La télévision linéaire ne parvient plus à arrêter l’hémorragie. L’attention des téléspectateurs se réduit comme peau de chagrin, de même que l’argent des annonceurs. Face à ce constat cruel, les deux grands concurrents commerciaux DPG Media (VTM) et Telenet (Vier) unissent leurs forces. À l’évidence, il ne s’agit pas d’un mariage de raison, c’est pourquoi il advient si tard — peut-être trop. Les téléspectateurs peuvent désormais faire leur choix parmi une offre pléthorique de fictions à l’abonnement : Apple, Disney, HBO… Pourquoi, dès lors, paieraient-ils aussi un abonnement flamand ?
Le Netflix flamand
Voici le scénario positif : le Netflix flamand entraîne une hausse du nombre de productions de qualité faites maison. Toutes les sociétés de médias travaillent main dans la main, la VRT s’engage dans le projet dès le départ, la Flandre conserve davantage de fonds, le Fonds audiovisuel flamand accorde des subventions à tour de bras, le tax shelter bourdonne. Le Netflix flamand crée des fictions supérieures à l’offre précédente, insufflant ainsi un nouvel élan culturel. C’est ainsi qu’il convainc les téléspectateurs de mettre la main à la poche.
Mais il est fascinant d’observer la manière dont les responsables politiques, surtout ceux d’obédience libérale, se réjouissent de la suppression de facto de la libre concurrence dans leur propre pays. Telenet et VTM se sont toujours livrées à une petite guéguerre. Une situation qui les conduisait à prendre des risques et à aller de l’avant. Désormais, c’est surtout la manière dont le gouvernement flamand pousse la VRT vers le Netflix flamand qui suscite la méfiance. Car il s’agit là du même gouvernement qui contraint la VRT à faire des économies sur ses programmes, notamment des documentaires et des fictions fortes.
Les téléspectateurs paient à la place des annonceurs.
Car voici le scénario plus réaliste : le Netflix flamand soutient les sociétés commerciales. Les téléspectateurs paient ce que les annonceurs ne règlent plus. On ne génère pas de recettes supplémentaires — au contraire : les fonds continuent de diminuer, mais moins qu’actuellement. L’offre des chaînes des sociétés commerciales s’appauvrit considérablement, car les téléspectateurs doivent ressentir le besoin de payer un supplément. Le fait d’associer la VRT à l’initiative permet de restreindre la concurrence gratuite.
Les téléspectateurs subissent un cas classique de monopolisation : ils paient plus pour moins de choix. Les maisons de production qui se réjouissent pour l’instant se lamenteront plus tard, lorsque le détenteur du monopole réduira les tarifs. La qualité en prend un sacré coup. Avec la VRT dans son giron, le Netflix flamand devient une sorte de hausse d’impôts privatisée — car n’oublions pas que le contribuable paie déjà pour les services de la VRT.
Une sorte de hausse d’impôts privatisée
Ceux qui ne regardent plus que la télévision linéaire deviennent donc des mendiants de l’audiovisuel. Et le ministre des médias prône « une grande confiance dans la télévision publique ». On peut difficilement faire plus cynique.