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30·05·18

Anvers vient de Mars, Gand de Vénus

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

CC2.0 Alain Rouiller via Flickr

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Après la N-VA anversoise, c’est au tour du cartel sp.a-Groen gantois de dévoiler son programme en vue des élections communales qui approchent. Les deux formations, qui ont bien l’intention de garder le pouvoir dans leur ville respective (avec Bart De Wever à Anvers et Rudy Coddens à Gand), symbolisent des visions opposées de la gestion politique d’une ville. La ville de l’Escaut, avec son bourgmestre de droite, semble venir de Mars, et la ville d’Artevelde, avec son bourgmestre de gauche, de Vénus. C’est en tout cas ce qu’écrivait le mensuel Sampol il y a un an. Et les programmes des partis confirment cette image. Là où Anvers part toujours d’une certaine réalité, Gand préfère faire confiance à la créativité de la société. De Standaard a sélectionné quatre thématiques de campagne illustrant les divergences entre les deux partis.

Sécurité : du premier chapitre au dernier

La N-VA ouvre son programme par le thème de la sécurité, alors que le cartel sp.a-Groen termine par ce point-là. Par contre, le nombre de pages consacrées au sujet diffère à peine (8 pages contre 6), mais le ton est résolument différent. La N-VA anversoise met en évidence la culture de la sécurité qui a régné sur la ville ces dernières années. À Gand, le cartel privilégie une approche plus sobre.

La N-VA entame son chapitre par la phrase : « Votre sécurité est importante pour nous. » De l’autre côté, on souligne d’emblée que « Gand est considérée comme une ville ouverte, tolérante, positive et sûre. » À Anvers, on se réjouit que les militaires permettent « d’éviter le pire depuis de nombreuses années », tandis qu’à Gand on se passerait bien de leur présence. Les deux programmes, en revanche, préconisent la reconnaissance automatique des plaques minéralogiques : à Anvers contre les « bandes criminelles itinérantes », à Gand pour rendre le centre-ville totalement sans voiture.

À Gand, « les agents de quartier constituent la pierre angulaire du travail de la police », alors qu’à Anvers, on insiste surtout sur la nécessité de voir des combis de police circuler dans la ville. Ceci dit, les points communs entre les deux villes ne sont pas rares : la N-VA anversoise comme le cartel sp.a-Groen gantois réclament davantage d’autonomie administrative pour les bourgmestres et les communes dans la lutte contre la criminalité et les incivilités.

Le programme anversois se concentre sur la war on drugs, la guerre contre la drogue à laquelle se livre le bourgmestre, et le Stroomplan qui encadre cette lutte. Les partenaires gantois envisagent de réinventer la politique de la ville en matière de lutte antidrogue : « Nous misons sur la prévention et sur les soins à apporter aux toxicomanes. » Gand compte lancer un programme d’échange de seringues, ce qu’Anvers rejette vigoureusement.

Mobilité : entre déviation et séduction

« La voiture n’est plus reine dans la ville. » C’est bien la N-VA qui s’exprime en ces termes dans son programme. Ceci dit, le parti s’empresse d’ajouter qu’améliorer la mobilité, c’est bien plus que « sanctionner les automobilistes ou lancer des plans de mobilité sans queue ni tête qui constituent un attentat contre la classe moyenne locale. »

En effet, le plan de mobilité de Gand fait office d’épouvantail pour la N-VA. Mais pour le cartel gantois, ce plan n’est pas suffisant et il faut le développer encore davantage, par exemple en tentant de repousser la circulation de transit et en étendant le principe aux différentes entités de la commune.

Si le but est identique dans les deux villes (encourager les gens à moins utiliser la voiture), la stratégie et l’emballage diffèrent. L’approche gantoise est plus contraignante, alors qu’à Anvers, on joue la carte de la séduction. Pourtant, dans les faits, les convergences sur le sujet ne manquent pas entre les deux programmes : instauration de carrefours non conflictuels (gérés intelligemment, de manière à fluidifier et à sécuriser la circulation de tous les usagers aux carrefours), aménagement des routes séparées pour les camions, développement de réseaux de pistes cyclables et de lignes de tram, limitateurs de vitesse dans les voitures de la Ville, interdiction des camions aux abords des écoles aux heures de forte fréquentation, promotion des systèmes de car sharing, etc.

