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18·07·16

Attentats de Nice: gardons la tête froide

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(c) Frank Owen

Juste au moment où le pays s’apprêtait à lever l’état d’urgence décrété après les attentats de Paris, voilà la France à nouveau frappée par une attaque meurtrière. Le jour de sa Fête nationale. « Cette attaque risque de marquer un dangereux tournant de notre histoire en attisant une colère aveugle. »

Même François Hollande semble en perdre son discernement. Dans le sillage immédiat des attentats de Nice, où 84 personnes ont trouvé la mort sur la Promenade des Anglais, sauvagement fauchées par un homme en camion alors qu’elles étaient venues admirer le feu d’artifice, le chef de l’État annonçait « un renforcement des actions militaires en Syrie et en Irak pour traquer les terroristes musulmans. »

On remarque aussi dans d’autres réactions que les habituels appels au recueillement ont fait cette fois plus vite place aux demandes de représailles. « Beaucoup en appellent à la vengeance, mais envers qui cette vengeance doit-elle être exercée exactement ? » se demande le psychologue néerlandais Jaap Van Ginneken, résident français. Car si l’État islamique fait partie des possibles instigateurs de l’attaque, il peut aussi y avoir d’autres hypothèses.

Le premier ministre Manuel Valls a déclaré qu’il s’agissait d’un terroriste ayant certainement des liens avec l’islam radical. « L’auteur n’est pourtant pas connu des services de renseignements comme djihadiste, n’est jamais allé à la mosquée et ne faisait pas le ramadan », précise Jaap Van Ginneken. « Il était en revanche divorcé, croulait sous les dettes et avait été condamné pour des faits de violence. Il était donc peut-être ‘simplement’ suicidaire et voulait, comme cela arrive souvent, emporter avec lui le plus de monde possible. Mais en dépit de cette éventualité, tous dénoncent les fondamentalistes musulmans. »

Le sociologue Mark Elchardus (VUB) partage l’avis de son confrère. «Le discours de haine reste habituellement circonscrit à certains milieux. Aujourd’hui, on le retrouve auprès d’une tranche plus large de la population. C’est pour moi terriblement dangereux, car cela risque d’exacerber les tensions entre les musulmans et les non-musulmans. »

Gardons la tête froide

Dangereux, mais pas étonnant, analysent à l’unisson les deux universitaires. « Le contexte social et les circonstances de l’attentat indiquent à quel point cette attaque risque de marquer un dangereux tournant de notre histoire en attisant une colère aveugle », affirme le sociologue. « En plus de l’intensification du terrorisme islamiste, cela fait plus de dix ans que les musulmans et les non-musulmans s’éloignent les uns des autres et que l’on observe une radicalisation croissante des deux côtés. »

Nous sommes plus que jamais exposés à des attentats qui peuvent surgir de partout, au nom d’une variante extrémiste de l’islam. La France en sait quelque chose : les attentats de Paris ont démontré que des innocents, qu’ils soient spectateurs d’un concert ou clients d’un restaurant, n’étaient plus à l’abri des attaques de l’EI. Et voilà aujourd’hui que le pays qui a organisé l’Euro de football, et qui a pris dans ce cadre des mesures de sécurité sans précédent pendant plusieurs semaines, tombe avec facilité dans un discours de guerre.

Le risque que cela se reproduise n’est en rien négligeable. Elchardus : «Le monde politique doit faire deux choses : prendre encore plus de mesure de sécurité, comme instaurer des contrôles des personnes qui louent des poids lourds, et en appeler la population à garder la tête froide. »

Loup solitaire

Les circonstances particulières de cet acte de barbarie sont elles-aussi de nature à susciter plus que jamais la colère. « Beaucoup d’enfants et de nombreux vacanciers, venus passer du bon temps sur la côte pour y célébrer les principes de liberté et d’égalité, des valeurs justement honnies par les djihadistes, font partie des victimes. Et puis, il y a aussi la banalité de l’arme utilisée : un camion que n’importe qui peut louer en quelques minutes. Autant d’éléments qui attisent un peu plus le sentiment de peur et de colère. »

Si l’enquête vient à démontrer que l’auteur a agi au nom de la religion, mais qu’il l’a fait en loup solitaire, le sentiment d’hostilité risque de s’intensifier. « Car cela indiquerait qu’il n’existe pas à un seul ennemi désigné, mais que le terroriste djihadiste est omniprésent. On en viendra bientôt à craindre qu’ils empoisonnent l’eau du robinet », affirme Elchardus.

Selon Jaap Van Ginniken, nous devons donc prendre conscience du caractère biaisé de notre perception du risque. « Notre cerveau et les médias amplifient à l’extrême ce danger, qui reste pourtant très exceptionnel. Entre crises d’angoisse et accès de colère, nous devons vraiment garder à l’esprit que le risque qui nous menace reste infime. »

 

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