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28·08·19

Le désespoir des « transmigrants » échoue désormais aussi en Mer du Nord

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo by Niklas Weiss on Unsplash

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Durant la période estivale, j’aime faire mes longueurs dans la piscine provinciale en plein air, et plus précisément dans le couloir réservé aux nageurs moyens. Dans le couloir d’à côté, réservé aux nageurs aguerris, trois hommes et une femme s’entrainent pour leur prochain triathlon. Au bord de l’eau, quatre nageurs palmés aux airs de professionnels se reposent à côté de leur gourde. Dans le couloir opposé, prévu pour les nageurs lents, on ne nage pas vraiment. Deux dames, peut-être en revalidation, se promènent dans l’eau. Toutes deux portent un gilet de sauvetage assorti à leur maillot de bain. Histoire de ne pas couler. Et quand même bien la situation se produirait, ici, les secours ne sont jamais loin.

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague

En cette matinée idyllique dans les eaux du bassin de Wachtebeke, j’ai soudain pensé au moment où j’ai vu l’équipement avec lequel un Irakien a tenté en vain de traverser la Manche, entre la France et l’Angleterre. Quatre palmes et deux gilets de sauvetage n’auraient rien changé à son triste sort. C’était donc peine perdue avec ce qui devait le maintenir à flot : douze bouteilles en plastique accrochées à un filet de pêche autour du tronc. Le corps retrouvé ne portait qu’une seule palme. Allez savoir où se trouve l’autre à l’heure qu’il est. Où finira-t-elle par échouer, cette palme qui n’est autre que le dernier témoin muet du désespoir d’un homme ? Un enfant finira-t-il par la repêcher sur une plage de la mer du Nord pour la montrer fièrement à son papa ? Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague / Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues / Et de vagues rochers que les marées dépassent / Et qui ont à jamais le cœur à marée basse.

Une mangeuse d’hommes

À Ostende ou Zeebrugge, le terme « échoués » fait généralement référence aux gens venus de l’intérieur des terres qui, happés par l’appel du large, se sont installés à la côte. Des immigrés, en somme. Pas des noyés. Or vendredi dernier, un homme a littéralement été rejeté par la mer. Il a dérivé depuis Dunkerque ou Calais. Car en plus d’être une pataugeoire, la mer du Nord est un monstre, une mangeuse d’hommes, au même titre que la Méditerranée. Reste à savoir comment cet homme a atterri à Zeebrugge. Est-il d’abord monté à bord d’une embarcation de fortune, pour ensuite continuer à la nage après un éventuel naufrage ? S’est-il directement lancé à l’assaut des eaux depuis le littoral français, tel un animal courant au sacrifice ? Il se peut que nous obtenions un jour des réponses à ces questions. En revanche, les états d’âme de la victime ainsi que ceux de ces autres migrants anonymes sans palmes ne peuvent faire l’objet que de suppositions.

Nous les appelons « transmigrants ». Des émigrés qui ne demandent pas l’asile en Belgique, ne la considérant pas comme la Terre promise telle que décrite par les passeurs ou les survivants. Celle-ci se trouve Outre-Manche, par-delà les falaises blanches de Douvres. Nous pouvons chicaner à l’infini sur la question de la responsabilité et de la culpabilité. Mais la désolation qui émane de cette image, de ce pauvre Irakien avec son assurance-vie en plastique, dépasse toute conclusion politique. Force est de constater en secouant la tête, tel Ernest Claes, qu’un homme est mort.

Contrairement à la photo du jeune Aylan sur la côte turque ou celle du père avec sa fille qui n’ont pu franchir le Rio Grande entre le Mexique et les États-Unis, cette image ne fera sans doute pas le tour du monde. Il n’empêche que la photographie de cet Irakien âgé de 48 ans est tout aussi poignante et a été prise à côté de notre porte. Puisse Dieu, Allah ou quiconque dans ce no man’s land de la mer du Nord, recueillir son âme.

 

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