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Emploi : un Mur de Berlin entre la Wallonie et la Flandre
11·10·19

Emploi : un Mur de Berlin entre la Wallonie et la Flandre

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) betexion via Pixabay

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Les obstacles qui séparent les marchés de l’emploi wallon et flamand sont immenses. Une situation dont l’État fédéral reste le principal responsable, malgré les six réformes qu’il a connues.

Les gouvernements régionaux sont enfin constitués. Le marché du travail étant une compétence des régions, tous les gouvernements se sont encore une fois engagés solennellement à faire augmenter le taux d’emploi, relativement faible dans tout le pays. Et la Communauté française entend apporter sa pierre à l’édifice au travers d’un « pacte d’excellence » pour l’enseignement. Une intention louable. Car il est navrant de constater qu’en Belgique, la longue liste des professions critiques — qui ne sont qu’un reflet des besoins de la société — s’accompagne d’un taux d’occupation qui ne s’élève qu’à 64 %.

Il est tout aussi déplorable que la Wallonie, pour doper son taux d’emploi, obstinément bien moins élevé — près de 60 % contre près de 70 % en Flandre — ne se décide toujours pas à se tourner vers la Flandre. En effet, alors qu’en Wallonie, les employés attendent les employeurs, c’est exactement l’inverse qui se produit en Flandre. Parmi les 2 350 000 salariés que l’on dénombrait en Flandre en 2016, seuls 51 000 (soit 2 %) étaient des navetteurs wallons.

Pour l’anecdote, voilà des années que l’on compte deux fois plus de Français (12 000) que de Hennuyers (6 000) qui viennent travailler en Flandre-Occidentale. Cette dernière, la province de Belgique qui connaît le plus fort taux d’emploi (71 %), a pour voisine le Hainaut, qui en affiche le plus faible (56 %). À l’inverse, pas moins de 24 000 habitants de Flandre-Orientale considèrent que cela vaut la peine de faire la navette jusqu’en Flandre-Occidentale.

On ne regarde pas les mêmes émissions en Flandre et en Wallonie

La frontière linguistique est un immense obstacle empêchant d’aller travailler de l’autre côté, même pour les Hennuyers qui vivent juste à côté de Courtrai. Sur le plan culturel aussi, mille lieues séparent la Flandre de la Wallonie. Et les Flamands n’apprécieraient pas que pendant la pause-café, leurs collègues discutent dans une langue étrangère d’émissions télévisées qui leur sont parfaitement inconnues.

Indépendamment des motifs linguistiques et culturels, on recense au moins trois politiques défaillantes, au niveau fédéral, qui ont eu pour effet d’ériger un Mur de Berlin pour les Wallons qui pourraient faire la navette jusqu’en Flandre.

Premier obstacle : la formation des salaires. Comme elle est centralisée, les mêmes règles s’appliquent aux entreprises implantées en Wallonie et en Flandre. Ainsi, les salaires que doivent verser les employeurs en Wallonie, dont la productivité est en berne, sont à ce point élevés qu’ils les dissuadent souvent d’embaucher. Pendant ce temps, nombre de chômeurs wallons espèrent décrocher un emploi en Wallonie justement en raison de ces salaires. Ils préfèrent vivre dans l’espoir plutôt que de s’imposer le stress et le coût culturel qu’impliquerait un travail en Flandre, où la productivité est plus forte.

Deuxième obstacle : l’impôt des personnes physiques et la sécurité sociale au niveau fédéral. Malgré le récent tax shift, la redistribution entre les actifs et les inactifs reste importante — encourageant une situation de chômage longue durée en Wallonie plutôt qu’un emploi en Flandre.

Troisième obstacle : les prestations de chômage. L’État fédéral a toujours versé les mêmes allocations à un chômeur wallon ou flamand. Pourtant, un appartement coûte en moyenne 25 % de moins en Wallonie qu’en Flandre. En matière de coût de la vie, les importantes différences géographiques qu’affiche notre pays sont un argument pour lier les prestations fédérales — et donc les impôts fédéraux — à la cherté de la vie locale. Les impôts devraient être plus bas pour un Wallon qui vient trimer dans une langue étrangère au sein d’une PME du sud de la Flandre-Occidentale et les allocations réduites pour un Wallon qui attend de trouver un emploi dans sa chaleureuse Wallonie, où la vie est moins chère.

Création de richesses

Le produit intérieur brut de la Belgique souffre chaque jour du fait que la demande flamande et l’offre wallonne de main-d’œuvre ne se rencontrent pas. Les employeurs flamands assidus ont besoin de main-d’œuvre wallonne. Ces employeurs et leurs employés flamands paient des impôts exorbitants — et supportent une charge de travail élevée — pour que soient notamment versées, de l’autre côté de la frontière linguistique, des allocations aux travailleurs wallons qui leur font cruellement défaut.

Des idéalistes, eux aussi assidus, ont calculé les transferts que l’État fédéral fait circuler chaque année de la Flandre, laide et travailleuse, vers la charmante Wallonie. En revanche, personne n’a encore calculé les pertes de création de richesses que supposent ces transferts pour la Flandre. Il en va de même des coûts sociaux résultant d’emplois stressants. Ce sont eux qui constituent le véritable préjudice causé par ces transferts. La création de richesses est nécessaire pour fournir aux générations suivantes — de Flamands et de Wallons — un bon système de sécurité sociale.

Ceux qui voient le mal partout pensent que le maintien de ces trois erreurs systémiques est voulu par les responsables politiques wallons. Les politiciens sont élus pour se faire réélire et donc pour éviter de frapper là où ça fait mal. On ne peut donc pas attendre des politiques wallons qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. De plus, le niveau fédéral est à ce point organisé de manière confédérale qu’un parti de gouvernement francophone n’a même pas besoin de claquer des doigts pour maintenir en place ces erreurs systémiques.

En d’autres termes, même si les gouvernements régionaux ont à nouveau la ferme intention de faire grimper leur taux d’emploi et même si le pays aura enfin un nouveau gouvernement fédéral dans quelques mois, les erreurs systémiques subsisteront — on peut dire que le confédéralisme en est une quatrième. Il faudrait donc se diriger vers une septième réforme de l’État axée sur une véritable régionalisation de la politique du marché de l’emploi, de la fiscalité du travail et de la sécurité sociale. Mais encore faudrait-il obtenir l’accord des politiciens wallons…

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