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09·03·18

Les électeurs en ont ras-le-bol de la politique traditionnelle

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Anti-Europe. Anti-immigration. Anti-establishment. Les vainqueurs des élections en Italie se rejoignent sur de nombreux points. Et pourtant, ensemble, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord s’assimilent à un gouvernement qui réunirait le PTB, Ecolo, la N-VA et le Vlaams Belang.

Il aura finalement eu raison, Guy Verhofstadt, en affirmant dans nos colonnes le week-end dernier que les Italiens en avaient plus qu’assez de leurs dirigeants historiques. Exit Silvio Berlusconi (81) et sa Forza Italia de centre-droit : il traîne un trop lourd passé derrière lui. Exit aussi Matteo Renzi (43) et son Partito Democratico de centre-gauche : il traîne un trop grand avenir derrière lui. En un an, Italie devient le quatrième grand pays européen où les sociaux-démocrates connaissent une plongée historique, après les Pays-Bas, la France et l’Allemagne. Nous avions assisté au même scénario un peu plus tôt en Grèce, en Espagne et en Grande-Bretagne. La Belgique suivra-t-elle en 2019 ?

Les électeurs italiens n’en ont pas assez de la politique traditionnelle, ils en ont ras-le-bol. Dimanche dernier, ils l’ont littéralement vomie. De sombres devins avaient prédit l’an dernier que le populisme accéderait successivement au pouvoir aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Il n’en fut finalement rien. Personne ne songeait alors à l’Italie. Mais c’est pourtant bien à Milan, Rome, Naples et Palerme que les populistes de droite et de gauche se sont emparés du pouvoir et de la majorité. Jusqu’ici, la Ligue du Nord (droite radicale) et le Mouvement 5 étoiles (anti-système de gauche à tendance écologique) étaient décrits comme des partis extrémistes. Mais à partir du moment où ces partis récoltent au moins la moitié des voix, ils intégrèrent le courant dominant.

Le mécontentement que suscite l’impuissance politique en Italie – en dépit du Viagra de Berlusconi – n’est plus l’exception, mais la règle. L’Italie a voté contre le pouvoir en place. L’Italie a voté anti-establishment. L’Italie a voté anti-immigration. L’Italie a voté anti-Europe. Verhofstadt avait encore raison : l’Italie aime par nature les nouveaux sauveurs autoproclamés. Même si elle constate ensuite, amère, qu’elle s’est à nouveau fourvoyée. La toupie du désespoir.

Dimanche dernier, l’Allemagne a donné, pince à linge sur le nez, sa bénédiction à une grande coalition de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates. Un gouvernement de losers. En Italie, même ce cas de figure est exclu. Le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord sont voués l’un à l’autre. Ce qu’ils ont en commun ? Ce à quoi ils s’opposent. Pour le reste, c’est le jour et la nuit. Rassemblez ces deux vainqueurs en un même gouvernement et vous obtenez, après conversion en politique belge, une coalition surréaliste réunissant le PTB, Ecolo, la N-VA et le Vlaams Belang. Un signe clair de la division qui déchire l’Italie du Nord et l’Italie du Sud, plus encore que la Flandre et la Wallonie, mais aussi – pour citer une fois encore Verhofstadt – une preuve que l’Italie est moins un pays qu’une civilisation. Même si tous deux tombent en ruine.

Au Nord, un Italien sur quatre a voté pour le Mouvement 5 étoiles. Au Sud, un électeur sur deux s’est exprimé en faveur de ce parti, dirigé par un néophyte de 31 ans, tout juste titulaire d’un permis de conduire et d’un brevet de natation, mais qui a l’avantage de n’être gêné ni par un diplôme prestigieux ni par une expérience en politique. Matteo Salvini, extrémiste de droite de la Ligue du Nord, revendique quant à lui le poste de Premier ministre. Pendant ce temps, l’Europe frémit, l’Europe tremble. À raison, car depuis le Brexit, l’Italie est la troisième économie de l’Union.

Les hérauts européens devraient en outre cesser leur arrogance. Ceux qui ont gagné les élections italiennes ne sont pas des idiots. Même Verhofstadt devrait le savoir. Ce dernier, libéral convaincu, envisageait encore l’an dernier de s’associer au Mouvement 5 étoiles, que l’on peut soupçonner de tout, mais pas de libéralisme.

L’Italie pousse l’Union européenne à l’introspection et à l’immobilisme. Elle ne contribue certainement pas au grand bond en avant que réclame Guy Verhofstadt à cor et à cri, en dépit de la volonté populaire. Combien d’élections faudra-t-il encore, après les États-Unis et la Grande-Bretagne, après la France et l’Allemagne, après l’Italie dimanche dernier, pour faire comprendre à Bruxelles qu’on ne peut faire indéfiniment abstraction de la voix du peuple ? Non, l’électeur n’est pas dupe. Il a toujours raison. Même quand il a tort.

 

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