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On parie que le football survivra à une interdiction de la pub pour les jeux de hasard ?
11·05·22

On parie que le football survivra à une interdiction de la pub pour les jeux de hasard ?

Bram Constandt est chercheur postdoctoral au département des sciences du mouvement et du sport (UGent).

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

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Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

Interdire la publicité pour les jeux de hasard est une bonne chose. Rien ne prouve qu’une telle interdiction pousserait les joueurs vers le circuit illégal, affirme Bram Constandt.

Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) entend interdire presque toute publicité pour les jeux de hasard, peut-on lire dans De Standaard du 9 mai. Du côté des organisations de soins préventifs, on applaudit cette décision. Dans les secteurs du sport et des jeux de hasard, par contre, l’annonce des intentions du ministre a provoqué une levée de boucliers.

Les opposants à une interdiction avancent trois arguments : 1) la publicité pour les jeux de hasard n’inciterait pas les parieurs à jouer davantage ; 2) une interdiction pousserait les joueurs vers le circuit illégal ; 3) sans publicité pour les jeux de hasard, c’est la mort assurée pour le secteur du sport. Aucun de ces trois arguments n’est toutefois étayé par des preuves scientifiques.

« La publicité pour les jeux de hasard rend cette activité attrayante, la facilite, l’encourage et la normalise. »

Les jeux de hasard ont existé de tout temps, mais notre attitude en tant que société à l’égard de ces activités a évolué au fil des ans. Sous l’impulsion d’Internet, parier est passé d’une activité quasi « underground » à un loisir omniprésent et branché. Un changement de statut auquel la croissance (incontrôlée) de la publicité pour les jeux de hasard a contribué.

Des études récentes démontrent que la publicité pour les jeux de hasard rend cette activité attrayante, la facilite, l’encourage et la normalise. C’est une activité très visible et accessible, qui est de surcroît acceptée et même valorisée socialement. C’est aussi une activité qui présente des risques dont beaucoup de gens ne sont pas suffisamment conscients.

« Jouez avec modération »

Si vous pariez trop, ou plus souvent que vous ne le souhaiteriez, vous risquez, entre autres, de vous endetter, d’avoir des problèmes au sein de votre couple, au travail (risque accru d’absentéisme) ou sur le plan de la santé (angoisses, dépression, voire suicide).

L’addiction aux jeux de hasard est par conséquent un phénomène néfaste non seulement pour l’individu, mais également pour la société. Le secteur partage en partie cette analyse, mais signale qu’il a déjà pris ses responsabilités.

La responsabilité est peut-être le concept-clé dans l’univers de la publicité pour les jeux de hasard. Les entreprises affirment qu’elles promeuvent les comportements responsables en matière de jeux de hasard, et en veulent pour preuve l’avertissement « Jouez avec modération » que doit comporter toute publicité à ce propos. Le problème, c’est qu’une partie de la responsabilité incombe au consommateur qui, bien souvent, ne reçoit pas l’accompagnement nécessaire.

L’argument selon lequel une interdiction de la publicité pour les jeux de hasard conduirait tout droit les joueurs vers le circuit illégal, bien plus dangereux car moins régulé et offrant une moins bonne protection au consommateur, ne tient pas la route. En effet, aucune étude scientifique indépendante ne démontre qu’une telle interdiction ferait basculer des parieurs vers l’illégalité.

Rôle de pionnier

Le secteur du sport se sent visé lui aussi. Georges-Louis Bouchez, président du MR et du club de football des Francs Borains, va même jusqu’à se demander « s’il faut vraiment tuer le football ». Il faut dire que les opérateurs de jeux de hasard sont des sponsors visibles et généreux. Pour autant, leur interdire de sponsoriser le secteur du sport ne reviendra pas à décréter l’arrêt de mort de celui-ci, qui est trop solide et résilient pour cela. La formule 1 n’a-t-elle pas survécu à l’interdiction de la publicité pour le tabac ?

Avec une période de transition de 2 ans et demi, le monde du sport dispose de largement assez de temps pour explorer d’autres marchés et sources de revenus. D’aucuns argueront que l’adoption d’une réglementation aussi stricte pénalisera le sport belge sur la scène internationale, mais ce n’est pas tout à fait vrai.

Nombre de pays, comme l’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni, ont instauré récemment une interdiction similaire ou en préparent une, si bien qu’à terme, on se dirige logiquement vers une sorte de « level playing field » (Note du traducteur : un cadre équitable), surtout si les fédérations sportives internationales suivent le mouvement. Dans ce contexte, autant que la Belgique joue les pionniers !

« Nous devons continuer à remettre en cause et à combattre la normalisation à outrance des jeux de hasard. »

Il sera toujours possible de jouer à un jeu de hasard, et c’est très bien ainsi, surtout si cela peut se faire dans un environnement responsable et surtout sécurisé, où le consommateur sera mieux protégé qu’actuellement.

Nous devons continuer à remettre en cause et à combattre la normalisation à outrance des jeux de hasard, et c’est la raison pour laquelle on ne peut qu’encourager une plus forte régulation de ces jeux et une interdiction de les promouvoir par la publicité.

Contrairement à ce qu’affirme Bouchez, une telle interdiction ne sonnera pas le glas des secteurs des jeux de hasard et du sport. Tout au plus les milliards d’euros de bénéfices qu’engrangent les opérateurs de jeux de hasard seront-ils quelque peu rabotés, mais la société, elle, en sortira nettement gagnante dès lors que la visibilité et les conséquences négatives des jeux de hasard et des addictions en la matière s’en trouveront réduits. Personne (ou presque) ne peut être contre, tout de même ?

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