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Le pass sanitaire, un outil de pouvoir qui n’offre ni liberté, ni protection
09·11·21

Le pass sanitaire, un outil de pouvoir qui n’offre ni liberté, ni protection

Joren Vermeersch est juriste, historien et auteur. Premier suppléant de Flandre occidentale à la Chambre pour la N-VA, il écrit toutefois en son nom propre. Ses chroniques sont publiées dans De Standaard toutes les deux semaines, le lundi.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Nous connaissons tous quelqu’un pour qui le Covid Safe Ticket (CST) ne représente rien de bien grave. En définitive, quelques secondes suffisent pour sortir ce sésame de notre poche et le faire scanner. On entend souvent aussi que la France a introduit le passe sanitaire il y a plusieurs mois et que ce passe fonctionne à merveille là-bas. Puis, à l’ère de Facebook, qui se soucie encore du respect de la vie privée ? Conclusion : à quoi bon perdre son temps en palabres inutiles ?

Étonnamment, peu de citoyens semblent se rendre compte des conséquences historiques des décisions prises actuellement. Le CST constitue une demi-révolution dans les relations entre le citoyen et l’État. C’est moins le non-respect de la vie privée que l’énorme pouvoir concédé par le citoyen à l’État qui pose problème. Une fois ce concept intégré pour un usage intérieur, l’État pourra, régulièrement, en limiter ou en étendre le champ d’application. Il n’en demeure pas moins que le système, lui, restera en place. Pourquoi ? Parce qu’il simplifie la gestion du pays. En effet, le CST donne au gouvernement la possibilité de modifier aléatoirement les critères d’utilisation d’un code QR sans consultation du parlement.

Si le citoyen refuse de suivre les nouvelles instructions, l’État pourra facilement l’y contraindre, notamment en le jetant d’un simple claquement de doigts dans l’isolement social : le scan passe au rouge et il devient impossible d’aller boire un verre au café, d’assister à un match de football ou à un concert, de manger au restaurant, de voyager et, qui sait, bientôt d’aller travailler, car nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour étendre l’application du CST au lieu de travail. Souhaitons-nous vraiment donner autant de pouvoir aux autorités publiques ? Souhaitons-nous vivre dans un État capable, par la simple modification d’un algorithme, de nous marginaliser et de nous plonger dans la pauvreté dès la moindre désobéissance au gouvernement ? Pourrons-nous, dès lors, parler d’un pays libre ? Non.

Le citoyen accepte sans broncher

Le CST sape l’un des fondements de notre État de droit et de notre démocratie : « Nullum crimen, nulla poena, sine lege », écrivait le juriste allemand Anselm von Feuerbach en 1801. En français : pas de crime, pas de sanction, sans loi. Désormais, ce principe peut être jeté à la poubelle. Par un scan négatif, notre État peut désormais sanctionner des citoyens à l’isolement, sans demander l’avis d’un juge. Aucun droit d’appel pour le citoyen sanctionné. Les critères sur lesquels se base le gouvernement, le « crime » si vous voulez, n’est mentionné dans aucune loi. Une vague « loi pandémie », une sorte de camelote anticonstitutionnelle, fait office de passe-partout. Ce n’est pas seulement Feuerbach, mais aussi Montesquieu, le penseur de la séparation des pouvoirs, qui se retournent dans leur tombe face à tant d’autoritarisme.

Et pourtant, tout cela passe sans encombres. Le constat est amer, mais il est imparable : le droit à la vie privée et le respect de l’État de droit n’ont que très peu d’intérêt aux yeux du citoyen. Un vieil adage anglais dit que dans l’amour et dans la guerre, tous les coups sont permis. En situation de pandémie aussi, visiblement. Lorsque le gouvernement et les médias passent leurs journées à marteler de concert leurs messages de panique, le citoyen gobe absolument tout. Même un CST pour ses propres enfants, dès qu’ils atteignent l’âge de 12 ans. Il l’accepte. Sans broncher. D’autre part, les citoyens éveillés, en cédant leur pouvoir aux autorités publiques, doivent réfléchir à ce que le gouvernement actuel, mais aussi les gouvernements suivants, peuvent faire de ce pouvoir.

Aucune échéance pour l’abolition du CST

Et c’est là que nous en arrivons à l’aspect le plus délicat du CST : bien que cet instrument n’offre aucune protection face aux contaminations, bien qu’il soit incapable de procurer la moindre sécurité, ce laissez-passer autoritaire a été conféré aux pouvoirs publics sans date d’expiration. Il n’existe même pas d’objectif contraignant en termes de taux de vaccination, un seuil à partir duquel le CST tomberait à échéance. Il faut se contenter d’une vague promesse qu’un jour, si tout va bien, le CST sera aboli. C’est peu rassurant, car il y aura toujours des contaminations au coronavirus ainsi que des hospitalisations, même avec un taux de vaccination de 100 pour cent. Il est illusoire de croire que le coronavirus disparaîtra. Pour savoir ce que cela signifie, il suffit de voir ce qui se passe chez nos voisins du sud : les Français sont soumis au passe sanitaire depuis le 9 août 2021. Le 13 octobre, ils ont eu la joie d’apprendre que leur gouvernement entend prolonger le système « au moins » jusqu’au 31 juillet 2022. Autant dire que ce genre de comédie risque de nous arriver aussi. Le contrôle numérique permanent peut, insidieusement, devenir un nouveau mode de gouvernance. Au lieu de discuter de l’élargissement du passe sur le lieu de travail, nous ferions mieux d’ouvrir le débat sur l’abolition intégrale de cet instrument de pouvoir dangereux.

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