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04·08·17

La crise francophone vue par les nationalistes flamands

Les auteurs de ce texte, Veerle Wouters et Hendrik Vuye, sont députés fédéraux indépendants. Anciens membres de la N-VA, ils ont claqué la porte du parti en 2016, considérant que son essence nationaliste avait été mise de côté au profit de la reconduction de la Suédoise en 2019.

Temps de lecture : 4 minutes

Une nouvelle majorité wallonne est née ! Le MR et le cdH ont recueilli 38 voix sur 75, obtenant ainsi une majorité de justesse. Le gouvernement Borsus a survécu au vote de confiance. Paul Magnette (PS) est évincé de sa fonction de ministre-président. André-Pierre Pudget, parlementaire indépendant, a également soutenu le gouvernement Borsus et a dès lors fait monter le nombre de voix à 39. Pudget, élu sous les couleurs du Parti populaire (PP) en 2014, fait aujourd’hui cavalier seul sous le nom « J’existe ».

Une courte majorité, donc. Infime, même. Pourtant, la situation n’est pas une première. Le gouvernement flamand Van den Brande IV (1995-1999) a également remporté les suffrages d’une voix. Mieux encore : un gouvernement wallon a déjà été formé sans majorité. Vous avez bien lu. Dans ce paradis constitutionnel qu’est la Belgique, cette situation s’est bel et bien produite. Lors des élections de 1985, le duo PSC-PRL – ancêtres du cdH et du MR – ont obtenu 52 sièges au Parlement wallon. Même résultat pour l’opposition, où figuraient alors le PS, Écolo et … la Volksunie. Toon Van Overstraeten, dans les rangs du parti nationaliste flamand, avait été élu au sein de l’arrondissement électoral de Nivelles (en Brabant wallon) par le subtil jeu de l’apparentement. Le PSC et le PRL ne disposaient alors pas des 53 sièges sur 104 synonymes de majorité … à moins de pousser Toon Van Overstraeten vers la sortie. Ce fut chose faite. L’élection du nationaliste flamand a été invalidée, ce qui allait alors à l’encontre du chiffon en papier que nous avons baptisé constitution. Passons. Le gouvernement wallon – à l’époque exécutif wallon – a été intronisé, avec Melchior Wathelet (PSC) à sa tête.

Et ce n’est pas fini. Si l’on remonte à 1958, on peut se rappeler qu’un gouvernement minoritaire a déjà survécu au vote de confiance. Gaston Eyskens forme un gouvernement minoritaire CVP-PSC qui reçoit la confiance de la Chambre avec 106 voix contre 104. Deux libéraux – Van Glabbeke et Lahaye – et Frans Van der Elst, unique parlementaire de la Volksunie, soutiennent le gouvernement. Peu après, les libéraux adhèrent au gouvernement et une majorité nette se dégage.

Quid de Bruxelles ?

Au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale siègent 72 francophones et 17 néerlandophones. Le gouvernement Vervoort actuellement en place se compose du PS, du cdH et de Défi du côté francophone et des partenaires de coalition que sont l’Open Vld, le sp.a et le CD&v du côté flamand.

Ici aussi, le cdH a clairement fait savoir qu’il ne souhaitait plus gouverner aux côtés du PS. La ministre Céline Fremault (cdH) s’est exprimée dans des termes nets et précis à cet égard. Or Fremault ne démissionne pas et reste en fonction. Ce gouvernement a beau battre de l’aile, elle ne quitte pas le nid.

Des situations identiques se présentent au sein d’autres organes bruxellois. La Commission Communautaire française (COCOF; ndlr) et la Commission Communautaire Commune (COCOM; ndlr) disposent encore d’un gouvernement, mais les partenaires ne veulent plus gouverner conjointement.

Et en Communauté française ?

Le Gouvernement du Ministre-Président Rudy Demotte (PS) nage également en eaux troubles. Sa majorité PS-cdH est démembrée, mais le gouvernement n’est pas démissionnaire. Ses Excellences du cdH n’ont en l’occurrence pas non plus rendu leur tablier.

