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18·06·15

Taxshift : les Pays-Bas, un exemple à suivre ?

Temps de lecture : 4 minutes
Caroline Coppens
Traducteur⸱trice Caroline Coppens

Les Pays-Bas ont pratiquement bouclé leur taxshift, même s’il y porte un autre nom. Avec la délicatesse qui caractérise La Haye et ses habitants, un communiqué officiel a annoncé qu’un « accord global » avait été trouvé à propos d’une « réforme du système fiscal ». Le détail de cette réforme n’est pas encore connu et on est bien loin d’une majorité au Parlement, mais il s’agit bel et bien de ce que nous entendons ici par le terme « taxshift » : une baisse de l’impôt des personnes physiques compensée par la hausse d’autres formes d’imposition.

Un impôt sur le capital

Citons ici un article paru dans Volkskrant le 11 juin dernier :

« Aux Pays-Bas, le fisc agit comme si le rendement (sur des fonds investis ou sur l’épargne) était de quatre pour cent. Sur cette somme, le contribuable paie un impôt sur la fortune de 30 pour cent, soit 1,2 pour cent de son capital. Mais ces quatre pour cent ne correspondent plus à la réalité, (…) dans de nombreux cas, l’épargne coûte même de l’argent puisque les taux d’intérêt sont inférieurs au taux d’imposition. »

Ce principe est difficile à saisir pour les lecteurs flamands. Comme le système néerlandais repose sur un rendement virtuel et non pas réel, il s’agit bel et bien d’un pur impôt sur le capital.

En Belgique, un tel impôt est inimaginable et serait même impossible à mettre en œuvre, paraît-il. Les Pays-Bas prélèvent tout simplement plus d’impôt sur la fortune/l’épargne que celle-ci ne peut produire d’intérêts. Dans de nombreux cas, il est donc possible d’épargner, mais uniquement si on déclare au fisc son rendement tout entier, et même plus.

Pour les Belges, c’est là une vision d’horreur qui, si cette mesure était introduite chez nous, provoquerait l’assaut du Parlement par une population en colère. Rien de tout cela au Binnenhof à La Haye, où siège le Parlement néerlandais. La grande « réforme du système fiscal » signifie outre-Moerdijk que ces quatre pour cent seront peut-être interprétés de manière un peu plus réaliste. Autrement dit : aux Pays-Bas, un impôt sur le capital (relativement) pur et dur sera peut-être légèrement revu à la baisse, mais à part cela, il relève de l’évidence.

Une vache sacrée fiscale

Mais où les Néerlandais vont-ils donc compenser ce manque à gagner ? En premier lieu du côté de la TVA, une approche qui, en Belgique, aurait du mal à passer, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique. Par ailleurs, les communes néerlandaises seront habilitées à lever elles-mêmes des impôts. (Sur ce plan, les Pays-Bas sont en retard par rapport à la Belgique.) Il reste un sujet qui n’a pas encore été tranché : la voiture.

« Rien qu’une modification du coefficient d’imposition des voitures de leasing risquerait déjà de provoquer une émeute », a déclaré à ce propos Diederik Samsom, la figure de proue des sociaux-démocrates.

Même pour les Néerlandais, qui ne craignent pas de prendre des mesures sévères d’habitude, la voiture est manifestement la vache sacrée fiscale – et les Néerlandais n’hésiteraient pas à monter au créneau pour la défendre. Comme en Belgique. Le gouvernement Di Rupo a déjà rendu la voiture de société moins attrayante mais aujourd’hui, les partis flamands qui y ont contribué pansent toujours leurs plaies. Apparemment, il y a des deux côtés de la frontière un public qui ressent toute atteinte à la voiture (de société) comme une atteinte à la partie la plus intime de leur anatomie.

La voiture de société est un taxshift par définition.

Aujourd’hui, nous savons tous que la voiture de société est en soi un taxshift. Comme la taxation des salaires est trop lourde, la voiture de société est tout simplement une manière d’attribuer un peu de salaire à moindre coût fiscal, une façon donc de ménager un tant soit peu les salaires.

Il n’empêche que la voiture de société est un phénomène absurde. Pourquoi les embouteillages et la pollution devraient-ils être subsidiés par des deniers publics ? Pour toute clarté : il est tout aussi absurde d’affirmer que tous les déplacements peuvent être faits avec les transports en commun et que les automobilistes ne roulent en voiture que parce qu’ils sont des égoïstes sociaux. Souvent, l’automobiliste n’a pas vraiment le choix. Il ne doit pas être puni, mais sur le plan purement politique, la raison pour laquelle le conducteur d’une voiture de société devrait bénéficier d’un subside individuel reste floue.

Typiquement belge

En somme, c’est là une politique typiquement belge. Comme nous n’arrivons pas à résoudre le problème de base (les salaires trop lourdement taxés), nous avons trouvé une porte dérobée (la voiture de société). Or, cette parade connaît un tel succès qu’elle devient à son tour un problème (puisque nous subsidions nos propres embouteillages).

Il est parfaitement compréhensible que l’on veuille défendre au niveau politique le pouvoir d’achat du citoyen automobiliste, mais à la longue, il faudra bien se résoudre à effectuer un « shift » de notre mobilité. La Belgique ne peut pas rester éternellement le cancre de la qualité de l’air et le triste champion des émissions des particules fines. On ne peut pas éternellement maudire le réchauffement climatique d’un côté et subsidier la voiture de société de l’autre. Selon une étude de l’OCDE, la voiture de société fait perdre chaque année à la Belgique quelque 2 milliards d’euros de recettes fiscales. (Et même davantage, si l’on en croit l’opposition.) Nous sommes à cet égard le cancre de la classe européenne. Aux Pays-Bas, ce montant est de 0,7 milliard.

Une douleur politique

Grâce au redressement de l’économie, les Pays-Bas peuvent tabler cette année sur un complément de recettes de trois à cinq milliards d’euros. Le taxshift y représente donc aussi un taxcut. Grâce à cela, le « changement du système fiscal » est une pilule un peu moins amère à avaler.

Pour l’heure, la Belgique est moins bien lotie. Si les charges salariales doivent baisser sensiblement, il faudra bien ponctionner ailleurs, en particulier à des endroits très sensibles pour les partis de la majorité : les patrimoines, la TVA, l’immobilier et les voitures de société.

La solution pourrait consister à ce qu’on y aille tout doucement, genre : « uniquement pour les nouveaux contrats », « d’ici 2018 », et autres louvoiements de ce type. Mais nous ne pourrons pas échapper à la réduction des charges salariales si nous voulons rester concurrentiels par rapport aux pays voisins, d’autant que ceux-ci ne se reposent pas sur leurs lauriers.

L’article en V.O sur DeRedactie.be

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