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Aux Pays-Bas, on démissionne, en Flandre et en Belgique, on reste au pouvoir
19·01·21

Aux Pays-Bas, on démissionne, en Flandre et en Belgique, on reste au pouvoir

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Stevepb via Pixabay

Isabel Albers
Auteur⸱e
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Dans notre pays, personne ne s’estime politiquement responsable de la pagaille du dossier des panneaux solaires. Pendant ce temps, aux Pays-Bas, le gouvernement tout entier décide de démissionner en raison d’un embarrassant scandale d’allocations familiales. C’est que le concept de responsabilité politique y est mieux compris que chez nous.

Les Pays-Bas, un exemple à suivre. Depuis des années, c’est ainsi que nous voyons nos voisins du Nord dans des domaines comme la bonne gouvernance, l’organisation impeccable des services publics, la clarté des engagements de l’État à l’égard du citoyen et la transparence dans sa communication. Dans ce pays exemplaire, le gouvernement Rutte a démissionné en bloc, hier, à cause du très embarrassant dossier dit des « allocations familiales ».

Pas de côté symbolique

Lors de son entrée en fonction, il y a trois ans et demi, ce gouvernement promettait expressément de mener une politique « attentive aux personnes qui ont l’impression que le gouvernement n’est plus là pour elles ». Aujourd’hui, symboliquement, il fait un pas de côté. Le gouvernement Rutte assume sa responsabilité à l’égard de la « persécution » infligée pendant des années par l’administration fiscale à des milliers de familles qu’elle accusait de fraude sociale aux allocations familiales. Une « injustice sans précédent », d’après les conclusions d’une récente commission d’enquête parlementaire. L’affaire faisait l’objet de discussions en coulisses, presque à la mode belge. Certains rapports alarmants étaient gardés confidentiels, en flagrante contradiction avec la culture de transparence de rigueur aux Pays-Bas.

En fin de compte, à l’initiative du ministre responsable, Lodewijk Asscher (PvdA), entraînant à sa suite tous ses collègues, le gouvernement tout entier s’est résolu à présenter un mea culpa public, assumant ainsi sa responsabilité politique et tirant les conséquences politiques de sa mauvaise gestion. Et ça, c’est un comportement bien différent des usages qui ont cours en Belgique ou en Flandre.

Engagements à l’égard du citoyen bafoués en Flandre

En Flandre, jeudi, le gouvernement recevait de 571.000 propriétaires de panneaux solaires des réactions de colère et d’incompréhension. Ceux-ci se sentent trompés, apprenant soudain qu’en contradiction totale avec l’engagement pris par les pouvoirs publics, la durée de validité du (lucratif) système de compteurs tournant à l’envers serait finalement inférieure à 15 ans. Or c’est justement ce système qui, en 2020, a incité bon nombre de familles à investir et à couvrir leur toiture de panneaux solaires. Dès sa mise en place par la ministre Lydia Peeters (Open VLD), le système avait pourtant recueilli plusieurs avis négatifs, dont la ministre, obstinée, n’a pas voulu tenir compte. Jusqu’à la gifle infligée récemment par la Cour constitutionnelle.

Maintenant, les investisseurs protestent à cor et à cri, et on les comprend. Sur quoi peut-on encore se fonder si les pouvoirs publics eux-mêmes ne sont plus source de sécurité juridique et ne respectent pas les engagements pris à l’égard du citoyen ?

Où est la responsabilité politique ?

Hier, le gouvernement flamand préparait en urgence un régime compensatoire, espérant étayer une structure branlante en l’adossant à une autre. Et cela, moyennant un surcoût – un demi-milliard d’euros – à vous donner le tournis. Voilà plus de 15 ans que notre politique énergétique est caduque. Et personne n’accepte la responsabilité politique de cet état de fait, pas même Lydia Peeters. Celle-là même qui, avec son prédécesseur Bart Tommelein (libéral, comme elle), voulait faire croire l’an dernier que le système du compteur ‘tournant à l’envers’ serait encore maintenu 15 ans, faisant la sourde oreille quand on la mettait en garde quant à la pérennité discutable de cette mesure.

Manœuvre facile ?

Bien sûr, on pourrait objecter que le pas de côté du gouvernement Rutte est une manœuvre facile, à quelques mois des élections. Après tout, Mark Rutte reste la tête de file de son parti et demeure aux commandes pendant la période d’affaires courantes. De plus, sa démission n’apporte pas une réponse à l’ensemble des questions posées. Mais son gouvernement aura au moins admis publiquement sa responsabilité après le coup porté par les pouvoirs publics à la confiance de la population à leur égard. Le ministre des Affaires économiques, Eric Wiebes, résume sa propre réaction comme ceci : « je n’ai pas trouvé ce que j’aurais pu faire [pour résoudre la situation]. Mais cette affaire s’est incrustée en moi et ne me lâche plus ».

Replacez cette citation dans un contexte flamand ou belge – le gâchis des panneaux solaires, les gaffes commises dans la gestion de la crise du coronavirus, à l’échelon fédéral ou à l’échelon flamand – et vous verrez à quel point cette réaction diffère de notre hygiène politique. Si le monde politique ne respecte pas ses engagements envers le citoyen et s’il refuse de se reconnaître responsable de cette faute, il ne doit pas s’étonner si le citoyen ressent à l’endroit du monde politique une gigantesque défiance. Une chose est sûre : les Pays-Bas restent bien un exemple à suivre, malgré ce qu’aurait pu faire croire, au premier abord, cette malheureuse affaire d’allocations.

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