Il a décidé de prendre les devants et d’annoncer sa démission sans qu’on ne la lui demande. Dans son courrier aux affiliés, Coens a évoqué « une situation profondément affligeante ».

Quand on se fait marcher sur les pieds

Il n’y a pas que l’accumulation de sondages défavorables qui fut fatale à Joachim Coens. À l’intérieur du parti aussi, la communication floue du président n’était pas du goût de tout le monde non plus. Autant dire qu’il se trouvait depuis quelque temps sur un siège éjectable. Lors de son élection à la tête du parti en 2019, il avait reçu deux missions clairement définies : remettre de l’ordre en interne, et – surtout – doter les chrétiens-démocrates d’un profil plus clair. La première mission fut plus ou moins remplie, mais la deuxième, pas du tout. Coens a tenté de s’adresser à « monsieur et madame tout le monde », mais sa stratégie confuse n’a pas réussi à conquérir les cœurs.

Lorsque, ces derniers mois, les oranges ont réussi à marquer des points concrètement, le parti s’est fait marcher sur les pieds à cause d’une mauvaise communication, comme en témoigne le dossier de la baisse de la TVA sur l’énergie : concoctée par le ministre des Finances cd&v Vincent Van Peteghem, la mesure a été présentée comme une victoire des socialistes.

Le problème Beke

Ce défaut de communication a renforcé, chez de nombreux membres du parti, le sentiment d’avoir fait un mauvais choix en 2019. Si Coens avait remporté la présidence face à Sammy Mahdi, à l’époque président des jeunes cd&v, c’était grâce au soutien massif de la Flandre occidentale, Hilde Crevits en tête. Les résultats très serrés de cette élection démontraient alors déjà le manque de confiance des membres envers Coens, surtout du côté du Limbourg, où les membres avaient voté en masse pour Mahdi.

Vers la même époque, le sp.a avait choisi pour président un jeune inconnu : Conner Rousseau. Grâce à lui, les socialistes ont réussi à faire peau neuve et sont devenus Vooruit. L’opération de modernisation du parti a permis aux socialistes de gagner des places dans les sondages. De quoi faire saliver le cd&v.

Un autre problème se pose, en plus de l’erreur de casting : ces dernières années, les anciens ténors du parti n’ont plus marqué à domicile. Hilde Crevits a disparu, absorbée par le gouvernement flamand, tandis que Wouter Beke, l’ancien président, se fait balader d’une commission d’enquête parlementaire à l’autre. Après les errements de la crise sanitaire et les drames dans les maisons de repos, il doit expliquer désormais comment un enfant a pu se retrouver mort dans une crèche. Bien que la responsabilité personnelle de Beke ne soit pas toujours clairement mise en cause, il accumule quand même les casseroles.

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Alors que Vooruit, avec un Frank Vandenbroucke qui a réussi à tirer son épingle du jeu dans les questions de santé publique, une thématique importante pour les socialistes, le cd&v a du mal à gérer le bien-être, pourtant un sujet de prédilection pour des chrétiens-démocrates.

Pour comble de malheur, Coens et Beke se sont écharpés publiquement il y a quelques semaines à propos d’un éventuel raccourcissement du congé parental. Ce spectacle ne fut pas du goût de tout le monde en interne : sans aucune raison, le parti s’est tiré une balle dans le pied. À telle enseigne que les députés cd&v des différents parlements ont dû se réunir pour faire comprendre aux deux hommes qu’ils n’avaient pas intérêt à recommencer.

« Notons que Wouter Beke reste à sa place, pour le moment du moins. »

Cet épisode a laissé des marques pendant plusieurs semaines. La pression s’est accentuée sur Beke depuis la Flandre orientale et la Flandre occidentale. Certains ont même demandé expressément sa démission, mais le cd&v limbourgeois s’y est opposé : si Beke devait partir, alors Coens aussi. Crevits se retrouvait donc une fois de plus dans l’embarras, et le problème interne a continué de traîner. Jusqu’à ce qu’un mauvais sondage, vendredi, donne le coup de grâce à Joachim Coens. Notons que Beke reste à sa place, pour le moment du moins.

Le Rousseau orange

Tous les regards se tournent désormais vers Sammy Mahdi. Samedi, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration a immédiatement annoncé sa candidature à la succession de Coens. « De manière à déjà occuper une bonne partie du terrain », analyse-t-on au sein du parti. Nous ne savons pas encore si d’autres candidats se présenteront. Il faut dire que ceux-ci auraient peu de chances de l’emporter, tant Mahdi semble faire consensus. Jeudi, un conseil de parti national se penchera sur la procédure d’élection, afin que le nouveau président puisse déjà prendre ses fonctions avant l’été.

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Au cd&v, beaucoup voient en Mahdi une sorte de Rousseau orange, en ce sens qu’il pourrait redresser le parti comme l’a fait le président des socialistes. Le Vilvordois de 33 ans a un profil assez clair, un peu plus à droite. Sa succession au secrétariat d’État pourrait aussi permettre de lancer de nouvelles têtes. Le week-end dernier, on citait le nom de l’ex-ministre Nathalie Muylle, mais aussi celui de la Genkoise Nawal Farih, une proche de Mahdi.

Une autre question se pose encore : ne faut-il pas changer le nom du parti ? Les lettres s’écrivent en minuscules depuis peu, mais certaines voix s’élèvent pour carrément abandonner le nom : « La marque est dépassée, elle devient trop lourde à porter », admet une figure de proue démocrate-chrétienne.

La fonte des glaçons

Cela étant dit, un changement de président ou de nom suffira-t-il à inverser la chute du cd&v ? Coens est sacrifié, mais comme l’a justement fait remarquer la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, le problème du cd&v est bien plus fondamental que la question du président.

Dans toute l’Europe, l’idéologie chrétienne-démocrate perd du terrain. Déjà aux élections de 1999, lorsque, après la crise de la dioxine, le CVP a perdu sa place de plus grand parti du pays, le politologue Kris Deschouwer parlait d’un « glaçon en train de fondre ». Aujourd’hui bien plus qu’hier, l’électorat du cd&v vieillit, et les scrutins exprimés en faveur du parti sont guidés par l’habitude. Il n’y a donc pas de quoi se réjouir pour l’avenir.

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D’autant plus que le centre du spectre politique s’estompe, au profit des extrêmes. Il sera particulièrement difficile de trouver une solution à ce problème. Au sein du parti, on n’en pense pas moins : le problème, on le connaît bien, mais les solutions, on les cherche encore. Annelies Verlinden a déclaré ce dimanche que le parti devait « s’efforcer davantage à raconter notre récit », mais le récit même est devenu une partie du problème. Que propose encore le cd&v ?

Le seul petit avantage du parti, ce sont ses bourgmestres : actuellement, les chrétiens-démocrates disposent encore du meilleur ancrage local. Et c’est cet ancrage qui devrait permettre au parti d’encore tenir le coup en mai 2024, lors des élections flamandes et fédérales, avant l’implosion totale. Mais encore faut-il savoir si les bourgmestres cd&v oseront encore se présenter aux élections communales d’octobre 2024 sous une bannière en aussi piteux état.

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