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Les robots peuvent-ils accoucher de chefs-d’œuvre littéraires ?
16·05·22

Les robots peuvent-ils accoucher de chefs-d’œuvre littéraires ?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Image by Gerd Altmann from Pixabay

Auteur⸱e
Virginie Dupont
Traductrice Virginie Dupont

Un ordinateur peut-il être poète ? Outre Annelies Verbeke, une autre écrivaine est en résidence à la KU Leuven cette année académique : AInnelies Verbekebot.

Non, les écrivains ne doivent pas considérer l’intelligence artificielle (IA) comme l’ennemi, affirme d’emblée l’autrice Annelies Verbeke à propos des vers et des poèmes qu’elle publie régulièrement sur sa page Facebook. Parfois amusants et absurdes, les textes sont tintés d’un brin d’arrogance, mais ils frappent surtout par leur incohérence et leur inquiétante étrangeté.

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C’était une belle fête le jour de la catastrophe

Seule constante : ces lignes n’ont en réalité pas été écrites par Annelies Verbeke. Depuis que l’écrivaine a débuté sa résidence à la KU Leuven, elle s’intéresse à la relation entre langue, créativité et intelligence artificielle. Elle a confié l’ensemble de son œuvre à Tim Van de Cruys, professeur à la KU Leuven. Ce spécialiste de la linguistique informatique l’a ensuite intégré dans un réseau neuronal existant, une sorte de « robot écrivain » qui peut désormais produire des textes dans le style d’Annelies Verbeke. Sa sœur artificiellement intelligente a été baptisée AInnelies Verbekebot.

{Pour la petite histoire} Traduction parfaite

Elle peut être lâchée devant une feuille blanche ou se voir proposer une série de mots-clés, se baser sur l’arsenal complet des textes d’Annelies Verbeke ou encore sur un livre ou une pièce de théâtre spécifique. « Si je sélectionne le style de mon roman Slaap!, on obtient clairement des phrases plus courtes. En choisissant Dertig dagen, les descriptions de la nature abondent », souligne Annelies Verbeke. « Ces textes sont une sorte de miroir de mon propre rythme et de ma propre musicalité, bien que le résultat ne soit pas toujours à la hauteur. »

Bach ou IA ?

Ce projet aborde une question clivante : l’intelligence artificielle peut-elle être créative ? Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont tenté d’estomper la frontière entre l’art humain et l’art informatique, de la musique à l’écriture en passant par la peinture.

Ainsi, en 2019, le mathématicien Marcus du Sautoy (université d’Oxford) a proposé en alternance la musique de Bach et celle d’un système d’IA à un public test qui a eu du mal à faire la différence entre les deux. La même année, un portrait réalisé par un algorithme nourri par 15.000 tableaux classiques a été vendu aux enchères pour 400.000 euros. Et le journal britannique The Guardian a publié en 2020 un article d’opinion qui, sur la base de contenus suggérés par la rédaction, a été entièrement rédigé par une intelligence artificielle.

Cependant, dans le cas d’expériences qui impliquent du texte, la conclusion est invariablement la suivante : c’est très bien, mais il ne s’agit pas d’un chef-d’œuvre littéraire. Les réseaux neuronaux comme AInnelies Verbekebot continuent à se heurter à certaines limites. Ils identifient des modèles dans des corpus de textes existants et apprennent à prédire le mot suivant en se basant sur les termes précédents. « C’est pourquoi la grammaire est correcte », affirme Tim Van de Cruys. « Mais les textes plus longs manquent cruellement de cohérence. »

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L’IA n’attache aucune signification au texte, seulement une corrélation statistique. « L’histoire n’a pas de sens, mais certaines phrases, et même des paragraphes entiers, sont vraiment très bons », poursuit Annelies Verbeke. L’IA peut également accoucher de merveilleux néologismes. Ces mots sont nouveaux, voire très originaux. Mais s’agit-il pour autant d’une création ? Il ne faut pas oublier que la créativité est soumise au jugement social. « C’est le spectateur qui détermine ce qui est créatif », affirme Tim Van de Cruys, qui estime que les romans écrits automatiquement ne sont pas près d’envahir les rayonnages des libraires. Ce qui ne signifie pas que l’expérience soit dénuée d’intérêt : « Les écrivains peuvent s’inspirer des vers générés », explique Tim Van de Cruys, faisant allusion à des œuvres existantes nées de la cocréation. Un peu comme Gmail qui fait des suggestions pour terminer nos phrases : on n’est pas obligé de les accepter.

Annelies Verbeke envisage également une pièce de théâtre où son propre texte alternerait avec des vers composés par l’IA. « Mais j’émettrais un signal lumineux pour avertir le public que c’est l’algorithme », précise-t-elle. Parce que, bien qu’on ne puisse pas être accusé de plagiat de son propre robot écrivain, ce serait en quelque sorte une atteinte à l’honneur de la machine.

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