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13·08·15

Le lien entre abattage rituel et séparatisme flamand

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Source: rgbstock

Tine Peeters
Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Aussi absurde que cela puisse paraître, il existe un lien direct entre l’interdiction totale d’abattre des moutons sans étourdissement et la volonté de créer un État flamand. Pour la N-VA, cette interdiction est une occasion de démontrer de quoi serait capable un tel État. Du moins, jusqu’à ce que le ministre s’attire les foudres de la communauté juive.

Ben Weyts, flamingant invétéré, est également un grand ami des bêtes devant l’éternel. C’est d’ailleurs à cause de cette détermination que le ministre a mis tant de temps à évaluer à sa juste mesure l’impact de son interdiction radicale de l’abattage sans étourdissement. En septembre 2014, M. Weyts avait refusé que soient créés des abattoirs provisoires à l’occasion de la fête du sacrifice. Il a fallu attendre les protestations vigoureuses de la communauté musulmane pour que le ministre consente à accorder une période de transition. D’un an dans un premier temps, puis de deux ans.

Il a toutefois compensé cet assouplissement en prévoyant, après ces deux années de transition, l’interdiction totale de l’abattage sans étourdissement. Cette décision déclencha non seulement la colère des musulmans, mais également la désapprobation de ses partenaires de coalition et de la communauté juive. En effet, les juifs, même s’ils abattent leurs bœufs dans des abattoirs permanents, ne les étourdissent pas au préalable.

La N-VA a tenté de faire passer cette proposition en mai au sein du gouvernement flamand, mais elle s’est heurtée à un refus catégorique du CD&V et de l’Open VLD. Ce désaveu n’a pas empêché M. Weyts d’exprimer publiquement sa plus intime conviction, à savoir qu’une interdiction totale est indispensable.

Ce sont les réactions déchaînées de la communauté juive (anversoise) qui ont fait plier le ministre. Il a fait acter qu’il n’y aurait pas d’interdiction totale au cours de cette législature-ci, arguant que les esprits ne sont pas encore mûrs. Cet apaisement n’a rien d’étonnant de la part de la N VA, qui entretient d’excellentes relations avec la communauté juive dans la ville portuaire.

Ben Weyts s’est également expliqué hier matin avec Michael Freilich, rédacteur en chef de Joods Actueel qui, dans les pages du quotidien De Standaard, s’en était pris violemment à l’interdiction totale de l’abattage sans étourdissement. Le ministre prétend mordicus que cette conversation téléphonique n’a pas été téléguidée par le bourgmestre d’Anvers et président de la N-VA Bart De Wever. « Je suis assez grand pour savoir jusqu’où je peux aller », plaisante-t-il.

La Flandre pionnière

Que voulait prouver la N-VA en entreprenant sa croisade contre l’abattage sans étourdissement ? Il faut savoir que le bien-être des animaux est l’une des compétences régionalisées par la sixième réforme de l’État. Au cours des négociations sur l’accord de gouvernement, Ben Weyts ne voulait pas qu’on laisse le bien-être animal s’étioler dans un coin, raison pour laquelle il a fait des pieds et des mains pour que cette compétence soit indépendante de l’agriculture. Les nationalistes flamands entendent ainsi démontrer par toutes sortes d’initiatives dans ce domaine restreint que la Flandre peut faire la différence par rapport au gouvernement fédéral. « Onkelinx avait la compétence du bien-être animal, mais pas un chat n’était au courant », déplore Ben Weyts. « La Flandre doit jouer un rôle de pionnier en Europe en matière de bien-être animal. »

Cette sensibilité pour la cause animale trouve également ses racines dans l’histoire du parti. Certains membres de la N-VA, principalement du côté de l’ex-Volksunie, parti dont descend la N-VA, sont plus sensibles aux thèmes environnementaux. En 2012, Flor Van Noppen, député fédéral aujourd’hui décédé, avait introduit une proposition de loi similaire au Parlement fédéral. L’interdiction souhaitée par Ben Weyts permet également au parti de montrer qu’il prend ses responsabilités une fois au pouvoir.

M. Weyts, qui se prévaut d’être un « légaliste », aime à se référer aux directives européennes et à l’avis du Conseil d’État. Par contre, ce que le ministre oublie de dire, c’est que ces directives et avis ne concernent que les abattoirs provisoires et qu’ils ne se prononcent pas sur une interdiction totale de l’abattage sans étourdissement.
La N-VA se veut plus extrême que l’Europe, et c’est d’ailleurs ce qui caractérise (une fois de plus) l’homme et son parti. La N-VA reproche aux partis de gauche de manquer de courage : au lieu de plaider clairement en faveur de cette interdiction, ceux-ci préféreraient ménager leur électorat musulman. En s’engageant sans réserve sur cette voie, les nationalistes flamands ont l’occasion de démontrer l’étendue de leur dynamisme et de leur indépendance. Ben Weyts se sent aussi soutenu par une étude de Gaia, selon laquelle neuf Flamands sur dix sont défavorables à l’abattage sans étourdissement.

Une voix humaine pour les animaux

Ces raisons électoralistes et stratégiques n’expliquent pas tout. C’est également, pour Ben Weyts, une question d’affinités personnelles. En effet, le ministre aime vraiment les animaux. Au départ, le portefeuille du bien-être animal ne lui était pas destiné, mais il l’a réclamé personnellement. Il se rend aussi avec grand plaisir aux événements d’associations de défense des animaux pour y prononcer des discours. Tout ce qui concerne les animaux dans le programme de son parti a été rédigé de sa main. Il le dit lui-même : « Il est quand même de notre devoir d’empêcher la souffrance animale, non ? Je ne fais jamais que défendre ceux qui n’ont pas de voix humaine. »

Tine Peeters

Traduit du néerlandais par Fabrice Claes

L’article original en V.O. sur DeMorgen.be

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