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10·05·16

Et si De Wever prenait exemple sur son ministre-président?

Dave Sinardet, professeur en science politique connu des deux côtés de la frontière linguistique, vous propose en exclusivité sa sélection d’articles de la presse flamande sur DaarDaar, dans le cadre de notre campagne de crowdfunding.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

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La vraie information, celle qui fait réfléchir, ne figure pas toujours en une des journaux, ni dans les articles les plus ronflants. Parfois, elle se dissimule au détour de trois phrases rédigées simplement dans un coin du journal. Par exemple, on a pu lire 20 juin 2015 que la veille, le bourgmestre anversois Bart De Wever avait participé à la rupture du jeûne islamique dans la salle De Roma à Borgerhout, répondant ainsi à une invitation de l’Association pour le développement et l’émancipation des musulmans. Il y avait été remarqué par un journaliste de la Gazet van Antwerpen présent ce soir-là. Dans son compte-rendu, publié en page 35, dans les informations régionales, se trouve un bref passage qui en dit plus long sur le président de la N-VA que tous les articles les plus savants relatifs à sa personnalité et à son idéologie : « Le bourgmestre Bart De Wever était également de la partie. Ne sachant pas qu’un journaliste serait présent, il a préféré ne pas réagir. »

Réfléchissez bien à ce court extrait. Il nous apprend que si le bourgmestre d’Anvers ne peut pas décliner une invitation à partager l’Iftar, ses électeurs ne doivent pas forcément le savoir. Voilà qui éclaire d’une autre lumière les sorties de Bart De Wever au sujet des cours sur l’islam dans l’enseignement catholique flamand : la perte de « l’âme » de nos collèges l’importe finalement moins que sa volonté de montrer à ses électeurs qu’il refuse de chouchouter les musulmans.

Un discours historique

Un mois plus tard à peine, Geert Bourgeois, ministre-président flamand, a prouvé qu’une autre approche était possible, et que des pontes de la N-VA pouvaient faire preuve de courage politique en ne se laissant pas emporter par le courant islamophobe. Le 11 juillet 2015, le ministre-président avait aussi été invité à rompre le jeûne islamique. Plutôt que de fuir les journalistes, il a sauté sur l’occasion pour prononcer un discours historique. Bourgeois a retracé les nombreuses contributions apportées par les musulmans à notre société au fil du temps. Les immigrés d’il y a cinquante ans, a-t-il expliqué, « ont participé au développement du bien-être de la Flandre d’après-guerre. Cinquante ans plus tard, les musulmans flamands sont actifs dans tous les segments de la société. En d’autres termes, les musulmans font partie intégrante de notre nation flamande. Le 11 juillet est donc votre fête également. »

La voilà, la grande différence entre De Wever et Bourgeois : là où le premier est passé du statut d’intellectuel exalté à celui d’opportuniste chasseur de voix (un peu à l’instar de Rik Torfs, ancien intellectuel libre devenu militant de la cause catholique), le second a maintenu le cap d’un nationalisme flamand irréprochable et inclusif. De Wever sait comment remporter des élections, Bourgeois se comporte en homme d’État et sait que parfois, un homme d’État doit naviguer à contre-courant de sa propre base électorale. C’est ainsi qu’en janvier, il n’avait pas hésité à demander, à l’occasion de la réception de Nouvel An du Vlaamse Volksbeweging, le mouvement nationaliste flamand : « Le mouvement flamand n’a-t-il pas négligé de tendre la main aux nouveaux arrivants ? »

Ce n’est pas la première fois que Bart De Wever a maille à partir avec une communauté présente dans sa ville. Tout le monde se souvient de sa diatribe contre le bourgmestre de l’époque, le socialiste Patrick Janssens, qui s’était excusé au nom de la Ville pour l’aide fournie par la police anversoise dans la déportation de citoyens juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale. De Wever avait qualifié ces excuses de « gratuites », ce qui lui avait valu de sévères critiques. Il fut forcé de présenter des excuses à son tour, ce qu’il a vécu comme une humiliation, comme l’a rappelé il y a peu Michaël Freilich, le directeur du magazine Joods Actueel, dans une interview accordée à notre journal. Aujourd’hui, De Wever est le meilleur ami de la communauté juive. Il y a donc encore de l’espoir.

À propos, dans cette même interview, Freilich s’était montré très critique à l’égard d’écoles ultra-orthodoxes dont sortent encore trop d’enfants « ne disposant pas des bonnes connaissances ». Il faut savoir que les Juifs ultra-orthodoxes d’Anvers envoient les garçons et les filles dans des écoles séparées, où l’éducation sexuelle et la théorie de l’évolution ne sont pas au programme. Question : De Wever osera-t-il s’en indigner avec la même véhémence que celle dont il a fait preuve pour fustiger l’enseignement catholique cette semaine ?

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