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Conseil national de sécurité : pourquoi les politiques communiquent-ils aussi en anglais ?
04·06·20

Conseil national de sécurité : pourquoi les politiques communiquent-ils aussi en anglais ?

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(Aubry Touriel)

Aubry Touriel
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Nederlands, français, Deutsch ou English ? La Belgique a trois langues officielles et pourtant les dirigeants politiques ont recours à l’anglais à certains moments des réunions du Conseil national de sécurité. Comment cela se fait-il et quelle est l’influence des langues lors des discussions ?

Assis sur un banc du parc royal, une équipe de journaliste de la chaîne LN24 attend la conférence de presse du Conseil national de sécurité (CNS). Le journaliste Maxime Binet, habitué de la rue de la Loi, raconte comment se passent ses relations avec les collègues néerlandophones : « Les contacts sont très amicaux. »

« On parle essentiellement en français. Très souvent, on commence à parler néerlandais avec eux et ils répondent en français. Par courtoisie, on répond aussi en néerlandais. Le niveau de néerlandais des journalistes de la Wetstraat est généralement bon », poursuit-il.

« Matekes »

Il arrive néanmoins que la barrière linguistique s’avère trop élevée. Par exemple, l’ex-journaliste de la RTBF se rappelle du discours de Conner Rousseau lors des vœux du PS : « Bonsoir les amis ou « matekes » comme je dis en flamand » (cf. vidéo 20’)

« Personnellement, je n’avais pas compris ce terme, j’ai demandé à mes collègues francophones et ils ne savaient pas non plus », déplore Maxime Binet. Matekes est en fait un diminutif du mot « maat », qui signifie « camarade,

Selon lui, la connaissance du néerlandais et du français est essentielle : « De nombreux rapports sont écrits en partie en français, en partie en néerlandais. Si on ne comprend pas très bien, on risque de louper une information. »

Blague incomprise

Un peu plus loin, les journalistes de VTM et de la VRT font le pied de grue devant le numéro 4 de la rue ducale. Bart Verhulst, journaliste TV pour la chaîne publique flamand inscrit des notes sur un carnet à feuilles volantes avant son direct.

Il confirme la bonne ambiance qui règne entre les journalistes : « Nous avons de très bons contacts avec les collègues francophones, notamment ceux de la RTBF. On s’appelle et se contacte régulièrement pour écouter ce qui se dit de l’autre côté. »

Mais les problèmes de compréhension ne sont pas rares, selon le journaliste de la VRT. Quelques jours avant la conférence de presse avec la célèbre présentation Powerpoint, Bart Verhulst avait demandé aux porte-paroles s’ils étaient au courant que la VRT et VTM diffusaient les finales des séries flamandes Thuis et De Familie : « Sur antenne, je l’ai raconté sur le ton d’une blague : faut faire gaffe sinon on va peut-être interrompre les deux séries… »

La presse francophone avait alors repris l’info sérieusement en expliquant que le CNS durait aussi longtemps parce qu’on attendait la fin des épisodes ultra-populaires en Flandre…


►►► À lire aussi : « Thuis », la série flamande qui n’a pas retardé la fin du Conseil national de sécurité


Pour Bart Verhulst, cette mécompréhension vient peut-être de différences culturelles : « Ce qui était au départ une blague a été repris sérieusement. Je ne sais pas si c’est une question de langue ou si c’est parce qu’on n’a pas compris la blague… »

Recroiser les infos

Alors que la VRT est devant le « bunker », l’équipe de la RTBF attend au Palais d’Egmont, car ils prennent des images de la sortie des ministres après la réunion.

Le journaliste Laurent Henrard arrive rue ducale accompagné d’un caméraman. Selon lui, les échanges entre journalistes francophones et néerlandophones ont une plus-value : « Ils ont leurs sources flamandes, on a nos sources francophones. Ça permet de recroiser les informations comme : « de quoi discute-t-on ? », « où en est la réunion ? », « Vers quelle heure se tiendra la conférence de presse ? »… »

Lors de précédents CNS, le dossier des écoles posait énormément de questions entre les différents partenaires autour de la table : « On entendait des échos différents au nord et au sud. En recoupant, on arrive à savoir quels points bloquent encore. Tout le monde a un smartphone, ça va vite d’envoyer un petit sms… »

De l’autre côté du téléphone, on retrouve les dirigeants du gouvernement fédéral et des entités fédérées. Mais eux, quelles langues parlent-ils quand ils se réunissent ? « Je pense que tout le monde parle sa langue d’origine et tout le monde doit certainement se comprendre », imagine Laurent Henrard.

Nederlands, français, Deutsch or English ?

Et l’intuition du journaliste de la RTBF s’est avérée bonne. Lors de la conférence de presse, DaarDaar a posé une question atypique à la première ministre : « en quelles langues parlez-vous lors des réunions du Conseil national de sécurité ? Nederlands, Français, Deutsch or English ? »

Cette question a fait (sou)rire Sophie Wilmès et ses collègues : « Pas souvent en allemand, concède-t-elle. Tout le monde parle sa langue, mais parfois des francophones parlent néerlandais ou le contraire. Aujourd’hui, on a par exemple parlé anglais car on avait reçu un rapport dans cette langue. Mais nous nous comprenons bien ! »

Le ministre-président flamand Jan Jambon confirme : « On présume que tout le monde a des connaissances passives dans la langue de l’autre. » Lui, il parle en néerlandais : « mais si j’ai l’impression que ça n’a pas été très clair, je répète en français ».

En anglais pour le GEES

Les scientifiques écrivent leur rapport en anglais, comme le confirme le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet : « En général, tout le monde parle sa langue. Les experts de GEES rendent toujours leur rapport en anglais. Entre experts, c’est le meilleur d’avancer très vite et de communiquer. »

Le ministre de l’Intérieur Pieter De Crem avance une autre explication : « C’est peut-être parce qu’il y a beaucoup de terminologie anglaise et que les rapports sont aussi envoyés à l’étranger, cela facilite la communication. »

Le diplômé en philologie remarque aussi la présence de mots en « franglais » lors des réunions du CNS : « Après une interview dans les médias francophones, on m’a indiqué que l’équivalent français de tracing c’est « traçage ». Depuis ce moment-là, j’emploie le mot « traçage ». Avant de conclure: « Comme on dit à Bruxelles, on ne tire pas son plan, on se débrouille. »

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