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02·09·15

Et si on supprimait Schengen?

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) YvonneH

Rob Heirbaut
Auteur⸱e
Gregory Blauwers
Traducteur⸱trice Gregory Blauwers

Vous l’aurez peut-être remarqué cet été, lorsque vous étiez en route vers le Sud de l’Europe via le Luxembourg. Au poste-frontière entre le Luxembourg et la France (après la station essence « Berchem »), tous les bâtiments de l’ancienne douane ont disparu. Ils y étaient encore jusqu’à l’année dernière. Le trafic devait se rabattre sur une voie et un peu ralentir, ce qui créait systématiquement de longs embouteillages pendant l’heure de pointe luxembourgeoise, le soir. À présent, seule la disparition du réseau luxembourgeois sur votre téléphone mobile indique que vous avez passé la frontière française. Grâce à l’accord de Schengen.

La petite ville de Schengen ne se trouve pas très loin d’ici, à la frontière entre le Luxembourg, la France et l’Allemagne. C’est là que, sur un bateau fluvial de la Moselle (le princesse Marie-Astrid), les ministres de cinq pays (la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne et la France) ont apposé leur signature sous l’accord de Schengen. Ils ont ainsi convenu de supprimer progressivement tout contrôle douanier entre les cinq pays.

Trente ans plus tard, il n’y a donc plus de contrôles frontaliers. La mesure ne concerne plus uniquement ces cinq pays en question. Entre-temps, la « zone Schengen » s’est étendue à 26 pays : 22 États membres de l’UE (excepté le Royaume-Uni, l’Irlande, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie) et 4 pays non-membres de l’UE (la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande). La Commission européenne estime que chaque année, environ 1,25 milliard de personnes passent une frontière intérieure, sans contrôle, sans retard.

Frontières extérieures

Aux frontières extérieures de la zone Schengen, il y a bien entendu des contrôles : quiconque arrive en provenance des États-Unis à l’aéroport de Zaventem est contrôlé. En revanche, si vous rentrez de Benidorm, vous ne devrez pas sortir vos papiers d’identité. Sur le train de Saint-Pétersbourg (en Russie, en dehors de la zone Schengen) vers Helsinki (en Finlande, membre de la zone Schengen), les douaniers russes et finlandais contrôlent tous les passagers du train. À l’arrivée en Finlande, il y a un deuxième contrôle. Qui voyage en Eurostar de Bruxelles (zone Schengen) à Londres (hors zone Schengen) – ou vice versa – a droit à un contrôle en profondeur. Qui voyage en Thalys vers Paris pas.

Un jour, après avoir tourné un reportage à Londres, mon caméraman a dû rester sur place car le système de sécurité avait détecté une substance suspecte dans la valise qui contenait son matériel de tournage. Il s’agissait en fin de compte d’une fausse alerte (il va sans dire que la VRT n’engage pas de caméraman terroriste), mais c’était tout de même une situation ennuyeuse. Le contrôle des passagers à Londres a lui aussi duré relativement longtemps, ce qui a fait que nous avons raté notre train vers Bruxelles. Prendre le Thalys (ou le TGV en France) est (ou était?) bien plus facile.

Contrôles autorisés

Il y a quelques années, la Commission européenne a créé un groupe de travail pour discuter de la sécurité des trains à grande vitesse au sein de la zone Schengen avec des spécialistes des États membres. Le 24 août, un porte-parole de la Commission a fait savoir que les États membres n’avaient jusqu’à présent pas été très impliqués dans ce groupe de travail. À la suite de l’attentat déjoué du Thalys, la problématique reçoit davantage d’attention. Après les attentats sur les Tours Jumelles de New York (impliquant des avions), les attaques dans le métro de Londres et de Madrid, les trains à grande vitesse sont certainement aussi une cible potentielle pour les terroristes.

Des contrôles plus stricts des usagers du Thalys et le passage des bagages au scanner ne sont pas nécessairement contraires au Code frontières Schengen. Celui-ci interdit les contrôles systématiques aux frontières, mais autorise des exceptions lorsque la sécurité publique est en jeu. Des contrôles frontaliers exceptionnels sont permis, mais ils doivent être limités dans le temps (30 jours, renouvelables jusqu’à maximum 6 mois).

Ainsi, durant l’Euro 2000 (le championnat européen de football en Belgique et aux Pays-Bas), la Belgique avait à nouveau effectué des contrôles aux frontières pour empêcher les hooligans de passer. Sans grand succès, les hooligans britanniques ayant mis Bruxelles et Charleroi à feu. Si les contrôles aux frontières sont autorisés pour éviter l’entrée de hooligans sur le territoire, ils le sont certainement pour arrêter les terroristes.

Si des contrôles supplémentaires devaient intervenir dans les Thalys à Bruxelles-Midi, ils ressembleraient davantage aux contrôles des aéroports: même pour un vol au sein de la zone Schengen, il est interdit d’emporter des liquides à bord, il est obligatoire de sortir son ordinateur portable de sa valise, et il faut enlever sa ceinture (et parfois ses chaussures) au poste de contrôle. Reste à savoir si on va réellement en arriver là, ou si on se limitera à une présence renforcée d’agents dans les gares et à bord des trains.

Arrêter les terroristes?

Certains dirigeants politiques plaident pour des mesures bien plus drastiques, et la restauration des postes-frontières impliquant le contrôle systématique de quiconque désire pénétrer dans le pays. Mais cela arrêtera-t-il véritablement tous les criminels et les terroristes? Dans les années 1980, lors de la signature de l’accord de Schengen, il y avait déjà pas mal de terrorisme et de criminalité organisée en Europe. Pensez aux attentats de l’ETA, à l’IRA, au CCC ou aux tueurs du Brabant. Aucun contrôle frontalier n’a pu les déjouer.

Des contrôles systématiques engendreraient d’ailleurs beaucoup de pertes, de temps et d’argent, pour le secteur du transport. Au printemps de 1984, des camionneurs avaient bloqué les autoroutes de différents pays parce qu’ils en avaient assez des contrôles aux frontières et des formalités douanières fastidieuses. C’était l’une des raisons pour lesquelles, un an plus tard, l’accord de Schengen fut conclu.

(Rob Heirbaut est le spécialiste des questions européennes de la VRT.)

Article en V.O. sur De Redactie.

Traduit du néerlandais par Gregory Blauwers

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