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Covid en Belgique : sinistrose ambiante dans un État policier
15·12·20

Covid en Belgique : sinistrose ambiante dans un État policier

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) GDJ via Pixabay

Pieter Bauwens
Auteur⸱e

Allons-nous fêter Noël en petit comité ? Ou tout de même fouler les règles aux pieds ? Les disputes familiales peuvent commencer.

Grâce aux politiques de lutte contre le coronavirus, les disputes familiales du réveillon de Noël peuvent commencer avant l’heure. Mais cette fois, il n’y aura pas de feu d’artifice à la fin.

Au commencement, le terrorisme

Empreintes digitales intégrées à notre carte d’identité, réseau de caméras ANPR permettant de suivre nos déplacements, police qui veut pouvoir utiliser des drones… Après les attentats de Bruxelles et de Paris, nous avons serré la vis. Mais toutes ces mesures ont été prises pour notre sécurité, la vôtre et la mienne. Les bons citoyens n’ont donc pas à s’inquiéter.

À l’époque, des voix s’étaient déjà élevées pour nous mettre en garde : en d’autres temps, toutes sortes de lois antiterroristes ont pu être détournées. Demandez donc aux Catalans ou aux Basques.

Le test de résistance

Vint ensuite la covid-19. Cette pandémie nous a fait basculer vers une société de surveillance. La police peut-elle faire irruption chez vous parce que vous avez commandé énormément de pizzas ? Et comment peut-elle le savoir ? La police peut-elle entrer dans votre maison parce qu’il y a plusieurs voitures dans votre allée ? Ou seulement si vous faites du tapage ? La police peut-elle faire voler des drones pour débusquer des fêtes clandestines ? A-t-elle le droit de pénétrer dans votre domicile au réveillon de Noël pour vérifier s’il n’y a pas un isolé de trop à table ?

Jusqu’où allons-nous laisser faire ? Pendant combien de temps peut-on imposer un couvre-feu ? Le fait de définir autour de votre maison un périmètre dont vous n’avez pas le droit de sortir constitue-t-il un moyen acceptable et proportionné de lutter contre la pandémie ? Et quid du confinement ? Va-t-on trop loin dans la restriction de vos droits ?

Les responsables politiques et la police

La question qu’il faut se poser est la suivante : dans quelle mesure les responsables politiques commandent-ils la police ? Car la notion de « responsables politiques » est élastique. Les gouverneurs sont des fonctionnaires, par exemple. Ils sont certes nommés par le pouvoir politique, mais ne sont pas élus. Il est remarquable de voir comment certaines personnes s’érigent en shérifs et, soudainement, en grands défenseurs de la tolérance zéro… Et étonnant d’observer comment se comportent les gens quand on leur donne un peu de pouvoir.

Il est aussi surprenant de constater que les responsables politiques parviennent à s’en sortir comme si de rien n’était. Fin mai, déjà, une plainte concernant la suspension des rassemblements religieux avait été déposée auprès du Conseil d’État, qui n’avait pas souhaité réagir à l’urgence. Son jugement a été remarquable. D’autres demandes ont été rejetées. Face à des circonstances exceptionnelles, le Conseil d’État semblait vouloir tenir le gouvernement à l’abri. À en croire son dernier arrêt, cette époque est visiblement révolue. On peut se demander si d’autres plaignants seront entendus.

Le populisme libéral

Personne ne remet en cause la possibilité de limiter des droits pour protéger l’état de santé général de la société. Mais il convient de faire preuve d’équilibre et de respecter l’ordre juridique. Dans un État de droit, chacun est tenu de s’en tenir à la loi, y compris ceux qui sont chargés de la faire et de l’appliquer.

La liberté de culte occupe une place importante dans la constitution et dans les traités internationaux. L’opinion d’Egbert Lachaert ou de Gwendolyn Rutten n’y change rien. Il est inquiétant de voir la facilité avec laquelle des dirigeants politiques se laissent emporter par le populisme de la jalousie. Quelle est votre place, dans l’État de droit, si vous tournez en ridicule les décisions du Conseil d’État et les droits fondamentaux parce qu’ils ne cadrent pas avec votre opinion ?

Visites domiciliaires

La Constitution affirme que « le domicile est inviolable ». Il n’y a pas si longtemps, les autorités ont provoqué un tollé en envisageant de permettre d’entrer chez les particuliers pour interpeller des personnes étrangères en situation irrégulière. La valeur symbolique était si forte que le gouvernement actuel a indiqué, dans sa déclaration de coalition, que les visites domiciliaires ne seraient pas autorisées. Or nous y sommes. Et sans initiative législative. Le fait que le gouvernement soutient ces méthodes trahit son hypocrisie.

Mais pas d’inquiétude : tout ce que font les politiciens, c’est pour notre bien. Celui des 80 % d’entre nous qui respectons les règles. Quant aux 20 % restants… n’est-ce pas en faire un peu trop que de mobiliser des drones à caméra thermique pour quelques vilains garnements ?

Dans les familles, on commence déjà à se disputer. Les uns veulent respecter les règles, les autres non. Qui inviter au réveillon de Noël et à la Saint-Sylvestre ? Certaines plaident pour une interprétation libre, chaque bulle rendant visite à mamie et à papy à tour de rôle. Ce que refusent les autres, car cela contrevient aux règles. Et puis, pourquoi eux pourraient-ils rendre visite à mamie et pas nous ?

Culpabilité et mérite

Pour les responsables politiques, les choses sont simples. Si les chiffres baissent, c’est grâce aux mesures qu’ils ont prises. S’ils augmentent, c’est la faute de la population. Ne reste plus, alors, qu’à serrer encore un peu plus la vis du contrôle et de répression. Mais plus les règles sont strictes, plus le « je-m’en-foutisme » (en français dans le texte, NdT) des citoyens grandit. Et plus l’écart se creuse entre ceux qui suivent les règles et ceux qui ne le font pas. Le mécontentement gronde.

Ainsi, les politiques de lutte contre le coronavirus provoquent le chaos et le débat. Ni les pleins pouvoirs et les réunions du samedi ni le gouvernement qui devait résoudre tous nos problèmes ne nous ont apporté le moindre réconfort. Car tout commence par un échec : celui de la politique du traçage et de la recherche des sources.

Bon appétit

La politique donne souvent lieu à des débats enflammés au réveillon de Noël ou du Nouvel An. Cette fois, ils peuvent commencer des semaines avant les fêtes. Ce gouvernement transforme le pays en une cohorte de 11 millions de chamailleurs qui se regardent en chiens de faïence sans faire la moindre concession. Heureusement, la télévision diffusera une émission fédératrice pour Noël. On pourra alors se tomber dans les bras en pleurant. « It’s the most wonderful time of the year ».

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