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Hausse des prix: voici comment améliorer le pouvoir d’achat des Belges
27·07·22

Hausse des prix: voici comment améliorer le pouvoir d’achat des Belges

Geert Peersman est professeur d’économie à l’Université de Gand.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo by Mathieu Stern on Unsplash

Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Dès qu’on évoque les causes de la flambée d’inflation (et donc de la perte de pouvoir d’achat) qui nous frappe, nous pensons systématiquement à l’étranger : la guerre en Ukraine et les vertigineuses hausses des prix sur les marchés internationaux des matières premières, qui sont répercutées sur le consommateur.

Alors bien sûr, les prix à l’importation ont considérablement augmenté sur l’année écoulée. Mais notre pays connaît également un grave problème d’inflation interne. Le taux d’inflation « domestique » (corrigé des effets des prix à l’importation et des prix internationaux des produits de base) s’élève actuellement à plus de 6 %, à savoir le double de la moyenne européenne et de ce que connaissent les pays limitrophes.

Si le taux d’inflation est bien plus élevé chez nous qu’ailleurs, ce n’est pas par hasard. L’indexation automatique des salaires y est pour quelque chose, mais la politique de notre gouvernement également. Voyons par exemple la proposition du groupe d’experts sur le pouvoir d’achat, qui voulait limiter à 100 km/h la vitesse maximale sur autoroute. Elle a été balayée avant même que les experts puissent l’expliquer (De Standaard, 16 juin). Bien sûr, chacun peut encore décider lui-même d’adapter son comportement routier pour économiser du carburant. Mais justement, l’argument des experts est qu’une action concertée permettrait de faire baisser les prix à la pompe pour tout le monde, par l’effet d’une baisse générale de la demande.

Inflation : la faute au gouvernement

Les partis gouvernementaux doivent absolument prendre conscience que soutenir le pouvoir d’achat, quand les entreprises sont incapables d’accroître leur production faute de personnel, est contre-productif. L’argent ainsi distribué n’aboutit qu’à accroître les marges bénéficiaires et à pousser les prix à la hausse, réduisant à néant la politique de soutien du pouvoir d’achat. Dans un marché du travail tendu, il est illusoire de mener une politique d’amélioration du pouvoir d’achat sans l’accompagner de réformes du marché de l’emploi ou de mesures d’amélioration de la productivité. Malheureusement, à l’exception d’un accord limité sur l’emploi, c’est le calme plat sur ces deux chantiers-là.

L’éléphant dans la pièce s’appelle « rage législative ». De nombreux indicateurs de l’OCDE le montrent : l’excès de réglementation dans notre pays fausse la concurrence entre les entreprises locales, et empêche les nouveaux arrivants de développer leurs activités. Et nous en payons tous le prix, car en l’absence de concurrence, il est plus facile pour les entreprises de relever leurs tarifs.

Emploi : les baisses de charges salariales ne fonctionnent pas toujours

Prenons l’exemple des opérateurs de téléphonie mobile et d’accès à Internet ; il n’y a aucune raison d’en limiter le nombre de manière aussi draconienne. Les trois grands opérateurs de télécommunications viennent tout juste de relever sensiblement leurs tarifs, invoquant le niveau élevé de l’inflation et la hausse de leur structure de coûts (DS, 4 juin). C’est étonnant.

« Depuis 2015, la progression des frais d’accès à Internet dépasse de 16 % celle de la moyenne européenne. »

L’année précédente, déjà, leurs prix avaient augmenté bien davantage que dans les pays voisins. Depuis 2015, la progression des frais d’accès à Internet dépasse de 16 % celle de la moyenne européenne. Recevons-nous en échange une qualité supérieure ? Que nenni ! Au contraire : en matière d’accès aux réseaux de fibre optique, nous sommes loin derrière nos voisins (DS, 14 juin).

Le manque de concurrence s’étend à tous les secteurs. Les frais bancaires ont augmenté de 11,8 %, et le prix des journaux, de 13,9 %, alors que la moyenne européenne n’augmentait que de 3 et 5,3 % respectivement. Ça ne saurait s’expliquer par la hausse du prix des céréales. Il y a quelques années, le secteur des médias a subi une grande vague de consolidation. Celle-ci était censée aboutir à plus d’efficience, et à une baisse des prix pour le consommateur. Or depuis 2015, l’augmentation des prix des journaux est supérieure de 50 points de pourcentage à celle de la moyenne européenne.

En l’absence de concurrence, la perte de pouvoir d’achat frappe trois fois. Comme l’explique l’économiste belge Jan Eeckhout dans son ouvrage « The profit paradox », l’absence de concurrence se traduit d’abord par l’augmentation des prix pour le consommateur. Ensuite, par une baisse des salaires pour le personnel. En effet, lors de négociations salariales, les entreprises jouent sur du velours, alors que les salariés qui envisagent de partir chez un concurrent ont nettement moins de choix. Les seuls à bénéficier de l’augmentation des prix des journaux, ce ne sont ni les journalistes, ni les chroniqueurs, mais bien les actionnaires des sociétés d’édition.

La « rage législative » pénalise également la productivité, troisième source de perte de pouvoir d’achat.  L’excès de barrières perturbant la saine concurrence n’incite pas les entreprises à innover et à devenir plus productives pour maintenir leurs parts de marché. Selon une récente étude du Bureau du Plan, un assouplissement de la réglementation relative aux prestations de services des architectes, des notaires, des avocats et des experts-comptables aurait un effet favorable sur la productivité et sur la croissance économique, et donc sur le pouvoir d’achat.

C’est à cette réglementation-là que le gouvernement doit s’attaquer s’il veut améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Ce serait une mesure favorable au pouvoir d’achat qui n’aggraverait pas d’un centime le déficit budgétaire.

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