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Procès pénal à huis clos : l’opacité croissante de la justice belge
17·12·21

Procès pénal à huis clos : l’opacité croissante de la justice belge

Walter De Smedt a été consécutivement substitut du procureur du Roi, juge d’instruction et juge pénal.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Pasja1000 via Pixabay

Laurence Hamels
Traductrice Laurence Hamels

La couverture médiatique de procès judiciaires gagnerait à être davantage respectueuse, de manière à adoucir l’impact des informations divulguées pour les personnes concernées

Le procès de Steve Bakelmans, l’assassin présumé de Julie Van Espen, se tient à huis clos. Ni le parquet ni l’avocat de l’accusé ne s’y sont opposés. La Cour a estimé que, en l’espèce, la vie privée prime le caractère public. Une décision tout à fait compréhensible. Toutefois, la question est plutôt de savoir si la prééminence de la vie privée sur la publicité n’hypothèque pas l’évolution du droit de la procédure pénale.

Aspects poignants

Tout procès pénal comporte des aspects poignants, car la souffrance de la victime y est exposée. Une réalité d’autant plus délicate lorsque des éléments de nature sexuelle sont analysés dans le cadre d’une audience publique. Cette constatation n’est pas nouvelle ; il en a toujours été ainsi. Mais pourquoi accordons-nous plus d’importance à ce point aujourd’hui ?

Autrefois, l’enquête préliminaire, c’est-à-dire celle qui précède le procès d’assises, était complètement publique. Cependant, ce type de procédure, avant-gardiste, comportait plusieurs inconvénients. Premièrement, la divulgation prématurée de l’ensemble des éléments de l’enquête compromettait l’avancement de l’instruction. Ensuite, elle risquait de nuire aux intérêts d’éventuels suspects qui, parfois, s’avéraient innocents. Enfin, à cette époque-là aussi, l’exposition au grand jour de la vie privée des intéressés était pénible. Ainsi, plusieurs raisons ont motivé l’abandon de transparence et de contradiction dans l’enquête préliminaire.

Principe du procès équitable

L’influence du droit anglo-saxon sur le droit européen rappelle les impératifs liés à un « procès équitable ». En effet, les juges anglo-saxons ont pour principale mission de veiller au respect de ce point. D’où la nécessité de procéder au contrôle judiciaire effectif et de rendre les procès publics.

« Justice must be seen to be done ». La publicité est la garante fondamentale du bon fonctionnement de la justice. C’est la raison pour laquelle la Cour constitutionnelle désapprouvait la loi sur la transaction financière qui permettait au parquet et au prévenu de s’accorder confidentiellement sur le montant du « rachat ». Certes, la nouvelle loi a pallié le manque de contrôle judiciaire en confiant cette tâche au juge de la chambre du conseil. Celle-ci travaillant à huis clos, le traitement public n’a plus été jugé nécessaire. C’est pourquoi le citoyen ignore encore de quelle manière une cause a été traitée et si le mode de calcul appliqué à la transaction financière est proportionnel aux faits commis.

Évolution vers une procédure judiciaire plus opaque

La politique du ministre de la justice précédent, Koen Geens (CD&V) se caractérisait également par une évolution vers une procédure judiciaire plus « opaque ». En effet, il a tenté de supprimer la cour d’assises et de mettre fin au droit de chaque citoyen, même après le classement sans suite d’une affaire par le parquet, de former opposition d’un arrêt en se constituant partie civile devant le juge d’instruction.

Aujourd’hui, les services de renseignements ont la liberté de violer des droits garantis par la Constitution, et ce, sans l’intervention d’un juge. De plus, l’intervention, secrète, d’une instance administrative suffit, ce qui constitue une violation grave de la Constitution et du principe selon lequel le droit doit être exercé de manière visible. Pourtant, cela n’a pas empêché le législateur de marquer son accord. Le procès des attentats terroristes à Paris a également mis en avant la non-transparence de ces services. Dans un tweet, le président de la plus grande association d’aide à ces victimes s’est exprimé en ces termes à propos des témoins belges : « Réponses évasives, volonté de se protéger plutôt que d’aider à connaître la vérité. Une honte. »

Couverture médiatique en question

Face à cette opacité croissante, la balance vie privée-intérêt public est une question délicate. Par ailleurs, contre quoi faut-il protéger les victimes et leurs proches ? Est-ce contre le traitement qui leur est réservé lors du procès ou contre la manière dont certains médias couvrent l’affaire ? Une chose est sûre : ce dernier élément est souvent sous-estimé. Le contrôle public et la couverture médiatique peuvent eux aussi être menés « avec respect », comme lors de l’audience. Or, les médias affectionnent particulièrement les éléments pathétiques, car ils sont vendeurs.

Par conséquent, la question est de savoir pour quelle raison un procès a lieu à huis clos : certes, la transparence de la justice ne peut pas être en demi-teinte, mais la couverture médiatique gagnerait à être davantage respectueuse. Cela adoucirait l’impact des informations divulguées pour les personnes qui y seront de nouveau  confrontées dans les médias.

 

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