Quels sont les scénarios en vue ?

Les libéraux francophones emmenés par Charles Michel ont beau se féliciter du nouveau gouvernement wallon, la crise est loin d’être enrayée. Quels sont les scénarios en vue à Bruxelles et en Communauté française ? Les partenaires de coalition MR-cdH n’y jouissent d’aucune majorité. À supposer qu’ils se mettent en quête de partenaire, qui pourrait venir les dépanner ? Deux réponses évidentes se présentent : Défi (ex-FDF) ou Écolo.

En Communauté française, une coalition MR-cdH-Défi obtiendrait une majorité à hauteur de 49 sièges sur 94. Au sein du groupe linguistique français du Parlement bruxellois, elle obtiendrait une majorité de 37 sièges sur 72.

Une coalition MR-cdH-Écolo atteindrait quant à elle une majorité de 49 sièges sur 94. En revanche, la coalition n’obtiendrait pas de majorité au sein du groupe linguistique français du Parlement bruxellois : 33 voix sur 72. L’hypothèse ne tient dès lors pas la route. D’autant plus que les écologistes ont déjà affirmé ne pas vouloir faire office de roue de secours.

Maingain ministre-président ?

Olivier Maingain a les cartes en main. Et l’homme est justement un fin joueur. Bien que lui-même bourgmestre, député et président de parti, il plaide pour un décumul radical. De même, il exhorte Joëlle Milquet à jeter l’éponge, car celle-ci est accusée d’avoir commis des irrégularités dans son cabinet à l’époque où elle était encore ministre. Sauf que Milquet n’a pas été condamnée et qu’elle jouit par ailleurs de la présomption d’innocence. En outre, le cdH, qui s’approche toujours plus du seuil électoral dans les sondages, ne laissera pas sa figure de proue bruxelloise se faire crucifier de la sorte. Sans Milquet, le cdH bruxellois existe à peine.

Mais en quel honneur Maingain aiderait-il le MR ? La sixième réforme de l’État (2011-2014) avait sonné le glas du cartel MR-FDF. Ce divorce douloureux n’a pas encore été digéré. À la Chambre, Maingain ne se fait jamais prier lorsqu’il s’agit d’en faire baver au MR. De plus, il existe un important contentieux financier. Au lendemain de leur séparation, MR et Défi ne sont pas mis d’accord sur le partage des biens du ménage. En 2014, le tribunal de première instance condamne le MR à payer 670.000 euros à Défi. Cette affaire se trouve désormais devant la Cour d’appel de Bruxelles. La décision est attendue d’ici début 2019 au plus tôt. Nul doute que Maingain mettra le dossier sur la table. Viennent ensuite les normes sonores liées au survol de Bruxelles, le BHV du moment. La question sera également abordée par Maingain à la table des négociations.

Et maintenant ?

Olivier Maingain est en vacances jusqu’au 15 août. Les négociations reprendront après cette date. Il est possible que le PS reste aux commandes aussi bien en Communauté française qu’en Région Bruxelles-Capitale. Il faudra attendre la fin des vacances pour savoir si cette possibilité, si elle venait à se confirmer, donnera lieu à une crise ou, tout du moins, à un parfum de crise. Comme toujours, tout peut arriver.

Comme à l’accoutumée, la Belgique fait honneur au surréalisme constitutionnel. Alda Greoli est la nouvelle femme forte du cdH. Jamais élue, cette cheffe de cabinet devient ministre en 2016, succédant à Joëlle Milquet. À présent, la voilà vice-ministre-présidente du (nouveau) gouvernement wallon et du gouvernement (sur la fin) de la Communauté française. Elle se retrouve donc numéro deux de deux gouvernements avec des majorités distinctes. Allez-vous en expliquer cela à l’étranger. « C’est du belge ! » (en français dans le texte original; ndt).

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