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11·07·15

Le grand cirque du 11 juillet

Temps de lecture : 3 minutes
Micheline Goche
Traducteur⸱trice Micheline Goche

Selon Bart Maddens, le 11 juillet n’est pas un jour de fête nationale et est loin de l’être. La date ne serait même plus un jour de lutte nationaliste, depuis qu’il a été officialisé et donc bâillonné.

Je me suis souvent fait cette réflexion : dommage que les Flamands n’aient pas livré leur bataille de 1302 un mois plus tôt. La fête flamande tomberait alors le 11 juin et son impact social serait bien plus grand. En effet, ce serait un jour de congé scolaire supplémentaire, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour les parents et les enfants. Car il faut bien dire qu’aujourd’hui, on remarque à peine que le 11 juillet est un jour férié. Les écoles sont de toute façon fermées. Les magasins sont ouverts. Beaucoup de gens travaillent normalement, pour autant qu’ils ne soient pas en vacances. Dans le meilleur des cas, un ou deux flashs radio ou TV de rigueur rappellent à l’homme de la rue de quoi il s’agit. Le 11 juillet fait donc plutôt partie de ces journées étranges qui passent généralement inaperçues : la journée de la femme, la journée de la terre, la journée de l’enfant, la journée de l’Europe, la journée de la liberté de la presse, et donc le 11 juillet, la journée des Flamands.

Il faudrait pourtant que les nationalistes flamands profitent de la position de force inédite qu’ils occupent dans le gouvernement fédéral pour faire du 11 juillet un jour férié légal.

Il faudrait pourtant que les nationalistes flamands profitent de la position de force inédite qu’ils occupent dans le gouvernement fédéral pour faire du 11 juillet un jour férié légal. Mais alors immédiatement, l’alarme gouvernementale se déclencherait au Conseil des ministres et les partenaires de la coalition brandiraient aussitôt leur pancarte : « Interdiction d’aborder les thèmes communautaires ».

Jusqu’à nouvel ordre, le 11 juillet n’est donc pas un véritable jour férié, et encore moins un jour national. Certains disent qu’on joue à faire la fête nationale. Le président du Parlement flamand, qui tient un discours « national » à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, et le ministre-président, qui reçoit les ambassadeurs à l’Hôtel Errera, pourraient croire, l’espace d’une allocution, qu’ils sont le chef d’un état indépendant. En réalité, le 11 juillet est surtout la preuve que la Flandre d’aujourd’hui se situe encore à des années-lumière de son indépendance.

Il faut aussi reconnaître que le 11 juillet n’est plus le véritable jour de lutte nationaliste flamand qu’il a été. Depuis 1973, il a pris un caractère officiel, ce qui a en quelque sorte muselé la Fête des Éperons d’Or. Cette officialisation a servi d’argument pour réduire les orateurs flamingants au silence. Car le 11 juillet doit être un jour de fête pour tous les Flamands et non pour les seuls flamingants. Il y a deux ans, le quotidien De Morgen (8 juillet 2013) s’était dit scandalisé de voir figurer quelques flamingants radicaux sur la liste officielle des orateurs de l’asbl Vlaanderen Feest ! Il y avait même certains séparatistes, figurez-vous. Deux jours plus tard, le bourgmestre de Courtrai, Vincent Van Quickenborne, semblait se ranger à cet avis : dans le Standaard du 10 juillet 2013, il se réjouissait de l’absence de « message politique séparatiste dirigé contre la Belgique » au cours de la cérémonie du souvenir au monument Groeninge. Ce niveau (de pouvoir) aurait encore « une valeur ajoutée ».

J’avais alors osé traiter la Belgique de « dépotoir institutionnel », et cela avait choqué.

Le discours que j’ai prononcé à Courtrai, le 10 juillet 2010, leur est resté longtemps sur l’estomac. J’avais alors osé traiter la Belgique de « dépotoir institutionnel », et cela avait choqué. Le ministre-président Kris Peeters n’avait pas apprécié le fait que j’aie été plus applaudi que lui. Il prit sa revanche en refusant de prendre la parole au monument Groeninge les années suivantes. Et pourtant, recueillir un succès plus grand que le ministre-président lors de la célébration du 11 juillet peut difficilement être considéré comme une performance exceptionnelle. Car, hormis les « hauts dignitaires », le public se compose quasi exclusivement de flamingants radicaux qui, bien entendu, accueillent avec plus d’enthousiasme des propos résolument flamingants que le discours plus prudent d’un ministre-président.

Et c’est là que réside le problème. Le 11 juillet, les flamingants font surtout de la figuration, ils servent à remplir la salle ou la place de rassemblement. Mais ils n’entendent plus ce qu’ils sont venus entendre : un langage flamingant radical. Car, sachez-le bien, le 11 juillet est la fête de tous les Flamands et non celle des seuls flamingants. Mais ces « autres » Flamands ne se manifestent pas. Tandis que les flamingants ont perdu leur jour de lutte nationaliste. Tel est le paradoxe dans lequel le 11 juillet est enfermé.

Peut-être ne faut-il pas accorder trop d’importance à toutes les tracasseries qui entourent le 11 juillet. Nous ferions sans doute mieux de consacrer un peu plus d’énergie à l’organisation de célébrations radicales non officielles de cette journée. Des cérémonies qui correspondraient bien mieux à l’esprit des fêtes des Éperons d’Or originales : ne pas feindre de croire que la Flandre a déjà un véritable jour de fête nationale, mais se battre pour atteindre cet objectif.

Bart Maddens

L’article en V.O. sur le site du Doorbraak

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Traduit du néerlandais par Micheline Goche et Guillaume Deneufbourg

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