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14·03·19

Après avoir perdu le nord communautaire, le CD&V rejoint le peloton flamingant

L’auteur de cette tribune, Bart Maddens, est un politologue de l’Université de Louvain (KUL) proche du Mouvement Flamand.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo by Nicole Wilcox on Unsplash

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Le CD&V a le sens du timing : le parti a choisi de remettre la Flandre au centre des débats entre l’anniversaire des cinq résolutions (3 mars) et la fête du chant nationaliste flamand (17 mars). Mais les idées du CD&V sont-elles un beau cadeau pour les flamingants (voir De Standaard du 11 mars) ?

On dirait bien que la trêve communautaire touche à sa fin.

Oui. On dirait bien que la trêve communautaire touche à sa fin. Le mouvement flamand a renoncé depuis longtemps à tout espoir d’une grande réforme de l’État en 2019. La grande crainte, c’est que les réformes institutionnelles restent taboues jusqu’en 2024, et qu’il soit impossible d’imaginer une Flandre plus autonome d’ici là. Le CD&V a donc mi ce point à l’ordre du jour. Pas question de pratiquer la politique de l’autruche en la matière pendant cinq ans de plus.

C’est une bonne idée, de désigner une nouvelle commission au Parlement flamand pour discuter d’une réforme de l’État. Ce qui est bizarre, c’est que cette commission ait un jour été supprimée. En effet, il me semble important qu’un parlement régional évalue la répartition des compétences et formule des propositions pour améliorer cette répartition.

En 1995, la création d’une commission chargée des questions communautaires avait pourtant suscité le scepticisme du mouvement flamand. Mais les critiques se sont tues quand la commission a commencé à développer sa propre dynamique. Sous l’impulsion du ministre-président Luc Van den Brande et du président Johan Sauwens (encore à la Volksunie à l’époque), la commission est devenue une véritable force motrice pour la réforme de l’État. Elle a poussé le monde politique à entreprendre une nouvelle réforme de l’État, qui a donné plus d’autonomie à la Flandre. Certains partis qui, aujourd’hui, raillent la proposition du CD&V craignent une répétition de ce scénario.

Pas de consensus

La situation des années nonante n’a évidemment rien de comparable avec celle d’aujourd’hui. La machine à autonomiser la Flandre est bien plus rouillée aujourd’hui, ce qui est normal après cinq ans de trêve communautaire. Les experts savent à quel point nos institutions fonctionnent mal. Ils y sont confrontés tous les jours. Mais ces problèmes restent sous la ligne de flottaison, ils n’intéressent pas les médias et ne touchent pas l’opinion publique. Une commission sur la réforme de l’État pourrait justement changer cet état de fait.

L’autre différence, c’est que dans les années nonante, les principaux partis flamands étaient en grande partie d’accord sur le modèle institutionnel à adopter : un modèle en deux parties, où les Bruxellois devaient choisir entre une sécurité sociale et des allocations familiales flamandes ou francophones. Le renforcement de l’autonomie des entités fédérées devait homogénéiser la répartition des compétences. On ne parlait évidemment pas de refédéralisation.

Aujourd’hui, ce consensus de base a éclaté. L’Open VLD veut de plus en plus refédérer et construire une Belgique plus forte. Il en va de même pour Groen, qui n’était qu’un acteur marginal dans les années nonante. Groen et le sp.a imaginent Bruxelles en super-région, avec des compétences régionales et communautaires à la fois.

Et le CD&V ? Les chrétiens démocrates avaient perdu le nord communautaire ces dernières années. Au congrès de novembre 2016, le parti avait ouvert la porte à la refédéralisation. C’est l’aile belgicaine du parti qui semblait alors battre le plus fort. Les cinq résolutions de 1999 et le rôle de pionnier de Luc Van den Brande appartenaient au passé. C’est du moins ce que l’on croyait.

Plus d’autonomie flamande et pas de refédéralisation.

Ce virage belgicain du CD&V aurait pu entraîner des conséquences importantes. En effet, en Flandre, une majorité se dessinait pour une réforme de l’État néo-unitaire, qui renforcerait le niveau fédéral. Et c’est pour cela aussi que la carte blanche publiée par le CD&V constitue une excellente nouvelle pour le mouvement flamand. Les chrétiens démocrates optent pour une orientation à nouveau claire : plus d’autonomie flamande et pas de refédéralisation. Ce faisant, ils renouent avec leur rôle historique d’architectes de l’autodétermination flamande.

Qui sera le nouveau Van den Brande ?

Bien entendu, il reste la question du point de vue qu’adoptera le CD&V dans cette nouvelle commission sur la réforme de l’État. Le parti restera-t-il fidèle aux principes de base des cinq résolutions ? Qu’en est-il du modèle en deux parties ? Si le parti veut scinder les soins de santé, les Bruxellois devront-ils choisir entre une solution flamande et une francophone ? C’était ce que prônait avec ferveur, dans les années nonante, la ministre flamande de la Santé Wivina Demeester. Dans un récent débat du Vlaams Volksbeweging (le mouvement populaire flamand) et du Comité flamand pour Bruxelles, l’ex-ministre Brigitte Grouwels s’était montrée favorable à cette idée. Pourtant, le CD&V avait marqué son accord, en 2011, pour un système d’allocations familiales bruxellois, contrairement à ce que prônent les cinq résolutions.

Qui sera le nouveau Luc Van den Brande ? Bart De Wever, une fois ministre-président, sera-t-il le nouveau pilote du vaisseau communautaire ? La proposition du CD&V permettra en tout cas à la N-VA de gouverner plus facilement sans réforme institutionnelle. La N-VA pourra prétexter qu’une commission sur la réforme de l’État saura raviver la flamme de la cause flamande. Le statut quasi mythique des cinq résolutions au sein du mouvement nationaliste flamand les aidera en ce sens.

Ceci dit, cette stratégie est aussi à double tranchant. Plus élevées seront les attentes, plus forte sera l’éventuelle déception. Quoi qu’il en soit, il ne sera pas facile de marcher sur les traces de Luc Van den Brande. Même pour Bart De Wever.

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