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22·03·16

Crise migratoire: un accord pavé d’obstacles

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(c) Sikka

À ce jour, l’Europe n’a toujours pas mis en œuvre le moindre plan commun afin de sortir de la crise migratoire. Si cela marche aujourd’hui, on pourra parler de miracle. Car les obstacles sont légion.

Mise en œuvre: le mot pèse telle une malédiction sur tous les efforts qu’a entrepris l’Europe afin de maîtriser les flux migratoires. Des plans d’action ont été définis, des quotas de demandeurs d’asile ont été établis, des schémas de répartition ont été élaborés, mais tout cela s’est avéré difficile à mettre en pratique. Place à présent à la mère de tous les accords, qui vise à stopper l’immigration illégale au départ de la Turquie. Plus question d’échouer, martèle l’Europe. Sinon, il y aura encore plus de candidats à l’asile qui périront noyés ou qui se débattront dans la boue devant une frontière fermée. Mais les obstacles sont grands.

Les obstacles sont tellement grands que la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite et d’autres leaders ont exprimé leurs doutes quant à la faisabilité de l’accord turco-européen. La grande avancée réside dans la promesse faite par la Turquie de reprendre tous les réfugiés illégaux. Mais pour que ce plan puisse réussir, un travail logistique et juridique colossal devra être effectué.

Sur les îles grecques, c’est une mécanique bien huilée qui est nécessaire afin de veiller à ce que les réfugiés qui seront renvoyés le seront à juste titre. Des lois devront être adaptées. Il faudra par ailleurs mobiliser des centaines d’experts en matière d’asile, de fonctionnaires spécialisés dans la question des retours, d’interprètes et de travailleurs humanitaires, de même que des dizaines de juges.

Tout ceci devra qui plus est être réalisé sous la pression du temps puisque l’accord entre déjà en vigueur demain. Chaque nouvel immigrant illégal qui arrive sur les îles grecques sait qu’il sera renvoyé. Les retours effectifs débuteront le 4 avril. Il reste donc deux semaines pour mettre en place toute la machinerie administrative.

Un «énorme défi», entend-on dire dans les cercles allemands. Une expression d’autant moins usurpée que la majeure partie du travail devra être effectuée par la Grèce et la Turquie, qui traînent une réputation douteuse en matière d’exécution d’accords. Focus sur les difficultés.

Les îles grecques situées à proximité de la côte turque, comme Lesbos et Chios, accueillent en ce moment quelque 8 000 migrants. Ces îles devront tout d’abord être «vidées», ce qui implique que des milliers de personnes devront être transportées vers le continent dans les plus brefs délais. Un véritable tour de force logistique.

Les îles grecques feront office de terminus pour les réfugiés nouvellement arrivés. Des centres d’accueil seront aménagés, où ils pourront séjourner le temps que leur demande d’asile soit traitée, dans le cadre d’une procédure juridique accélérée. 10 000 réfugiés arrivent actuellement chaque semaine. Un afflux qui exige de grosses capacités d’accueil ainsi que d’importantes ressources humaines, à commencer par un nombre suffisant d’interprètes et de juges. Les autres États-membres de l’UE ont certes promis leur soutien, mais cela reste une mission incombant aux Grecs.

En vertu du droit international, toute demande d’asile doit être traitée individuellement et prévoir un droit d’appel. Selon les prévisions, les réfugiés s’entendront presque tous dire qu’ils doivent retourner en Turquie. Soit parce qu’ils seront considérés comme des migrants économiques, soit parce que, à l’image des Syriens, ils sont originaires de Turquie, où ils ont droit à une «protection temporaire». Le temps de traitement d’une demande sera de l’ordre de deux jours (entre cinq et dix jours en cas d’appel). Il n’est pas à exclure que la procédure juridique accélérée soit attaquée devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Les centres d’asile retiendront les réfugiés le temps que leur demande soit traitée. On parle ici de camps, avec des clôtures et des gardiens, ce qui est toujours un point sensible dans l’opinion publique. Le chancelier autrichien a beau dire qu’il n’y aura pas d’ «îles-prisons», cette image pourrait rapidement jaillir dans l’opinion.

Pour chaque Syrien récupéré par la Turquie, l’Europe accueillera sur son territoire un Syrien de Turquie. Les Syriens n’ayant pas entrepris de rejoindre la Grèce seront prioritaires. En vertu de décisions antérieures, l’UE a 72 000 places disponibles mais c’est précisément la répartition des réfugiés entre les États-membres qui a donné lieu à beaucoup de divisions.

Frans Timmermans de la Commission européenne attend davantage de bonne volonté afin que l’afflux incontrôlé soit remplacé par une immigration contrôlée. Faymann s’inscrit dans cette ligne: «Nous en prendrons 37 000 cette année, à condition qu’ils empruntent la voie légale». À terme, l’objectif est que les États-membres de l’UE accueillent même quelque 300 000 réfugiés de Turquie. Mais la collaboration reste volontaire et, partant, incertaine. D’après Angela Merkel, la Hongrie et la Slovaquie ne veulent pas jouer le jeu de ce mécanisme 1 : 1.

D’aucuns craignent que le flux de migrants se déplace vers d’autres itinéraires. La Bulgarie a peur pour sa frontière avec la Turquie et le nombre de personnes prêtes à risquer la traversée vers l’Italie depuis la Libye, par exemple, est de nouveau en augmentation.

Bruxelles reconnaît que l’accord conclu avec la Turquie ne remportera pas le premier prix de beauté. Il est «limite» sur le plan juridique et difficile à mettre en œuvre, mais il faut y voir une «mesure temporaire et exceptionnelle».

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