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28·08·15

La Belgique, plaque tournante du trafic d’armes ?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Franckfbe

Philip Heymans
Auteur⸱e
Ludovic Pierard
Traducteur⸱trice Ludovic Pierard

L’État annonce des mesures de sécurité supplémentaires en réponse à la tentative d’attentat ratée dans le Thalys de vendredi. Koen Geens, ministre de la justice, souhaite ainsi durcir la lutte contre les ventes d’armes illégales dans notre pays. La Belgique est-elle une plaque tournante du trafic d’armes ?

Pour les enquêteurs français, il ne fait guère de doutes qu’Ayoub El Khazzani a acheté sa kalachnikov en Belgique, sans qu’on sache toutefois d’où ils tirent cette information, qu’El Khazzani continue par ailleurs de nier. Il affirme en effet avoir trouvé la mitraillette (et ses autres armes) dans un parc. Même si cette explication semble peu plausible, il n’est donc pas encore établi que la kalachnikov proviendrait effectivement de chez nous. Cette nuance n’est pas sans importance. Mais bon, il va de soi qu’on ne peut que se réjouir à l’annonce d’un durcissement de la lutte contre le trafic d’armes. On prétend en effet que d’autres terroristes et gangsters, tels Mehdi Nemmouche, qui a abattu quatre personnes au Musée juif, mais aussi Amedi Coulibaly, l’auteur de l’attaque contre le supermarché kascher à Paris, se seraient également procuré leur arsenal dans notre pays.

Qui peut donner des chiffres ?

Pour le Vlaams Vredesinstitut (Institut flamand pour la Paix), notre pays est bel et bien une plaque tournante du trafic d’armes en raison de sa petite taille et de sa situation géographique accessible. Ces deux facteurs permettent aux trafiquants de passer facilement et en toute illégalité sur le sol belge des armes de guerre en provenance d’Europe de l’Est, simplement en les cachant dans des coffres de voiture ou dans les bagages des passagers d’un bus. Le professeur Brice Deruyver, de l’Université de Gand (UGent), estime que la politique laxiste du passé joue également un rôle : « Dans les années ’70, nous étions très réticents à l’idée de brider nos ventes d’armes, dont le poids économique était important. De cette période, la Belgique a gardé la réputation d’être un pays de cocagne en matière d’armes. » Depuis lors, la loi sur les armes a bien été sérieusement durcie après l’attaque de Hans Van Themsche et à la suite de la fusillade déclenchée par Nordine Amrani à Liège. Mais il semblerait que cette réputation nous colle à la peau.

Pourtant, personne ne peut réellement chiffrer ce trafic d’armes en Belgique. Au début de cette année, une association d’armuriers affirmait encore que des milliers d’armes de guerre seraient en circulation dans notre pays, un chiffre immédiatement contesté par la police et la justice, pour qui leur nombre réel serait bien moins important. Mais dans quelle proportion ? Mystère, personne ne peut le dire, tout comme personne ne sait si ce problème est plus sérieux à Bruxelles qu’à Paris ou Amsterdam.

Quelle politique adopter ?

Si le problème est à ce point difficile à cerner, il convient de se demander quelle politique adopter. La lutte contre le trafic d’armes à feu était une des dix priorités du plan national de sécurité (PNS), qui vient à échéance cette année. Les ministres Koen Geens et Jan Jambon réfléchissent toujours à l’opportunité ou non de faire du trafic international d’armes une priorité dans le nouveau PNS, ainsi que dans la note-cadre sur la sécurité intégrale. Si tel est le cas, encore faut-il savoir quelles en seront les implications concrètes. Augmentera-t-on par exemple le nombre de policiers engagés dans ce dossier ? Des enquêteurs mieux à même d’identifier le phénomène et de l’enrayer ? Ce qui nécessite alors des investissements, voire un transfert de moyens, réduisant ainsi automatiquement l’attention portée à d’autres délits.

Au niveau législatif, l’une ou l’autre adaptation reste possible, comme permettre enfin la mise sur écoute des trafiquants. Une proposition de loi en ce sens déposée par Sonja Becq (CD & V) doit encore être approuvée à la Chambre, ce qui devrait être le cas sous peu.

Et puis, la coopération internationale doit aussi être renforcée. La Belgique souhaite déjà procéder à des contrôles supplémentaires aux frontières extérieures de l’espace Schengen, tout en plaidant simultanément pour une réglementation européenne uniforme en matière de neutralisation des armes à feu et pour un meilleur échange d’informations par l’entremise d’Europol.

Attention à leffet boomerang

Toute la question est de savoir s’il convient également de renforcer les contrôles au sein de la zone. Si nous ne voulons pas revenir sur les principes de Schengen, il sera dans tous les cas nécessaire d’accroître la collaboration entre les différents services de police européens. Le Vredesinstituut a déjà prévenu auparavant que nous devrions également être plus attentifs à nos propres exportations d’armes, car celles que nous vendons en Afrique du Nord et au Moyen-Orient risquent un jour de réapparaître chez nous entre les mains de personnes aux intentions bien peu louables.

Philippe Heymans est journaliste au sein du service d’information de la VRT et spécialisé dans les matières de justice.

Traduit du néerlandais par Ludovic Pierard

Article en V.O. sur deredactie.be

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