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31·08·15

Le flamingantisme, le mouvement le plus antisystème de Belgique

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Tijl Vercaemer

Gie Goris
Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Gie Goris est le rédacteur en chef du trimestriel flamand MO*. Il écrit en son nom propre.

Personne ne m’a appelé, ni informé, ni accusé. Je pourrais donc faire comme si je ne me sentais pas concerné. Mais ces derniers jours, l’affaire du licenciement de Karl Drabbe par la maison d’édition Pelckmans a fait tellement de bruit que tout le monde s’est senti obligé d’exprimer son opinion. (ndlr: Karl Drabbe s’est récemment fait licencié de la maison d’édition Pelckmans en raison de ses convictions nationalistes flamandes).

Ne comptez pas sur moi pour aboyer avec la meute des spéculateurs pressés d’écrire à l’encre de leur idéologie ce qu’ils pensent savoir, ce qu’ils ont entendu dire dans les milieux autorisés, ou ce qu’ils ont appris de source sûre à propos de l’affaire du Licenciement. Je ne sais rien à ce sujet, et jusqu’à nouvel ordre, je me contenterai de souhaiter à tous le meilleur, à savoir plus de pluralisme, plus de liberté d’expression, plus de respect pour les plus faibles de notre société et plus de diversité culturelle, y compris dans le secteur de l’édition.

Ce qui me pousse à monter au créneau, c’est un paragraphe assez frappant de la carte blanche de Jean-Pierre Rondas sur demorgen.be. Ce paragraphe n’a en fait rien à voir avec Drabbe, Pelckmans ou Polis. Ma réaction à ce paragraphe n’a donc rien à voir avec le monde de l’édition et leurs politiques de licenciement. « Lorsqu’on ne porte pas la Belgique aux nues, on est voué aux gémonies, écrit l’auteur. La peine encourue confirme mon opinion : le principal mouvement antisystème de Belgique, c’est le flamingantisme. C’est ce qu’il faut combattre à tout prix, de préférence à l’aide de spécialistes en marketing et de chefs d’entreprise qui ne comprennent pas bien de quoi il s’agit mais qui pensent sauver leur argent. »

Je n’appartiens pas à la même famille idéologique que Rondas, loin s’en faut, mais cela ne m’empêche pas de penser qu’il a raison sur ce point. En 2015, le mouvement le plus antisystème de Belgique, c’est le flamingantisme. J’ai du mal à l’admettre, mais il a peut-être bien raison.

Le système belge s’est forgé au cours de décennies de luttes sociales qui ont donné naissance à des politiques basées sur la solidarité structurelle et la responsabilité collective. Ce système a permis, ces dernières années, d’amortir les chocs de la crise causée par le capitalisme financier mondialisé. Entre 2008 et 2013, les inégalités sociales en Belgique n’ont pas augmenté autant que dans les autres pays de l’UE et du monde. C’est grâce à ce système que la population belge, tous revenus confondus, a pu compter davantage que les pays anglo-saxons sur des services tels que l’éducation, les soins de santé, l’aide sociale, les transports, la justice et l’information.

Les générations de Belges qui se sont installées ici ces dernières décennies, ou celles provenant de diverses vagues d’immigration, ne bénéficient pas encore des nombreux aspects positifs du système, certes. Mais telle n’est pas la raison invoquée par les nationalistes flamands – ceux-là même qui sont au pouvoir et dont Jean-Pierre Rondas fait partie – lorsqu’ils rejettent le système.

Les partis « du régime » – terme utilisé par Rondas pour désigner les sociaux-démocrates, les chrétiens-démocrates et les libéraux – ont bâti ce système au cours de décennies de débats et de luttes politiques. Personne n’en est satisfait, mais personne ne veut l’anéantir pour autant. Sauf les flamingants, manifestement.

Par leur position antisystème, les flamingants redécouvrent une valeur fondamentale du peuple belge : nous sommes contre le pouvoir, peu importe qui est au pouvoir

Par leur position antisystème, les flamingants redécouvrent une valeur fondamentale du peuple belge : nous sommes contre le pouvoir, peu importe qui est au pouvoir. Telle est, au demeurant, une des plus belles caractéristiques du Belge, et il faut en prendre bien soin, l’alimenter et la cultiver. En revanche, il faut comprendre que la position des flamingants s’oppose frontalement à cet esprit anarchiste.

Je ne vois rien de mal à encourager cet esprit antisystème cher aux belges néerlandophones, francophones ou germanophones (et même arabophones, turcophones, hispanophones, anglophones, …). Le problème est que le système n’est pas attaqué parce qu’il est antisocial et injuste, mais bien parce qu’il redistribue trop et qu’il prend trop soin de la population.

La révolution que propose le flamingantisme n’est autre qu’une révolution néolibérale. Une révolution imaginée par des spécialistes du marketing et des chefs d’entreprise qui ne comprennent pas bien de quoi il s’agit, mais qui pensent pouvoir ainsi sauver leur argent. La seule langue qu’ils comprennent, après cent ans de nationalisme linguistique, c’est la langue de l’argent.

Le flamingantisme peut servir les desseins des entrepreneurs, qui ont toujours été un moteur du nationalisme flamand, mais le peuple, lui, a d’autres attentes. Si le mouvement nationaliste flamand veut avoir un avenir après la victoire électorale de la N-VA, il a intérêt à attaquer le système belge (ou, pour ma part, flamand et bruxellois) sous le bon angle. Ce n’est pas ce qui se passe actuellement, et c’est douloureux pour tout ceux qui ont combattu auprès d’un mouvement social la bourgeoisie fransquillonne.

Article en V.O. sur De Morgen

Traduit du néerlandais par Fabrice Claes

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