Vous aurez sûrement remarqué le grand nombre de réponses différentes qu’a déjà reçues cette simple question : pourquoi faut-il tant de temps pour former notre gouvernement ?
Au lendemain des élections, on apprenait que la faute en incombe aux électeurs eux-mêmes : ils avaient « mal distribué les cartes ». Plutôt que de voter tout bonnement pour des partis de gouvernement, ils avaient – ô surprise – massivement opté pour un parti contestataire. Devant un tel résultat électoral, la population pouvait quand même comprendre que les négociations seraient difficiles, non ?
À ce premier argument a rapidement succédé un deuxième : les retards dans la formation des gouvernements régionaux en Flandre et en Wallonie. On ne pouvait guère s’attendre à des progrès dans les négociations au fédéral tant que les choses traînaient dans les régions. En Flandre, cet argument fut bientôt remplacé, et sans susciter le moindre étonnement, par son exact opposé : comment pourrait-on constituer un gouvernement flamand en l’absence de clarté au fédéral. La population pouvait le comprendre, non ?
Après un moment, cet argument-là a également perdu toute crédibilité, et on a commencé à invoquer d’autres raisons, provenant de divers horizons. D’abord, il ne fallait pas s’attendre à de grands progrès tant que l’élection présidentielle au sein d’Écolo n’aurait pas abouti. Ensuite, la même chanson au PS, à propos du passage de témoin entre Elio Di Rupo et Paul Magnette. Sans compter la profondeur du fossé qui sépare le PS et la N-VA. La population devrait pouvoir comprendre çà, non ? Qu’il faut du temps pour rétablir la confiance ?
Aujourd’hui, une fois de plus, la formation du gouvernement est en rade. Près de cinq mois après les élections, le roi entame un nouveau tour de consultation des présidents de parti. Plus personne n’y comprend rien. D’ailleurs, il n’y a plus rien à comprendre. On a épuisé toutes les excuses possibles et imaginables. Que va-t-on encore nous inventer ? Qu’il fait trop froid pour cette période de l’année ? Trop chaud ? Que les arbres perdent trop de feuilles en automne ? Qu’il faut organiser un tour d’entretiens supplémentaires ? Et encore un ? Et encore un autre ?
Même le roi semble avoir compris que cela suffit. Les préformateurs, Geert Bourgeois et Rudy Demotte, voulaient organiser hier soir une conférence de presse pour expliquer les raisons de leur échec. Au dernier moment, le roi les a rappelés à l’ordre. L’exercice aurait été trop humiliant.