Eddy Bevers, bourgmestre de Willebroek, ne s’est plus fait couper les cheveux depuis mars. Il s’était engagé à ne plus se rendre chez le coiffeur tant que la crise sanitaire ne serait pas terminée. Il a qualifié ce pari de « petite folie », histoire de rendre cette période un rien moins morose. C’est ainsi que l’élu N-VA s’est présenté, le cheveu luxuriant tombant jusqu’aux épaules, face à la presse internationale. Mais s’il n’a pas eu l’air convaincant en disant qu’il avait annulé le couvre-feu local de son propre chef, ce n’est pas à cause de sa chevelure.
Exception en Flandre
Ce couvre-feu à 22h, il l’avait imposé quatre jours auparavant, alors que partout en Flandre, il était possible de se déplacer librement jusqu’à minuit. Ce n’est que dans le centre de Willebroek que les résidents devaient rentrer chez eux avant 22h. Certes, à Bruxelles et en Wallonie, le couvre-feu est aussi fixé à 22h, mais à Willebroek, le couvre-feu ne concernait pas le coronavirus. Il concernait des bandes de jeunes qui traînaient dans la rue, qui avaient causé des troubles et qui s’étaient montrés agressifs face à la police et au bourgmestre.
Sonnette d’alarme
Cette décision avait valu à la Commune une volée de bois vert. Les constitutionnalistes y voyaient, en effet, un bel exemple de pente glissante : en acceptant un couvre-feu contre la propagation du coronavirus, nous ouvrons la porte à d’autres applications du couvre-feu, notamment à de simples fins de maintien de l’ordre, ce qui s’avérerait antidémocratique. Les constitutionnalistes avaient déjà tiré la sonnette d’alarme lorsque, pour la première fois, un couvre-feu avait été imposé fin juillet dans la province d’Anvers. Bien sûr, ils exagéraient : dans notre pays comme à l’étranger, on avait déjà accepté qu’une limitation de nos libertés pendant la nuit pouvait constituer une mesure proportionnelle à l’ampleur de la crise sanitaire, malgré les sacrifices que cela représente pour la société. Il avait également été admis que les autres solutions, comme l’interdiction des rassemblements, n’étaient pas aussi efficaces. Mais comme le dit la Constitution, une mesure aussi drastique qu’une privation de liberté doit être proportionnelle au problème et ne peut être prise qu’en dernier recours, lorsqu’il n’existe aucune alternative moins radicale.
Décision indéfendable
Le bourgmestre de Willebroek, lui, a franchi un pas qui rend sa décision indéfendable. Les pressions politiques qui ont suivi furent rapides, et c’est une bonne chose qu’il ait tiré les conclusions qui s’imposaient, même s’il n’a pas voulu l’admettre de vive voix. Il a dû compter sur l’aide du ministre flamand Bart Somers, qui a déclaré que l’agression des policiers à Willebroek était encore pire que celle d’Ixelles, qui avait déjà fait beaucoup de bruit. Autrement dit, le problème est bel et bien sérieux. Nul ne conteste que les agents de police doivent pouvoir pratiquer leur métier sans avoir peur pour leur peau. Mais il y a d’autres méthodes que de d’assigner à résidence tous les soirs des milliers de citoyens.