L’interview de Saïd Boumazoughe parue ce week-end dans le journal De Morgen a été une bouffée d’oxygène. Sa vision de la réalité et de cette crise me donne de l’espoir et de l’inspiration. Moi qui habite le centre-ville d’Anvers, j’apprends que non loin de là, dans le Kiel, 150 personnes font la queue auprès d’une banque alimentaire. Moi qui suis née en Belgique, je découvre ce que c’est de grandir lorsque l’on est issu de l’immigration. Moi qui ne prie aucun Dieu, ne pratique aucun rituel ou croyance, j’entrevois les contours de l’islam. Saïd s’exprime prudemment : « Je ne veux pas être un ambassadeur de l’islam, mais je ne sais que nous devons encore construire de nombreux ponts. » Il assure ses arrières, conscient des réactions que peuvent susciter les déclarations sur la diversité, la différence.
À mon sens, cette crise ne porte pas sur la volonté de quelques leaders politiques de susciter l’adhésion. Pas plus que sur quelques diapositives schématiques. Et encore moins sur la question de savoir qui doit payer pour qui, qui marque des « points » en politique ou ce qui oppose les Wallons et les Flamands. Pas du tout. Cette crise nous fait prendre conscience que nous pouvons aller à la rencontre de l’autre. Qu’ensemble, nous avons l’opportunité de réfléchir, méditer, philosopher – et pourquoi pas, prier. D’envisager comment nous pouvons nous encourager, gérer la peur, le changement, la solitude, la perte et le manque. Comment nous pouvons nous serrer les coudes aussi. Il est temps, plus que jamais, d’écouter ceux qui élargissent notre champ d’horizon.
Saïd a aussi évoqué sa grand-mère, une aïssawiyya, une conteuse d’histoires soufie. « Son visage est recouvert de tatouages. Elle est assez spirituelle, c’est une guérisseuse. » Elle raconte des histoires en frappant sur un tambour. Quelles sont ses histoires ? Sur quel rythme les conte-t-elle ? À quoi ressemblent ses tatouages ? Quels maux soigne-t-elle ? Voilà ce que j’aimerais savoir. Il est important d’écouter ceux qui redessinent l’avenir, qui mettent en lumière des récits encore inconnus pour nous, qui prononcent des mots dont nous ne connaissons pas la signification. Ces personnes nourrissent notre joie de vivre et non nos peurs. C’est là notre salut ! Accueillons une langue unificatrice, ayons confiance dans la diversité. Saïd a cité Marc Van Ranst qui a déclaré : « le ramadan est une période importante pour une grande partie de nos gens ». Pas « ces gens », mais « nos gens ».
Tout est dit. Il s’agit de « nos gens » sans aucune exclusive. Je remercie Saïd Boumazoughe et Marc Van Ranst. Et tant que j’y suis, je remercie aussi Sophie Wilmès, qui met son égo politique de côté au profit de la résolution de la crise, qui s’excuse quand quelque chose ne fonctionne pas et a la capacité de rassembler.