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20·08·15

Bart De Wever ou la folie des grandeurs

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Quand le culte de l’empereur devient embarrassant (cc) Wikipedia

Karin Dedecker
Auteur⸱e
DaarDaar
Traducteur⸱trice DaarDaar

Bart De Wever voit ce qui échappe aux autres : des similitudes entre son auguste personne et l’empereur du même nom. Et cela devient un peu gênant.

Bien sûr, Bart De Wever est anversois et les habitants de la « Ville des biscuits » peuvent suivre tous les régimes qu’ils veulent, ils auront toujours les chevilles qui enflent. Mais même pour un Anversois, Bart De Wever a fait très fort, dans une déclaration accordée au quotidien De Tijd pour son édition du week-end. « On pourrait établir certains parallèles avec ma situation personnelle » a-t-il déclaré au journal. Le président de la N-VA évoquait-il un confrère chef de parti, un autre « mauvais élève » parlementaire ou une personnalité tournée vers la politique ? Absolument pas : Bart De Wever parlait d’Octave Auguste, fils (adoptif) du divin César, empereur des légions et fondateur de l’empire romain. Rien de moins.

Bart De Wever se couvre cependant. Il précise qu’il faut se méfier de l’idolâtrie. Que même les hommes d’État romains passaient une petite tunique le matin, sous leur majestueuse toge. Qu’Auguste lui-même avait ses petits côtés. Mais, au bout du compte, Bart De Wever distingue tout de même de nombreuses similitudes entre le premier empereur de Rome et lui-même. Bart De Wever constate qu’il a été lui aussi un chef politique dès son jeune âge. Qu’il est lui aussi un ténor en matière de propagande et de culte de soi. Qu’il néglige lui aussi ses enfants. Bart De Wever ne va tout de même pas jusqu’à prétendre que sa bonne vieille maman immaculée se soit retrouvée enceinte par Apollon transformé en serpent, mais nous n’en sommes pas très loin. Si ceux qui se prennent pour Napoléon se font interner en maison de repos et deviennent l’archétype du fou, on notera que ceux qui se prennent pour l’empereur Auguste bénéficient, eux, d’une pleine page dans De Tijd, dans la rubrique Politique & Économie.

Il y a certes des circonstances atténuantes. À Bruxelles, la rue de la Loi sommeille encore dans sa torpeur estivale. De plus, Bart De Wever se rend en Italie cette année, où la grandeur du paysage, le climat et le bon vin conspirent depuis des années pour griser les tenants du Nord. Il faut dire que l’approche du quotidien De Tijd est assez maladroite : demander aux responsables politiques de nommer leurs héros relève un peu de la provocation. Dans la plupart des cas, on découvrira une vénération poignante évoquant plutôt des écoliers amoureux ou présomptueux. Les sagas de l’été ne sont que noircissage de papier, écrit Kaaiman[1], et Kaaiman a toujours raison. Il n’empêche que Bart De Wever va plus loin, et sans se faire prier : il distingue aussitôt des similitudes avec ses propres divinités. Le président de la N-VA est d’ailleurs un récidiviste en la matière : il y a un an environ, Bart De Wever publiait déjà, de sa propre initiative, un article personnel dans le journal De Tijd à l’occasion du 2 000e anniversaire de la mort d’Auguste, louant son illustre prédécesseur comme le patriarche de la société occidentale. Il est déjà assez embarrassant de se voir comparer aux hommes illustres, mais lorsque l’on est soi-même l’auteur de la comparaison, cela devient franchement gênant.

Bart De Wever a bien entendu le droit, comme tout un chacun, d’avoir ses petites coquetteries. La valeur historique de Bart De Wever sera sans doute considérable pour l’intérêt flamand et nous sommes sans aucun doute encore incapables de cerner toute l’étendue de son importance dans l’histoire politique, mais en sa qualité de prétendu génie de la communication, il faut bien dire que le président de la N-VA a raté le coche. Et nous serions en droit de nous demander si son entourage immédiat compte suffisamment de personnes capables de redresser le cap, si le président menace de se donner un peu trop en spectacle… Espérons qu’il s’en trouve suffisamment et qu’ils étaient tous en voyage, car il serait fâcheux que les copilotes de la N-VA voient réellement dans leur chef un Auguste flamand. Si le premier empereur de Rome a pu jouer les despotes durant 41 ans et mourir dans son lit, c’est sans doute une fin beaucoup plus rapide et moins glorieuse qui attend Bart De Wever s’il sombre dans la folie des grandeurs.

[1] Kaaiman : billet d’humeur du journaliste Koen Meulenaere dans De Tijd

Article en V.O. sur Doorbraak

Traduit du néerlandais par Daardaar

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