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« C’est du Bouchez tout craché » : la nomination du président de l’Autorité de la concurrence bloquée
23·06·22

« C’est du Bouchez tout craché » : la nomination du président de l’Autorité de la concurrence bloquée

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

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À la grande frustration de ses partenaires gouvernementaux, le MR refuse depuis plusieurs mois de nommer à la présidence de l’Autorité de la concurrence le meilleur candidat – pour des raisons linguistiques, mais aussi de politique partisane. « Cela nuit à l’image de l’institution ».

La direction de l’Autorité belge de la concurrence (ABC), cet organisme chargé de veiller à la libre concurrence dans notre pays, est actuellement assurée par le septuagénaire Jacques Steenbergen, dont le mandat a expiré en 2019. La chute du gouvernement Michel, fin 2018, interrompait une première procédure de recherche d’un successeur. Une deuxième procédure de sélection était retoquée par le Conseil d’État en raison d’un recours introduit par un candidat malheureux.

L’an dernier, le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS), compétent pour l’ABC, a donc entamé une troisième procédure.

Il était entendu au sein de la coalition Vivaldi que le poste devait échoir à un francophone, avec un comité de direction équilibré, composé de deux néerlandophones et de deux francophones, comme le veut la loi.

Au terme des épreuves de sélection, qui se sont intégralement déroulées en français, deux candidats ont été présélectionnés : Axel Desmedt, l’un des principaux dirigeants de l’IBPT (le régulateur des télécommunications), est sorti premier du processus de sélection, suivi par Emmanuel Pieters, directeur opérationnel en charge des PME au SPF Économie. Dès juillet 2021, le ministre Dermagne a donc proposé au « kern » la nomination d’Axel Desmedt. Et le MR a décidé de faire obstruction.

L’esprit de la loi

Le Bruxellois Axel Desmedt, parfait bilingue, est titulaire d’un diplôme de droit néerlandophone décerné par la VUB. En raison de son diplôme, il est étiqueté néerlandophone par l’IBPT, mais comme il n’a exercé qu’un mandat temporaire, il ne relève pas, formellement, de l’un ou l’autre rôle linguistique. Pour pouvoir participer à la sélection francophone relative à la présidence de l’ABC, Axel Desmedt a obtenu auprès du Selor, le bureau de sélection de l’autorité fédérale, une attestation de bilinguisme.

L’an dernier, à la demande du MR, le gouvernement a sollicité la Commission permanente de contrôle linguistique et le SPF Stratégie et Appui pour savoir si, à la lumière de ces éléments, Axel Desmedt pouvait effectivement être considéré comme francophone.

À cette question, ces deux avis, que De Standaard a pu consulter, apportent une réponse positive. Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, le MR ne change pas d’attitude : au sein du parti, on nous confirme qu’« il a été convenu de nommer un président francophone ». Selon le MR, les avis en question sont contraires à l’esprit et à la lettre de la loi, et le poids du diplôme est prépondérant. Le MR brandit en l’occurrence un avis juridique distinct, qui va dans un sens différent de celui des deux instances neutres.

« C’est du Bouchez tout craché »

Voilà plusieurs mois que le dossier est complètement bloqué — malgré plusieurs discussions menées au sein du gouvernement — et pour des raisons probablement politiques, et pas seulement linguistiques. Avant sa nomination au SPF Économie, Emmanuel Pieters a travaillé pendant de nombreuses années dans certains cabinets MR. Selon diverses sources, Axel Desmedt serait soutenu par l’Open VLD, le parti du Premier ministre Alexander De Croo. Et pour le PS, les deux partis libéraux discutaillent surtout parce qu’ils souhaitent chacun mettre la main sur ce poste. Détail intéressant : lorsqu’Alexander De Croo était ministre des Télécommunications, Emmanuel Pieters travaillait également dans son cabinet.

Au PS, et chez plusieurs interlocuteurs du gouvernement, l’attitude du président du MR, Georges-Louis Bouchez, et en particulier son refus de nommer Axel Desmedt, suscite de nombreuses frustrations.

« C’est du Bouchez tout craché », entend-on dans les couloirs. « Sa manière de faire de la politique est très négative, paralysante. Cela nuit à l’image de l’ABC ». Du côté de l’Open VLD, on laisse déjà entendre qu’Axel Desmedt aurait de puissants arguments juridiques à faire valoir en cas de non-nomination.

Une solution inédite

Les plus hautes instances du gouvernement, dont le Premier ministre De Croo, réfléchissent donc depuis plusieurs mois à des pistes qui permettraient de dénouer l’écheveau. D’après nos informations, une des idées envisagées consisterait à modifier la loi pour autoriser la nomination à la tête de l’ABC un duo composé d’un néerlandophone et d’un francophone, ce qui permettrait de nommer les deux candidats. Outre qu’il s’agirait là d’une solution inédite, politiquement très délicate, les objections juridiques à cette idée ne manquent pas : comment imaginer de nommer Axel Desmedt au rôle néerlandophone sans qu’aucun autre candidat néerlandophone n’ait eu la possibilité de participer à la sélection ?

Voilà longtemps que les partis francophones estiment excessif le nombre de hautes fonctions administratives remises entre des mains flamandes. Le PS, en particulier, veut redresser ce « déséquilibre manifeste », après avoir été écarté du pouvoir au niveau fédéral entre 2014 et 2020. Selon le MR, le PS aussi voudrait voir un francophone à la présidence de l’ABC, mais dans les couloirs du PS, on laisse entendre qu’une nomination d’Axel Desmedt serait acceptable. « Tout cela a duré bien assez longtemps. Sur le plan politique, tout cela devient bizarre ».

Le PS annonce son intention de remettre prochainement la question à l’ordre du jour du gouvernement fédéral.

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