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20·06·17

Ces poulets « bodybuildés » que nous consommons sans broncher

Stijn Bruers est docteur en philosophie morale et en sciences.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

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Après les cas de maltraitance des porcs, qui avaient suscité notre indignation (voir les récentes images en caméra cachée de l’abattoir de Tielt), voici venu le tour des poulets. La semaine dernière, une étude a révélé que dans 5 % des cas, l’étourdissement tel qu’il est pratiqué dans les abattoirs (électronarcose par bain d’eau) est insuffisant. Plus de 10 millions de poulets se font ainsi égorger chaque année en état de conscience.

À titre de comparaison, ce problème des abattages industriels sans étourdissement est environ cent fois plus important que ceux motivés par des raisons rituelles ou religieuses.

Mais les poulets ne souffrent pas uniquement à la fin de leur vie. Cette semaine, Animal Rights a publié de nouvelles vidéos tournées secrètement dans des élevages. Alors qu’ils sont à peine nés, les poussins jugés non conformes se font jeter parmi les coquilles d’œufs, noyer ou briser le cou. Dans les élevages de poussins de chair, les animaux atteignent un poids de 2 kg en deux semaines à peine. Une croissance forcée qui entraîne toutes sortes d’infirmités : problèmes de respiration et de cœur ou encore boiteries. En raison de leurs pattes extrêmement frêles et de leur poitrine très développée, les poulets tombent souvent la tête la première dans leurs propres excréments. Ainsi, 7 % d’entre eux présentent des cloques au niveau de la poitrine.

Des poussins bodybuildés

Les poussins de chair souffrent d’un handicap physique grave : leur croissance musculaire est dopée à l’excès. Si l’on compare leur courbe de croissance à celle des humains, cela équivaut à un bébé de moins de deux ans qui ferait déjà 30 kg, dont 6 kg de muscles pectoraux. Des poussins bodybuildés, en somme. Impossible qu’ils soient en bonne santé. Ce qui explique pourquoi chaque année, en Belgique, des millions de poussins rendent leur dernier soupir dans d’atroces souffrances avant même d’arriver à l’abattoir. Encore des millions d’animaux qui voient la mort en face.

Après le gouvernement, quelques sénateurs souhaitent également accorder aux animaux le statut d’êtres vivants doués de sensibilité. Car sur le plan scientifique, il apparaît de plus en plus clairement que les poulets possèdent des facultés mentales exceptionnelles. À un jour, les poussins peuvent effectuer des additions ou des soustractions jusqu’à trois, ce dont les bébés sont incapables. Pour le démontrer, les chercheurs ont installé différents murs derrière lesquels apparaissaient et disparaissaient des balles de tennis, puisque les poussins recherchent des objets jaunes et poilus. Et ils se sont rendu compte que les volatiles retenaient facilement le nombre de balles qui se trouvaient derrière chaque mur et choisissaient celui où elles étaient les plus nombreuses.

Mais les poulets ont encore d’autres facultés dont bon nombre de bébés sont dépourvus. Ainsi, des chercheurs ont placé un poulet devant une alternative : accéder à de la nourriture tout de suite pendant quelques instants ou attendre un peu pour pouvoir manger pendant trente secondes. En soi, le fait que ces animaux soient capables de comprendre cette situation est déjà extraordinaire. Mais il en ressort surtout qu’ils sont dotés d’une sorte de maîtrise d’eux-mêmes : ils privilégient le long terme pour obtenir une récompense plus importante. Et sont en mesure d’évaluer les intervalles avec précision. Cette découverte a toute son importance sur le plan éthique, puisqu’elle permet de supposer que les poulets ont une conscience non seulement de leurs désirs immédiats, mais aussi de leurs choix ultérieurs. En d’autres termes, ils peuvent anticiper leurs besoins. Et d’autres facultés fascinantes ne cessent d’être mises au jour, que ce soit sur le plan de la mémoire, de la communication, de l’empathie, des aptitudes sociales, des réactions émotionnelles, de la personnalité ou des traits de caractère.

Ces découvertes commencent à percoler dans notre culture. On observe une augmentation de la sensibilité au bien-être animal et de la consommation de produits non carnés. Notre position contradictoire à l’égard des animaux devient difficile à tenir. Notre société est en transition : le cercle de la morale s’étend lentement mais sûrement à l’ensemble des êtres vivants et plus uniquement aux humains. Les appels à inscrire le bien-être et les droits des animaux dans la Constitution semblent donc plus opportuns que jamais.

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