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30·06·15

Léopold II toujours présent dans nos rues

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo : EmDee

Léopold II, un monstre ? Tiens, pourquoi trouve-t-on alors tant de rues et de statues à son effigie dans notre pays ? Il est temps d’agir. 

Propriétaire d’une colonie privée, l’État indépendant du Congo, Léopold II était un homme avide de pouvoir. Les Congolais ne représentaient pour lui que des esclaves voués à accroître son enrichissement personnel. Quel qu’en soit le prix. Il était un homme cruel, même pour les critères de son époque. Les estimations du nombre de ses victimes sont assez divergentes. Mais quoi qu’il en soit, le seuil minimal de trois millions suffit déjà amplement pour ravaler toute fierté en « notre » deuxième roi des Belges. Et le seuil record de dix millions lui permet de rejoindre la galerie des pires dictateurs de l’Histoire. Et cela sans jamais avoir mis les pieds dans l’État indépendant du Congo, car il laissait le sale boulot aux mercenaires.

Mieux connu comme le général Jacques ou encore sous le nom de général Jacques de Dixmude, Jules Marie Alphonse Jacques en faisait partie. Avant de devenir héros du pays en participant à la défense de Dixmude en 1914, il avait travaillé pour Léopold II au Congo. Son nom est mentionné dans le rapport de Roger Cassement, un diplomate britannique au Congo qui avait dénoncé le système criminel du travail forcé auprès de son ministère. Un rapport qui a « fuité » et qui a provoqué un scandale à travers le monde.

Léopold II n’a régné comme propriétaire et souverain unique « que » de 1885 à 1908. Les autres puissances en eurent alors assez et il se vit contraint de céder son « État indépendant » à la Belgique. En comparaison, les banquiers voraces d’aujourd’hui ne sont que du menu fretin. Que la fortune de ses descendants soit fondée sur le prix du sang, que la Donation royale (fondée par lui) regorge d’édifices construits ou achetés avec l’argent du sang, devrait peser sur la conscience de ceux qui les gèrent. Mais notre pays aussi, et certainement Bruxelles, est doté de nombreux bâtiments et rues que ce monarque impitoyable a construits ou rénovés. Et que penser du Cinquantenaire et de son arc de triomphe clinquant, érigé à l’occasion des 50 ans de la Belgique en 1880 (achevé en 1908) ? Je me sens déjà mal à l’aise à sa vue, alors que doit en penser mon compatriote flamand d’origine congolaise ?

En tout état de cause, j’estime que l’on ne souligne jamais assez les crimes de Léopold II. C’est une page très sombre de l’histoire de la monarchie de notre pays. Pas de quoi être fiers, pas une chose à cacher. Pas de quoi non plus faire peser sur nous un sentiment de culpabilité, la Belgique s’est efforcée de remettre l’église au milieu du village. Il y a également beaucoup à dire à ce sujet, cela fera l’objet d’un autre article.

Bien que les atrocités du règne de Léopold II soient connues et non contestées, ce chapitre reste souvent clos. Léopold II est toujours présent dans nos rues. Une recherche approfondie sur Google Maps le démontre rapidement. Il existe une avenue Léopold II à Ostende, Dendermonde, Molenbeek-Saint-Jean, Ostende, Bruges, Sint-Niklaas, Coxyde et Watermael-Boitsfort. Bruges possède en outre une digue Léopold II (Léopold II-dam). Un tunnel et une avenue portent son nom à Koekelberg. Et c’est à Saint-Trond, Mons, La Louvière, Les Bons Villers, et Thuin qu’il faut se rendre pour trouver une rue Léopold II. Namur, Spa et Verviers ne sont pas en reste avec leur avenue Léopold II. L’intensité de nos recherches laisse à penser que ces exemples ne constituent que la partie visible de l’iceberg. Comment cela a-t-il pu se faire ? Et pourquoi maintenir ces lieux ?

Combien de statues de ce « coupeur de mains » se dressent encore dans notre pays ?

Sans doute par la négligence de Groen et du sp.a, qui sont d’ordinaire toujours les premiers à vouloir changer les noms de rue à la gloire de personnages historiques « fautifs ». Mais Léopold II, lui, peut rester. Combien de statues de ce « coupeur de mains » se dressent encore dans notre pays ? Certainement à Ostende (sur la digue, on ne peut plus en vue), dans le Zuidpark de Gand (dans le Gand progressiste qui plus est), il orne la place du Trône de Bruxelles et Ekeren a également droit à sa statue de Léopold II. La plupart de ces statues sont de temps à autre taguées. À Ostende, un petit plaisantin, apparemment amateur d’histoire, lui a même un jour tranché la main.

Peut-être devons-nous intenter un procès aux communes qui possèdent encore une rue ou une statue ? Ou alors cultiver le culte de la transparence en érigeant des statues et en donnant aux rues les noms de tous ses camarades de jeux : une rue Mao Zedong qui déboucherait sur une rue Pol Pot, une ruelle ou une avenue Aldolf Hitler, qui rejoindrait le boulevard Joseph Staline. Et puis en ville, une place avec en son centre un groupe statuaire grandiose, où Léopold II offrirait une main tranchée sanguinolente à Mugabe et à Idi Amin Dada  (simple suggestion).

Serais-je mandataire N-VA ou Vlaams Belang, je chercherais à former une majorité pour voter une motion, une résolution, un arrêté, ou quelque chose du genre. À Gand ou à Ostende, je vois mal comment la gauche pourrait s’y opposer. Défendraient-ils alors le boucher congolais ? Allez, hop, hop, au boulot !

Pieter Bauwens, rédacteur en chef du Doorbraak, un journal uniquement disponible sur internet et proche des milieux flamingants. L’original en V.O. sur le site du Doorbraak.be

Traduit du néerlandais par Bénédicte Decharneux et Guillaume Deneufbourg

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