Autre point commun entre Gand et Anvers : une forte frustration face au manque participation des villes dans la société De Lijn. Dans les deux villes, le(s) plus grand(s) parti(s) plaident pour des sociétés de transports en commun propres aux villes ou aux régions.

Identité : des limites ou des portes ouvertes

Un peu partout, la N-VA se réfère volontiers aux Lumières, à l’égalité hommes-femmes, à la séparation des Églises et de l’État et au respect de la diversité sexuelle. On retrouve aussi parfois dans le programme de sp.a-Groen le terme « Lumières », mais dans un sens plus littéral.

À Anvers, la N-VA laisse peu de place à l’interprétation : « Nous ne demandons pas aux nouveaux arrivants d’oublier leur passé, nous leur demandons de partager notre avenir commun. D’apprendre le néerlandais au plus vite, de s’intégrer à notre système de normes et valeurs et de trouver rapidement un travail. »

Anvers demandera aux nouveaux venus de signer une Charte de droits fondamentaux, de libertés et de devoirs. « Quand on vit et on travaille en Flandre, quand on participe à la vie de la société flamande, on adopte automatiquement l’identité flamande. » La N-VA souligne également que « dans notre modèle de société, le bien-être repose sur une famille dont les deux parents ont un salaire », ce qui implique l’activation professionnelle des femmes.

Anvers pose des limites. Les associations qui ne soutiennent pas les valeurs des Lumières ne reçoivent pas de subventions. Ceux qui résistent à l’apprentissage du néerlandais doivent payer un interprète dès la deuxième visite à l’administration communale. À Gand, le cartel continuera de mettre des interprètes à la disposition des non-néerlandophones. Le mot « diversité » saute aux yeux dans le programme, tant il est récurrent (67 occurrences).

Le ton du programme gantois est lénifiant, accueillant : « le vivre-ensemble commence par le respect et l’acceptation mutuels et par le dialogue. En ville, et a fortiori dans les quartiers les plus densément peuplés, le vivre-ensemble constitue un véritable défi. »

Autre extrait : « Cette diversité, pour nous, n’est ni bonne ni mauvaise, elle est une réalité à laquelle il faut travailler, car nous ne voulons laisser personne sur le carreau. Nous sommes persuadés que c’est en travaillant à la cohésion sociale et en refusant la polarisation que nous y arriverons. Nous menons une politique active contre toute forme de discrimination et de racisme. »

Enseignement : la liberté face à la diversité

C’est un véritable fossé qui sépare la vision de l’enseignement de la N-VA anversoise de celle du cartel sp.a-Groen à Gand. Le seul point sur lequel les deux programmes s’accordent, c’est la nécessité d’augmenter le nombre de places dans les écoles. Pour la N-VA, la priorité, c’est de laisser aux parents le libre choix de l’école de leurs enfants. Cela évitera aux écoles d’entrer dans un système d’inscription numérique qu’elles n’ont pas voulu. Et le parti se distancie des « tentatives forcées et infructueuses d’imposer dans les écoles une certaine mixité sociale. »

Le cartel gantois entend, en revanche, garantir l’égalité des chances lors de l’inscription dans les établissements scolaires. Il insiste sur « un enseignement fortement inclusif ». Dans l’enseignement (secondaire) de la Ville, les frais sont plafonnés et on s’attaque au redoublement, qu’on « abolit » même, du moins sur papier. Lors de la présentation du programme gantois, il a été dit que l’école doit être « au service des élèves brillants, mais aussi de ceux qui ont besoin d’un coup de pouce pour progresser. »

Pour le sp.a et Groen, il faut utiliser la langue parlée à la maison pour le bien-être des enfants, et pour les aider à mieux apprendre le/en néerlandais. Pour la N-VA, c’est hors de question. « La Ville ne doit pas semer la confusion en encourageant l’utilisation de la langue d’origine des élèves. » Pour que les élèves rattrapent leur retard en néerlandais, ils doivent être en immersion dans la langue néerlandaise.

La question identitaire s’invite également dans le débat sur l’enseignement. Pour la N-VA, il faut interdire le port de tout symbole religieux ou idéologique dans les écoles de la Ville, tandis que ce n’est pas une nécessité pour le cartel sp.a-Groen. Pour ce dernier, « chaque élève doit pouvoir décider lui-même du port ou non de symboles religieux. »

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