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Quand cesserons-nous de faire preuve d’empathie à l’égard des racistes ?
04·01·21

Quand cesserons-nous de faire preuve d’empathie à l’égard des racistes ?

Bieke Purnelle est journaliste freelance et blogueuse. Pour l’instant, elle dirige le Centre de connaissances sur le genre, le féminisme et l’égalité des chances RoSa.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Bieke Purnelle
Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

Ces dix dernières années, aucun électeur n’a été autant entendu, vu et soigné aux petits oignons que l’électeur d’extrême droite. Tout est bon pour obtenir ses bonnes grâces, y compris remettre en question, relativiser et bafouer les droits de l’Homme. Pour Bieke Purnelle, la coupe est pleine. « Il est temps de cesser de donner une caisse de résonance à ceux qui propagent inepties populistes et autres faits alternatifs ».  

Le chapitre de l’élection présidentielle aux États-Unis est encore loin d’être refermé, non seulement parce que le président sortant s’obstine à ne pas vouloir comprendre le sens du mot « défaite » et à ne pas en tirer les conséquences, mais aussi parce que le contexte dans lequel s’est déroulée cette élection a creusé un fossé que même le pont du Siduhe (ndT: pont suspendu d’une longueur de plus d’1 kilomètre en Chine) ne pourrait pas combler.

Les inévitables analyses qui ont succédé au verdict des urnes avaient pour moi un air de « déjà entendu ». Le caractère étriqué de la victoire du camp démocrate était à l’évidence la faute des Démocrates eux-mêmes, tout comme les mêmes Démocrates n’auraient naturellement eu à s’en prendre qu’à eux-mêmes en cas de défaite. Et bien entendu, le moment est venu de tendre la main, quand ce n’est pas l’autre joue, au camp adverse. C’est l’heure de hisser le drapeau blanc, etc.

Ce discours-là, je l’entends depuis je ne sais combien de temps. Depuis, en réalité, que la droite radicale progresse de façon constante, aux quatre coins du monde. Il faut entendre l’électeur d’extrême droite plutôt que le condamner. Il faut expliquer son vote, le contextualiser, le mettre en perspective. Les choix en apparence clairs pour les partis de droite radicale sont motivés par des tas de raisons différentes qui sont analysées massivement.

Chaque vote en faveur d’un politicien ouvertement raciste et misogyne est examiné sous toutes ses coutures, fait l’objet d’une analyse psychologique et est justifié comme le reflet d’un profond mécontentement, mais n’est jamais présenté comme un vote raciste et misogyne, point barre.

L’empathie et la solidarité nécessaires à toute vie en société sont devenues des tares.

Les décennies durant lesquelles le vote en faveur de l’extrême droite a été analysé avec forte empathie et euphémismes n’ont pas aidé. Bien au contraire, même, lorsque l’on voit tous ces pays gouvernés par des leaders autoritaires et antidémocratiques, qui s’essuient allègrement les pieds sur les droits de l’Homme.

En assénant un discours qui laisse peu de place à l’imagination, ils ont ouvert grand la porte à la haine et à la violence ouvertement affichées. Avec leurs attaques ciblées contre la presse et la communauté scientifique, ils ont semé les graines de la défiance envers ces deux piliers de la société.

Lorsque leurs partisans transgressent les droits des minorités et des femmes, ils se murent dans un silence qui en dit long.

Le fossé entre gauche et droite, entre progressistes et conservateurs et entre solidarité et intérêts personnels est plus grand que jamais.

Ces dix dernières années, aucun électeur n’a été autant entendu, vu et  soigné aux petits oignons que l’électeur d’extrême droite. Son vote n’a jamais été considéré comme le pur reflet de ses opinions et les analystes se sont toujours plu à souligner que le parti auquel il a donné sa voix avait profité de son manque d’information, d’intelligence ou de discernement. Le fait qu’il ait voté pour un parti qui n’a en rien amélioré sa situation ? Quoi de plus logique, vu qu’il est terriblement mal informé !


►►► Écoutez Dring Dring #1 : Les Flamands sont-ils racistes ?


Les partis progressistes lui ont fait les yeux doux en lui disant ce qu’il voulait entendre, délaissant ainsi leurs sympathisants de gauche. Pour le charmer, ils ont poussé le bouchon jusqu’à remettre en cause, relativiser et bafouer les droits de l’Homme.

Comme il n’aime ni l’empathie, ni la solidarité, ces deux piliers du vivre ensemble sont devenus des tares. C’est l’angoisse tenaillant l’électeur d’extrême droite qui gouverne le monde et définit les normes, les valeurs et les lois.

Plus nous l’écoutons et plus le camp d’en face se fait silencieux et moins des valeurs telles que la justice et l’égalité sociales, la paix et la dignité trouvent une caisse de résonance.

Combien de temps encore devrons-nous supporter les divagations d’un groupe d’individus tapageurs et frustrés qui ont décidé de faire fi de la science, des faits et de leur conscience pour s’accaparer notre langue, nos actes et notre politique ?

Quand donc nous déciderons-nous à ne plus prêter une oreille empathique et bienveillante aux sympathisants d’extrême droite ? Quand donc dirons-nous haut et fort qu’il est néfaste de propager des théories complotistes fantaisistes et absurdes à propos d’une pandémie qui fait des milliers de morts ? Quand donc la terre sera-t-elle assez chaude sous nos pieds pour que nous admettions que le réchauffement climatique est aussi rapide que dangereux ?

Quand affirmerons-nous sans ambiguïté que la défiance envers la science et la presse, le racisme, la misogynie et la haine de la communauté LGBTQI constituent autant de fléaux pour notre société ?

Quand donc la situation sera-t-elle suffisamment désespérée ? Quand donc prendrons-nous suffisamment au sérieux tous les citoyens, y compris ceux qui s’expriment sous l’emprise de leur angoisse ou de leur colère, et les considérerons-nous comme des adultes qui votent en âme et conscience et peuvent être tenus pour responsables de leurs choix ?

Combien de temps encore devrons-nous supporter les divagations d’un groupe d’individus tapageurs et frustrés qui ont décidé de faire fi de la science, des faits et de leur conscience pour s’accaparer notre langue, nos actes et notre politique ?

Comment expliquer qu’un camp doive écouter avec bienveillance et indulgence pendant que l’autre camp peut continuer de braire librement jusqu’à ce qu’il soit entendu ?

Je ne veux pas d’un climat ambiant plus compréhensif encore à l’égard de l’angoisse et de la colère du citoyen. Au contraire, je veux davantage de contradiction et de restauration de la vérité ; je veux que le citoyen inquiet et en colère soit confronté aux lacunes et aux dangers de ses opinions et idées. Je veux que l’on débranche le haut-parleur qui sert à propager et renforcer les inepties populistes et les « fake news ».

Au lieu de continuer d’écouter les divagations des sympathisants d’extrême droite, disons la vérité et remettons la raison au centre du jeu, y compris, et peut-être même surtout, quand il n’y a pas de voix ou d’applaudissements à la clé.

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