Les êtres humains ne sont pas faits pour vivre les uns près des autres. Ça les rend névrosés et les force à consulter un psy.
Permettez-moi de vous faire part de mon scepticisme lorsque j’entends qu’on prévoit la fin du béton pour 2040. En remontant le temps, je repense à l’annonce de la sortie du nucléaire pour 2015. Qui, à l’exception de l’un ou l’autre écologiste bien isolé, a cru que cette annonce du gouvernement Verhofstadt serait suivie d’une fermeture réelle des centrales ? Personne. Et tout le monde sait ce qu’il en est advenu : rien. Pourtant, cette proposition avait été coulée dans une loi votée par le Parlement.
Tout comme Verhofstadt à l’époque, le gouvernement Bourgeois entend aujourd’hui être plus ambitieux que l’exigent les accords internationaux. Dès 2025, on ne pourra plus bâtir que sur la moitié de l’espace libre actuel, et en 2040 sur plus aucun espace du tout. Au(x) prochain(s) gouvernement(s) flamand(s) de se débrouiller. Comment ne pas faire de parallèle avec la sortie du nucléaire ?
La décision du gouvernement flamand est radicale. Elle se base sur la vision d’un fonctionnaire, appelé Vlaamse Bouwmeester (le Maître d’œuvre flamand), qui aimerait nous faire avaler que nous préférons vivre en ville qu’à la campagne. Rien n’est moins vrai, bien sûr. Si c’était le cas, de très nombreux Flamands ne vivraient pas là où ils habitent maintenant, à savoir à la campagne. Ces Flamands exaspérés de perdre du temps dans les bouchons, mais qui prennent quand même leur voiture chaque jour pour aller au travail. Pourtant, on n’en finit pas de battre des records de kilomètres d’embouteillages, alors que le nombre d’usagers des transports en commun n’a pas augmenté, bien au contraire.
Est-il si agréable de vivre en ville ?
Bonne question : les gens seraient- ils plus heureux s’ils vivaient dans une boîte de béton de cinq ou dix étages, plus près de leur travail ou d’un supermarché ? Certainement pas, sinon pourquoi des centaines de milliers de Flamands habitent-ils aujourd’hui à la campagne s’il est si confortable d’habituer un immeuble en ville ?
D’un point de vue psychologique, cet argument ne tient pas la route non plus. Les êtres humains ne sont pas faits pour vivre les uns près des autres. Ça les rend névrosés et ils doivent se faire suivre par un psychologue ou un psychiatre parce qu’un voisin fait trop de bruit et l’autre jette ses déchets dans la cage d’escalier, tandis qu’un troisième refuse de poser son vélo sur son propre mur. Moi, je dis ça, je ne dis rien.
Ceci dit, je comprends bien que nous ne pouvons pas continuer à bâtir sans cesse dans des espaces libres et couler encore plus de béton sur notre territoire pour créer des places de parking ou des routes. Mais pourquoi une décision aussi radicale ? N’existe-t-il pas d’autres options, plus raisonnées, qui nous permettraient de mettre en pratique cette politique au fur et à mesure ?
Si on commençait, par exemple, par arrêter de construire de longues rangées de maisons le long des routes ? Puis, de quel droit les parents d’aujourd’hui empêcheraient-ils leurs enfants et petits-enfants de s’installer à la campagne, dans une prairie où se trouvait jadis un bois que le fermier a abattu avec les subventions du gouvernement ? Le Flamand d’aujourd’hui serait le premier qui, depuis la sédentarisation de l’homme, ne pourrait pas transmettre à sa famille son lieu de vie, là où son ancêtre fermier a bâti son logement et agrandi son terrain.
Indignez-vous !
Et ce n’est qu’une des raisons de la colère qui m’envahit chaque jour devant le journal télévisé. Quelles leçons de morale va-t-on encore nous faire subir aujourd’hui ? Mon collègue Jan Segers a posé la bonne question dans ces colonnes la semaine passée : a-t-on encore le droit de vivre ? D’après nos responsables politiques, non : finis les feux ouverts nocifs pour l’environnement, fini le sucre qui nuit à la santé, finis les sodas, finie la cigarette, finie la voiture, finie la bière dans un pays dont elle fait partie du patrimoine culturel. Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open Vld, l’a dit haut et fort : « Que les politiques arrêtent de donner des leçons : nous ne sommes pas les nouveaux pasteurs ! » Dans les années soixante, il était interdit d’interdire. Peut-être faudrait-il rappeler cette maxime aujourd’hui. Elle me fait penser à Herman De Croo, qui avait dit un jour que le Parlement flamand était le dernier d’une longue série d’occupants de la Flandre. C’était une boutade, certes, mais elle n’était pas dénuée d’une certaine vérité.