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12·02·19

Collaboration au régime nazi: les questions primordiales qu’il faut se poser aujourd’hui

Temps de lecture : 2 minutes Crédit photo :

Photo : cc Arminius

Bart Eeckhout
Auteur
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Le langage de la recherche scientifique abonde d’expressions galvaudées comme « innovant », « révolutionnaire » ou « fondateur», qu’il est prudent d’utiliser avec parcimonie. Et pourtant, « 1942 », l’ouvrage que consacre l’historien Herman Van Goethem à l’attitude des autorités communales anversoises pendant cette fameuse année de la Deuxième Guerre mondiale, mérite ces qualificatifs.

Le bourgmestre Leo Delwaide a activement facilité la persécution de la population juive de sa ville

S’appuyant sur un faisceau de preuves particulièrement solides, l’auteur démontre en effet que Leo Delwaide, bourgmestre catholique d’Anvers durant la Seconde Guerre mondiale, a activement facilité la persécution de la population juive de sa ville, et en particulier sa tranche la plus pauvre, la plus fragilisée. En outre, il aura fallu attendre 1942, année-charnière qui vit basculer la fortune des armes sur le front de l’Est, pour voir de nombreux édiles rallier « le bon côté de l’Histoire ».

Cette recherche nous confronte à plusieurs vérités qui dérangent. Ainsi, l’idée selon laquelle, pendant la guerre, de nombreux mandataires, contraints et forcés, n’auraient prêté à l’occupant nazi qu’une assistance passive ne résiste plus à l’analyse. Des personnalités de premier plan comme le bourgmestre d’Anvers ne se sont pas limitées à fournir le strict minimum des prestations requises.

Il serait bien plus intéressant de se demander si nos mandataires d’aujourd’hui se comporteraient autrement

La tentation est évidemment grande, au vu de ces nouveaux éléments, de basculer d’un extrême à l’autre et de dépeindre ces personnes comme de vulgaires criminels de guerre. Cette solution de facilité nous dispenserait de chercher la réponse à une question bien plus essentielle. En effet, la collaboration exposée dans cet ouvrage participe moins d’une conviction idéologique que d’un opportunisme ô combien humain. Alors plutôt que d’évaluer le degré de culpabilité d’un Léo Delwaide, il serait bien plus intéressant, d’un point de vue moral, de se demander si nos mandataires d’aujourd’hui se comporteraient autrement, voire mieux, s’ils étaient plongés dans les mêmes circonstances, privés d’informations sur l’issue ultérieure de la guerre.

Cela ne doit pas nous empêcher de soumettre la personnalité de Léo Delwaide à l’examen critique qu’elle mérite. Non sans conséquences, d’ailleurs, car le nom de ce personnage historique survit dans le paysage urbain. Très concrètement : faut-il ou non rebaptiser le bassin Delwaide ?

Est-il encore concevable de maintenir ce nom dans l’espace public ?

La question peut paraître futile, mais elle le sera surtout pour des personnes n’ayant pas eu à subir les mêmes souffrances que les victimes de guerre. Leo Delwaide senior a joué après la guerre un rôle important en tant qu’échevin du Port. C’est indiscutable. Mais il reste vrai que son nom est désormais entaché d’une accusation de collaboration à la persécution des juifs dans la plus grande ville de Flandre. Est-il encore concevable de maintenir ce nom dans l’espace public ?

Sur cette difficile question, il est essentiel d’être avant tout à l’écoute des représentants des victimes de la communauté juive. On imagine aisément que pour eux, ce nom est désormais associé à l’horreur nazie, irrémédiablement, et que tout hommage serait inconvenant. Nul doute, alors, qu’on trouvera dans la longue et riche histoire d’Anvers un autre personnage historique, à la fois important et entreprenant, dont le nom pourra convenir.

Un nom de femme, qui sait ?

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