Nous pouvons tirer un enseignement du débat sur les émissions d’azote qui a fait rage au Parlement flamand : s’il veut trouver un équilibre entre nature, qualité de l’air et agriculture, le Gouvernement flamand devra sortir de sa zone de confort. « Cela demandera beaucoup de courage politique ».
« Nous ne pouvons pas nous dérober face à la question des émissions d’azote. Pour moi, il n’y a de toute façon pas de sujets tabous. Les secteurs responsables de ces émissions doivent trouver une solution », a déclaré Hilde Crevits (CD&V), ministre flamande de l’Agriculture et de l’Économie, lors d’une allocution au Parlement régional mercredi dernier. « Mais je ne tolèrerai pas que des mesures gouvernementales plongent des gens dans la pauvreté. »
« Mais je ne tolèrerai pas que des mesures gouvernementales plongent des gens dans la pauvreté. » Hilde Crevitz
Pour la première fois, des députés ont croisé le fer au parlement à propos de l’arrêt « azote » rendu par le Conseil flamand des contentieux d’urbanisme. Conseil qui, la semaine dernière, a remis en cause la politique flamande en la matière, la jugeant trop laxiste et scientifiquement infondée.
Un durcissement des normes relatives aux émissions d’azote reviendrait à saigner l’économie flamande à vif
Si l’on en juge d’après les propos d’Hilde Crevits, il apparaît clairement que le Gouvernement flamand devra sortir de sa zone de confort. Un durcissement des normes relatives aux émissions d’azote reviendrait à saigner l’économie flamande à vif, à commencer par le secteur de l’agriculture. « Des mesures s’imposeront, et il ne fait aucun doute qu’elles seront douloureuses. Il faudra faire preuve de courage politique », a quant à lui affirmé Wilfried Vandaele, chef de groupe N-VA. « Après la pandémie que nous connaissons, la lutte contre les émissions d’azote constitue le principal défi auquel la Flandre doit faire face », a ajouté Zuhal Demir (N-VA), ministre flamande de l’Environnement.
« Dans l’une des régions les plus urbanisées d’Europe, il n’est pas malin d’utiliser l’espace disponible afin de devenir le fournisseur de viande de tout le continent », selon Bruno Tobback (sp.a).
D’emblée, le Gouvernement flamand a tracé la ligne à ne pas franchir : l’appauvrissement des agriculteurs. « Les mesures supplémentaires iront de pair avec de solides structures d’accompagnement », a précisé Hilde Crevits.
La situation montre combien il est difficile, pour l’exécutif flamand, de trouver un terrain d’entente. Pour la gauche, il convient de freiner la croissance agricole et l’élevage, car l’agriculture est à l’origine de 40 pour cent des rejets d’azote. « Dans l’une des régions les plus urbanisées d’Europe, il n’est pas malin d’utiliser l’espace disponible afin de devenir le fournisseur de viande de tout le continent », selon Bruno Tobback (sp.a).
Dans les rangs de Groen, on s’agace du fait que Zuhal Demir n’ait pas même envisagé la suppression tant attendue de la réglementation actuelle. « La réglementation relative aux émissions d’azote ne tenait déjà pas la route. La question n’était pas de savoir si elle allait passer à la trappe, mais quand », a regretté la députée Mieke Schauvliege.
l’agriculture au rang de sanctuaire inviolable
De l’autre côté de l’échiquier, le CD&V et le Vlaams Belang ont élevé l’agriculture au rang de sanctuaire inviolable. Tinne Rombouts, experte agricole des démocrates-chrétiens, estime que l’on se focalise trop sur l’élevage. « Tous les secteurs sont soumis à rude épreuve. L’agriculture ne doit pas porter le chapeau. Ce serait faire entorse à la vérité que de dire que le secteur de l’agriculture est le plus grand émetteur d’azote. Les plus grands effets de ces émissions, à raison de 50% environ, proviennent de l’étranger », a-t-elle ajouté.
Au Vlaams Belang, on estime que le curseur est trop axé sur l’écologie et la « diabolisation de l’agriculture ». « Nous nous interrogeons quant aux mesures disproportionnées que d’aucuns veulent prendre. La volonté obsessionnelle de réduire les émissions d’oxyde d’azote ne doit pas avoir raison de l’agriculture et des nouveaux projets industriels », a indiqué le député Stefaan Sintobin.
Le cabinet Demir travaille à plusieurs scénarios en vue de règles plus strictes.
Le cabinet Demir travaille à plusieurs scénarios en vue de règles plus strictes. Zuhal Demir entend mettre sur pied un cadre d’approche structurel d’ici l’été. Elle s’est penchée sur la question avec des homologues néerlandais, souhaitant éviter à la Flandre ce qui s’est produit aux Pays-Bas : un gel des permis dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et de l’industrie.
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