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10·08·16

Theo Francken et l’illusion sécuritaire

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc)

Theo Francken est un volontariste. Un homme de bonne volonté. Dans la lutte contre l’immigration clandestine, il n’a pas de leçons à recevoir. Mais tout comme il lui arrive de déraper verbalement, son hyperactivité le conduit parfois à agir sans réfléchir. La réaction de Francken à l’attentat terroriste de Charleroi était encore plus prévisible que l’or olympique remporté par Michael Phelps : doubler la capacité des centres fermés pour se donner la possibilité d’enfermer les immigrés clandestins refoulés tels que Babouri dans l’attente de… mais de quoi, au juste ? D’un retour forcé qui n’arrivera pas ? Car l’Algérie ne souhaite pas reprendre ses propres ressortissants.

 
Enfermer davantage d’immigrés clandestins refoulés ? Les coûts sont colossaux et le retour sur investissement n’est pas garanti. Surtout, cela ne rend pas notre pays plus sûr. Tout au plus la proposition de Francken crée-t-elle l’illusion d’un tour de vis sécuritaire. Comme si tous les immigrés clandestins étaient des terroristes potentiels. Et comme si l’on pouvait tous les mettre derrière les barreaux en attendant de les rapatrier. Les choses ne fonctionnent pas ainsi, malheureusement. À quelques dizaines de milliers près, nous ne savons même pas précisément combien d’immigrés clandestins séjournent sur notre territoire. Quel intérêt, dès lors, à créer quelques centaines de places supplémentaires ? Le gouvernement Michel semblait pourtant guéri de cette tendance à légiférer à tout-va aussi onéreuse qu’inutile. Le Premier ministre lui-même, mais surtout le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, et celui de la Justice, Koen Geens, ont cessé depuis longtemps d’entretenir l’illusion selon laquelle le terrorisme peut être évité. Même le fait de renoncer à nos libertés et à notre vie privée — ce qui n’a pas été le cas — ne pèse pas dans la balance. Un sang-froid et une honnêteté qui les honore.

 
Une politique antiterroriste sérieuse ne doit pas se focaliser sur le lieu, le moment, l’arme et l’objectif du dernier attentat en date. Ni même sur le profil de son auteur. Car pourquoi se concentrer sur les immigrés clandestins refoulés alors que l’auteur aurait tout aussi bien pu être un réfugié fraîchement arrivé qu’un jeune allochtone de la troisième génération, un Tchétchène qu’un Algérien ? Quel sens y a-t-il à barrer toutes les rues accueillant des festivités par des blocs de béton pour éviter une répétition de Nice à Gand, à Zele ou à Zolder ? Quelle utilité y a-t-il à redoubler de vigilance le 21 juillet parce qu’un attentat a été commis le 14 ? Faut-il contrôler les locations de camions et les ventes de machettes parce qu’un seul fou furieux musulman les a utilisés comme armes ? Faut-il spécifiquement renforcer la protection des policiers alors que le terroriste moyen est tout sauf sélectif quant au sexe, à la profession et même aux croyances de ses victimes ? Un gouvernement qui croit qu’il peut anticiper ces actes et y riposter se ment à lui-même et trompe ses électeurs. Il cherche à se (et à nous) convaincre qu’il est possible de répondre au terrorisme d’une manière à ce point ciblée qu’elle permet de ramener le risque à zéro, pour ainsi dire ? C’est prendre ses désirs pour des réalités. En fait, c’est se mettre un bandeau sur les yeux. C’est naïvement s’en remettre à son ouïe alors que le coup de poignard arrivera par derrière.

 
Imaginons qu’à la prise de fonction de Theo Francken, la capacité des centres de rétention ait été cinq fois plus importante qu’aujourd’hui. Khaled Babouri y aurait-il été enfermé ? Non. Et même s’il l’avait été, il aurait été relâché après moins d’un an et serait retombé dans l’anonymat de la clandestinité. Alors, certes, tous les Babouri sont de trop. Mais que l’on ne vienne pas bercer les citoyens par l’illusion sécuritaire tant que, dans les rues de Verviers et bien au-delà, vagabondent des hordes d’adolescents animés de haine et de ressentiment, encore et toujours au nom d’Allah.

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