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28·09·18

Pourquoi la N-VA séduit-elle certains francophones?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(c) DaarDaar (photo montage)

Un parti nationaliste flamand qui devance le CDH à Bruxelles, Francken et Jambon qui se classent parmi les politiques les plus populaires de la capitale. Comme le faisaient remarquer dernièrement nos confrères de BRUZZ, en région bruxelloise, la N-VA n’est plus perçue par les électeurs francophones comme l’« ennemi politique numéro un ». Faut-il y voir les prémisses d’une poussée des nationalistes en terre francophone ?

Les efforts entrepris par les nationalistes flamands pour renforcer leur intégration à Bruxelles, ville très largement francophone[1], y sont assurément pour quelque chose. On se souvient bien entendu du cas d’Olivier Godfroid, candidat francophone carolo qui avait poussé la liste N-VA pour la Chambre à Bruxelles en 2014. Parmi les derniers exemples en date, la présence sur les listes N-VA des prochaines élections communales de plusieurs francophones de souche ou assimilés, dont Anne-Laure Mouligneaux (porte-parole francophone de Jan Jambon) à Grimbergen, l’étudiant Maxime Van Impe à Beersel ou encore Laurent Mutambayi (cabinettard de Theo Francken) à Molenbeek.

La langue du peuple

Mais comment expliquer la  montée en puissance de ce parti, qui – pour rappel – affirme noir sur blanc dans ses statuts qu’il aspire à l’avènement prochain d’une République flamande indépendante – et donc à la fin de la Belgique ?

Selon Émilie Van Haute, politologue à l‘ULB, une partie de la réponse relève de la simple logique de marché. Le parti jouerait dans un segment où il existe un écart de taille entre l’offre et la demande sur le marché politique francophone. « Ils expriment des idées qu’on entend peu de l’autre côté de la frontière linguistique, assurément en matière d’immigration, sur laquelle les partis francophones sont extrêmement frileux. Ces idées ont donc de quoi séduire une partie non négligeable des électeurs francophones, notamment au sein du MR. Plusieurs études révèlent à ce titre que le profil de ces électeurs est plus proche des idées de la N-VA que de celle de l’Open VLD ».

D’autant que ces électeurs ne sont pas seuls : un sondage mené en début d’année met également le doigt sur la relative proximité entre les électeurs des nationalistes flamands et ceux du PTB, pourtant situés à l’autre extrême du spectre politique. Cela peut paraître paradoxal de prime abord, mais le scepticisme ambiant vis-à-vis des questions migratoires au sein des classes ouvrières joue incontestablement un rôle. Et puis, qu’on le veuille ou non, le style de Franken fait beaucoup d’émules. « Les gens le voient comme un responsable politique non élitiste, quelqu’un qui parle la langue du peuple. Le contraste avec le style généralement ampoulé des responsables politiques francophones est saisissant », confirme le blogueur Marcel Sel dans BRUZZ.

Une image encore inaltérée

Mais comme l’indiquent nos confrères, la logique de marché ne serait pas la seule raison de cette montée en puissance des nationalistes flamands dans la sphère francophone. « Beaucoup d’habitants de la capitale sont fatigués de l’immobilisme et des scandales à répétition dont les partis traditionnels ont fait l’objet ces dernières années. Les gens veulent du changement », clamait encore dernièrement Olivier Godfroid, aujourd’hui citoyen anversois. Emilie Van Haute : « la N-VA n’ayant encore jamais été au pouvoir à Bruxelles, elle bénéficie en effet d’une image encore inaltérée dans la région, ce qui peut jouer à son avantage, certainement du côté francophone. »

Faut-il donc s’attendre à voir les nationalistes flamands accéder au pouvoir dans la capitale le mois prochain ? Le politologue Dave Sinardet tempère : « obtenir de bons résultats dans les sondages est une chose, les concrétiser dans les urnes en est une autre. Assurément dans notre système électoral, où les électeurs, avant de choisir leurs représentants, doivent d’abord se prononcer sur la langue de leur collège électoral, soit francophone, soit néerlandophone. Tout est donc fait pour ne pas mélanger les groupes linguistiques lors des élections, ce qui n’est pas le cas lors d’un sondage. Ajoutons encore que si l’on fait abstraction des ténors du parti, comme Francken ou Jambon, la N-VA manque de popularité dans la capitale, où ses représentants sont peu connus. »

Mais il n’en reste pas moins envisageable que le parti confirme les sondages et s’impose comme un incontournable de la gouvernance bruxelloise. Plusieurs partis se sont d’ailleurs déjà exprimés sur une possible coalition avec les nationalistes flamands au gouvernement bruxellois. Les socialistes sont clairement contre, le MR ne dit fermer aucune porte. Un accès au pouvoir permettrait à la N-VA de concrétiser sa volonté de mettre un terme à la culture socialiste dans la capitale, pour tendre vers une politique urbaine plus moderne. L’avenir nous en dira davantage, mais une chose est d’ores et déjà acquise : le PS et la N-VA ne sont toujours pas faits pour s’entendre, dans la capitale comme ailleurs.

Toujours est-il que les élections communales prochaines seront un excellent indicateur des ambitions que peut raisonnablement nourrir la N-VA à Bruxelles. Si les nationalistes flamands parviennent à rallier à leur cause une part importante de francophones lors des communales, ils seront en position de force pour les élections régionales de 2019. Qui vivet videbit.

[1] À plus de 90% selon les données linguistiques tirées des déclarations fiscales 2017 – source : http://www.lesoir.be/127560/article/2017-12-04/bruxelles-est-francophone-92-selon-les-declarations-fiscales

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