L’Europe est une société de classes, avec des pays dominants et des pays dominés. L’Allemagne, le pays le plus riche, a le privilège d’être le patron. Mais la France aussi se croit d’une lignée plus prestigieuse qu’un État membre lambda. Plus importante que de nouveaux membres, comme la Hongrie et la Pologne, pays à la culture et à l’histoire riches, mais toujours légèrement inférieurs à un pays fondateur de la trempe de la France. Les pays d’Europe centrale, qui ont longtemps vécu sous le joug de l’Union soviétique, n’y connaissent rien à la démocratie. Heureusement que les Français sont là.
Le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, a mis en garde le week-end dernier ces irresponsables d’Italiens : « Gardez votre budget sous contrôle et ne prenez pas de risques idiots. »
Cette supériorité morale me pose problème. Les partis du nouveau gouvernement italien font l’objet d’un mépris provenant de toutes parts. La Ligue du Nord est classée à l’extrême-droite par les pays d’Europe occidentale. Le Mouvement 5 étoiles, lui, est taxé de « populisme ». Deux mots suffisent pour ôter toute crédibilité à ce gouvernement, et pour faire des Italiens des imbéciles.
Si j’étais italien (je ne le suis pas, mais cela ne me dérangerait pas), je me serais vraiment senti insulté. Mais qu’est-ce qu’ils s’imaginent, ces Français ? Lorsque Rome était le centre d’un empire mondial, elle a conquis avec 8 000 soldats Lutèce, l’actuelle Paris, qui n’était alors qu’une petite ville de province gauloise. Je me contenterais de le faire remarquer, sans pour autant vouloir rééditer l’exploit dans les jours qui viennent.
Autre chose. La France a présenté l’année passée un budget dont le déficit se situait, pour la première fois depuis 2007, sous le seuil européen de 3 %. Si j’étais la France, j’attendrais un peu avant de donner des leçons.
Je me sens plus européen que belge. Pourtant, j’ai beaucoup de mal à accepter l’arrogance de donneurs de leçons non élus à la Jean-Claude Juncker, ou cette hiérarchie tacite entre pays qui se sentent en droit de faire la morale et ceux qui doivent se taire. L’Europe ne fonctionnera jamais de la sorte. Il ne faudra pas compter demain sur la loyauté des humiliés d’aujourd’hui.