Les tabous sont faits pour être brisés. Actiris l’a enfin compris. Pour la première fois, une de leurs études s’est intéressée à l’origine des chômeurs. Ce que son pendant flamand du VDAB fait depuis des dizaines d’années. Durant longtemps, à Bruxelles, l’establishment politique ne voulait pas en entendre parler. Trop stigmatisant, disait-on. Totalement inutile.
Actiris tourne donc la page. Grâce à un directeur qui ne se soucie pas des tabous et qui souhaite travailler de manière rationnelle. Celui-ci estime que c’est en nommant les choses qu’on trouve des causes et des solutions. Les résultats de l’étude, sans doute conformes aux attentes, ne sont guère encourageants. Maghrébins, Turcs et Congolais apparaissent largement surreprésentés dans les statistiques du chômage.
Malade
À Bruxelles, 55 pour cent des jeunes Africains d’origine sub-saharienne sont sans emploi. Chez les jeunes issus du Maghreb ou de Turquie, le taux de chômage tourne autour des 40 %. Dans ces communautés, le chômage global s’élève à plus de 30 %. Autrement dit, un tiers de l’ensemble des chômeurs bruxellois a des racines maghrébines alors que les personnes de cette communauté ne représentent qu’un cinquième de la population.
On peut imaginer que les négociateurs du futur gouvernement ont épluché ce rapport avec soin. Car les maladies du marché du travail constituent indéniablement le plus important défi à Bruxelles pour les années à venir. Tous les autres champs d’action politique s’estompent devant celui-là. Il est impossible de bâtir un projet de ville lorsque tant de ses habitants restent sur le bas-côté. Avec un faible revenu et une faible image d’eux-mêmes.
Les recettes du changement, qui sont bien entendu connues, doivent être considérées sous une perspective à la fois sociale et économique. Le marché du travail bruxellois doit sortir de son cocon et s’adresser plus largement à sa périphérie. Depuis quelques années, la mobilité du travail entre Bruxelles et la Flandre s’améliore, mais elle demeure encore insuffisante. D’une façon ou l’autre, celui ou celle qui refuse un emploi en Flandre doit être amené à se justifier.
En finir avec les obstacles
En attendant, Bruxelles peut faire disparaître les obstacles à l’emploi. L’espace de travail doit devenir plus diversifié afin de mieux refléter la réalité de la ville. Dans cette optique, la reconnaissance caduque des diplômes constitue encore et toujours la plus grande discrimination. Combien de laborantins ou de comptables polonais ne travaillent-ils pas dans les services de nettoyage ? Combien d’infirmières africaines ne sont-elles pas sans emploi alors que le travail ne manque pas ?
Ce n’est pas le diplôme qui compte, mais les compétences. Moyennant un test et une formation complémentaire, on serait déjà en mesure de réaliser pas mal de choses.
La réforme de l’enseignement francophone suscite également de grandes attentes. Trop d’élèves en sortent sans le moindre diplôme. L’école produit de la sorte un flux continu de chômeurs et de chômeuses.
Actiris s’est emparé de cette étude pour avancer des solutions et en faire un document prometteur. L’Office régional est parfaitement conscient de la suite à y donner, en collaboration avec le nouveau ou la nouvelle ministre de l’emploi, le VDAB et Bruxelles Formation. Maintenant qu’il a pris son élan, Actiris doit poursuivre sur sa lancée.