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16·10·15

L’ennemi s’appelle Younnes

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Michaël « Younnes » Delefortrie lors de son séjour en Syrie

Auteur⸱e
Ludovic Pierard
Traducteur⸱trice Ludovic Pierard

Contexte : Lundi dernier, le programme télévisé « De Afspraak » de la VRT a créé la polémique en invitant sur son plateau un ancien djihadiste belge venu présenter son livre. L’entretien, diffusé en direct, aura duré un petit quart d’heure. Interviewé par le journaliste Bart Schols, l’Anversois converti Michaël Delefortrie, alias Younnes, y tient des propos intégristes qui soulèvent rapidement un tollé sur les réseaux sociaux. Le soir même, la rédaction en chef du service public flamand a décidé de rendre la vidéo (en ligne) de l’émission inaccessible, estimant que l’interview ne répondait pas aux normes de la VRT. Un acte qui n’a pas pour autant apaisé les esprits.

Si le mauvais goût était un crime, Michael Delefortrie serait certainement condamné à la perpétuité, car nulle pensée ne peut être plus fourbe que la sienne. Il se complaît à glorifier des idées rétrogrades, tout en minimisant des décapitations exécutées en l’honneur d’un dieu rouge de honte en pensant aux principes défendus en son saint nom par des esprits malades tels que Michael Delefortrie, alias Younnes. Fort heureusement pour lui, monsieur Delefortrie coule des jours paisibles dans une sandwicherie et non en prison. Dans un éclair de lucidité, il devrait pourtant comprendre que cette tolérance est justement tout ce qui rend notre État de droit occidental supérieur à son califat minable. Pauvre gamin de 27 ans. Même Bert Anciaux en conviendra : à cet âge-là, un cerveau doit être suffisamment développé pour, tout doucement, commencer à se forger sa propre opinion…

Notre pays est ouvert, et c’est à juste titre que nous laissons à chacun le droit d’avoir une opinion divergente, même si elle est une insulte à tout ce que nous, descendants des Lumières, estimons naturel et essentiel. Le radicalisme de Delefortrie nous incite à nous interroger sur les limites que, selon nous, cette opinion divergente peut ou non dépasser. À quel point notre tolérance est-elle élastique et notre largesse d’esprit tenable lorsque des combattants et sympathisants de l’État islamique les mettent à l’épreuve avec une mesquinerie sans bornes ? En France, Delefortrie moisirait en prison pour antagonisme avec les valeurs de la République. Chez nous, il se contente de garnir des sandwichs jusqu’à nouvel ordre. Il est vrai qu’il provoquera probablement moins de dégâts de la sorte qu’en déclenchant le feu sacré chez des codétenus. Les peines les plus lourdes ne sont pas toujours les plus efficaces. Laissons-le étaler ses idées infectes et les refourguer à qui en voudra.

L’EI suscite l’écœurement jusque dans les plus hautes sphères de la rédaction de la VRT, à tel point même qu’on attendait apparemment de son intervieweur dans « De Afspraak », Bart Schols, qu’il crache en direct au visage de son invité, Michael Delefortrie, histoire de bien montrer aux téléspectateurs de l’émission Canvas, aux idées pourtant souvent plus nuancées, que nous n’aimons vraiment pas l’EI. Mais Bart Schols s’est abstenu, et avec raison. Il ne juge pas. Il écoute. Ses qualités qui, d’ordinaire, sont tant appréciées par ses patrons, lui valent soudainement et ouvertement des remontrances, comme s’il n’avait pas respecté les normes journalistiques de la VRT lors de l’entretien. Foutaises.

Michael Delefortrie, la sandwicherie de l’EI : « nous ne mangerons pas de ce pain-là. »

Jusqu’à quel point une rédaction peut-elle se montrer pédante et suffisante ? Jusqu’où peut-on aller pour ne pas être mouillé ? Vive Bart Schols ! Et vive Michael Delefortrie ? Non, pas le moins du monde. « Si ton ennemi ne te craint pas, il te passera sur le corps », déclare ce dernier.

Eh bien, pour nous, l’ennemi s’appelle Younnes. Younnes Delefortrie. Aujourd’hui, il ne nous craint pas et, au plus profond de son âme, il est certain de nous passer sur le corps. Ainsi soit-il. Je ne lui souhaite aucun mal. Aucune sanction. Aucune douleur. Aucune cellule. Ni même la mort. Mais je ne veux rien de lui, je ne mange pas de ce pain-là.

Billet d’opinion en V.O. de Jan Segers sur Het Laatste Nieuws

Traduit du néerlandais par Ludovic Pierard

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