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Avec son nouvel idéologue, la N-VA achève sa transformation politique
17·07·20

Avec son nouvel idéologue, la N-VA achève sa transformation politique

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Image par falco de Pixabay

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Décembre 2006. Jean-Marie Dedecker est reçu par le Conseil de la N-VA, mais se voit finalement refuser la qualité de membre. Bart De Wever commente à l’époque : « En entendant ses propos, je me suis dit d’emblée que nous risquions de devenir un autre parti… Les intentions des uns et des autres – ceux qui menaçaient de partir, ceux qui mourraient d’envie de nous rejoindre – m’ont fait comprendre que l’arrivée de quelqu’un comme Dedecker remettrait les fondements du parti en question. »

Nous risquions de devenir un autre parti

La justesse de cette appréciation se confirme aujourd’hui avec l’arrivée de Joren Vermeersch. Outre sa collaboration avec Theo Francken, le nouvel idéologue est avant tout un protégé de Dedecker. L’interview qu’il a donnée dans ce journal début juillet dépeint à la perfection sa vision du monde, celle-là même que craignait tant le parti quatorze ans auparavant.

Son prédécesseur, Bart De Wever en personne, aimait évoquer la façon dont la nation flamande nous unit, comparer notre identité au ciment de notre société. Un discours qui avait de quoi plaire. Mais Joren Vermeersch ne s’en soucie guère. En cinq pages et demie, il n’a pas trouvé une seule occasion de glorifier la Flandre, ni même d’employer le mot nation. Aux yeux du nouveau Mikhaïl Souslov des nationalistes flamands, le seul et unique défi du parti serait le « drame multiculturel ».

Le « drame multiculturel »

Pour résumer sa pensée, la migration serait non seulement la cause de la dégradation de notre tissu social, mais elle risquerait surtout de faire perdre à notre société ses repères moraux. Parmi les autres répercussions de la présence de migrants dans ce pays, la criminalité et le déclin de l’État-providence, sans parler du flot ininterrompu d’ouvriers détachés se déversant d’Anvers à Middelkerke – « les réfugiés du drame multiculturel ». L’évasion fiscale serait elle aussi une conséquence de cette multiculturalité. Et sur le plan écologique, accueillir de nouveaux migrants ferait de nous des irresponsables ! Horreur, malheur !

Je crois me souvenir que nous avions autrefois un terme pour qualifier ces penseurs qui voient les étrangers comme la cause de tous les maux de notre société… Mais ma mémoire me fait défaut.

Le « chrétien culturel »

Un « chrétien culturel ». Tel est le qualificatif dont aime s’affubler Joren Vermeersch, choix ô combien évocateur. Nul besoin de croire en Dieu ou d’aller à la messe. Pas plus que de lire la Bible, l’amour de notre prochain et la commisération étant des éléments constitutifs de la « dictature du bien ». Et comme tout apôtre de Jean-Marie Dedecker, il ne doit pas réunir plus de la moitié du Décalogue.

Le terme de « chrétien culturel » en dit long sur celui qu’il n’est pas. Son message est le suivant : je suis est un ex-chrétien, ce qui est une valeur en soi. Je suis réceptif aux valeurs des lumières telles que l’ouverture, l’égalité, l’esprit critique. Une ouverture que les « autres » n’ont pas, en priorité l’islam, qui établit « une distinction entre croyants et non-croyants, entre l’homme et la femme » – distinction que le christianisme n’oserait jamais.

Pour imposer ce point de vue, Joren Vermeersch n’hésite pas à réécrire l’histoire des lumières, qui devient soudain le prolongement logique de l’idéal d’égalité entre chrétiens, faisant fi des racines grecques ou romaines de l’humanisme. Pas un mot non plus sur la façon dont le monde arabe a entretenu la lueur vacillante de la connaissance critique aux heures les plus sombres du moyen-âge. Plusieurs siècles d’oppression religieuse contre les autres croyances et contre la science elle-même méritent au mieux une mention en pied de page. La position de l’Église – jusqu’à aujourd’hui encore – vis-à-vis des légataires politiques de cet héritage, qu’il s’agisse des droits des femmes, des droits des homosexuels ou du libre arbitre, est passée sous silence par commodité.

« nous avons toujours eu ces valeurs en nous, eux ne les auront jamais »

Pour Joren Vermeersch, le christianisme est le précurseur de la liberté de penser et l’incarnation du respect des droits humains. Ah bon ? Oui, car l’idéologue façonne sa pensée en fonction de son objectif et, à ce titre, les lumières ne sont finalement qu’un joli mot destiné à servir les mêmes insinuations : « nous avons toujours eu ces valeurs en nous, eux ne les auront jamais ».

Je crois me souvenir qu’il existait naguère un terme pour qualifier les penseurs qui distinguaient les êtres humains en fonction de leur origine ou de leurs croyances… Mais il ne me revient pas non plus.

Nous comptons aujourd’hui deux partis anti-migrants sur l’échiquier politique.

Ce dont je me souviens en revanche : la mission originelle de Bart De Wever était jadis d’affranchir le nationalisme de l’amertume qu’il inspire, de mettre fin aux associations gênantes, dont l’exclusion de l’autre et la xénophobie. Il s’était même, à un moment, dangereusement approché de cet objectif. Mais depuis lors, son parti s’est fondamentalement transformé – comme il l’avait prédit. Résultat, nous comptons aujourd’hui deux partis anti-migrants sur l’échiquier politique. Une multiplication qui tient du miracle, avec Jean-Marie Dedecker en figure messianique.

 

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