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Christophe Colomb déboulonné : « la triste fin d’un héros »
22·10·20

Christophe Colomb déboulonné : « la triste fin d’un héros »

Joren Vermeersch est avocat et historien. Il travaille comme conseiller idéologique auprès de la N-VA et écrit ici en son propre nom. Sa chronique paraît le lundi une semaine sur deux.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Thomas Bresson via Flickr

Auteur⸱e
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Peu importe qu’on traîne Christophe Colomb dans la boue, il restera à jamais cher à mon coeur.

Enfant, les récits des grands explorateurs me fascinaient. Du portugais Vasco de Gama au Zélandais Abel Tasman, je les connaissais tous. Mais aucun ne titillait mon imagination autant que ce petit italien, ce Christophe Colomb. À bord de la Santa Maria, il avait mis le cap à l’Ouest, tout droit vers le couchant, à travers l’azur profond de l’Atlantique. À son départ de Palos de la Frontera, on le prenait pour un fou. Il faut bien avouer qu’il se lançait dans le pari du siècle, voire du millénaire – un pari qui s’est bien terminé. Après deux mois et dix jours d’une pénible navigation sur des flots déchaînés, il eut enfin connaissance d’une terre le 12 octobre 1492. Mais la verdure qui se profilait à l’horizon n’était pas l’Extrême-Orient, comme il l’avait espéré. C’était mieux que cela : c’était un « Nouveau Monde ».

La réalisation d’un rêve

L’aventure du voyage de Christophe Colomb vers les Amériques est l’histoire d’un véritable plongeon dans l’inconnu. L’histoire de la réalisation du rêve d’un homme porté par une curiosité insatiable et par une inébranlable confiance en soi.

Ces valeurs préludent parfaitement à la mentalité de pionnier qui caractérise les tout jeunes États-Unis. Dès la fondation de ce nouvel État, en 1776, Christophe Colomb accède au panthéon des grands esprits sans lesquels la jeune nation n’aurait pas existé, et ce dans l’enthousiasme général. Pas moins de 34 villes américaines, outre une longue liste d’institutions d’enseignement prestigieuses, portent son nom. Sa statue orne des jardins publics, des écoles et des hôtels de ville dans tout le pays. Une journée de congé national lui est d’ailleurs très officiellement dédiée : depuis 1792, les États-Unis fêtent le Columbus Day le deuxième mardi d’octobre.

Outrages sans précédent

Si passionnante que soit l’aventure de Christophe Colomb, l’adoration dont celui-ci faisait l’objet a subitement disparu cette année. Depuis la mort de George Floyd, aux États-Unis, plus rien n’est comme avant. Le mouvement Black Lives Matter a pris possession de la rue et exige une « décolonisation » totale de l’espace public. Aux yeux des activistes de BLM, Christophe Colomb symbolise les racines européennes – donc blanches – des États-Unis, et ils s’empressent de le tenir responsable de la destruction des civilisations indiennes. C’est évidemment stupide, puisqu’à son décès, en 1506, l’empire inca et l’empire aztèque brillaient encore de tous leurs feux. Mais depuis quand une révolution s’embarrasse-t-elle de faits ? Seul le rêve compte. C’est pour cela que le héros de mon enfance subit aujourd’hui des outrages sans précédent. Adieu le courageux explorateur ; désormais, il est présenté comme une canaille dénuée de conscience, qui n’a donc plus sa place aux États-Unis. Littéralement.

Furie iconoclaste

C’est sous les huées que les activistes BLM ont démonté cet été des statues de Christophe Colomb dans des villes comme Richmond, Saint Paul, Baltimore, Boston et Denver. Des scènes d’anarchie et de haine à vous glacer les sangs, évocatrices d’une page particulièrement sombre de notre propre histoire : la furie iconoclaste qui a touché la Flandre en 1517. À l’époque, les calvinistes détruisaient systématiquement les images pieuses sur lesquelles ils pouvaient mettre la main.

Même dans le camp démocrate, les maires et les gouverneurs se plient en quatre aujourd’hui pour débarrasser leurs collectivités de la moindre évocation de l’épouvantable Christophe Colomb. Dans 28 villes et États, depuis la Californie jusqu’à Chicago, certains élus ont décidé de le déboulonner de son socle et de rebaptiser – d’après une grille de lecture plus politiquement correcte – les rues et les écoles qui portaient son nom. Dans le monde des êtres purs dont rêve la gauche, en Amérique, on n’est jamais assez pur.

Véritables chefs-d’œuvre disparus

L’Amérique étant l’Amérique, bon nombre des oeuvres condamnées à disparaître étaient kitschissimes. D’autres, cependant, étaient de véritables chefs-d’œuvre de style Art-Déco et Belle-Époque. Sur Rhode Island, à Providence, c’est une des statues les plus célèbres du pays qui a disparu, à la grande consternation des amateurs d’art :  « Columbus pointing West » (1893), un remarquable bronze de l’homme qui, dix ans plus tôt, avait conçu la statue de la Liberté : Frédéric Auguste Bartholdi. En Californie, les démocrates sont allés encore plus loin. À l’intérieur du capitole de Sacramento, le gouverneur Gavin Newsom a ordonné l’enlèvement d’un groupe de statues en marbre qui fait partie des sommets du classicisme en matière de sculpture aux États-Unis : « Columbus’ last appeal to queen Isabella » de Larkin Goldsmith Mead (1883).

C’est l’Amérique, aujourd’hui, qui vit sa propre « révolution culturelle ». Et comme la Chine maoïste d’hier, elle sacrifie son patrimoine culturel.

Vu d’Europe, cet aveuglement idéologique ne peut que susciter un soupir apitoyé. Le Nouveau Monde découvert par Christophe Colomb semble tombé sous la coupe de fanatiques, comme si les tenants d’un mouvement réformiste voulaient y créer un « Brave new world » sur les cendres de l’ancien. Dans leur fureur de faire bien, ils fracassent le beau, croyant nécessaire de brûler ces personnages si emblématiques, tels Christophe Colomb, qu’ils ont jadis adoré. C’est une bien triste fin pour l’héroïque mari. Et imméritée.

Peu importe qu’on le traîne dans la boue dans cette Amérique à la dérive, Christophe Colomb restera à jamais cher à mon coeur. Ce petit italien est le symbole de tout ce qui fait la grandeur de notre civilisation occidentale : une soif insatiable de connaissances, un désir inextinguible d’inconnu.

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