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20·01·17

La supériorité de la race blanche, un concept de droite comme de gauche

Bleri Lleshi est philosophe politique et auteur notamment de « L’État néolibéral de la répression », EPO, 2014, et du best-seller « L’amour par temps de peur ». Son nouveau livre intitulé « Inaya. Lettre à mon enfant » sortira prochainement. Vous retrouverez ici son blog ainsi que ses pages Facebook et Twitter.

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

(c) Wikipedia

Auteur⸱e , et
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

La tendance en pleine progression érigeant les propos politiquement incorrects contre les personnes issues de l’immigration au rang de norme est souvent accrochée à l’idée que les valeurs européennes s’inscrivant dans la tradition judéo-chrétienne seraient supérieures. « En attendant, des réfugiés meurent pendant leur voyage vers l’Europe ou dans des camps de tentes glacials sur le sol européen. Comment concilier cela avec nos formidables valeurs européennes ? » Dans sa chronique, Bleri Lleshi en appelle à la véritable humanité en lieu et place des rodomontades incohérentes sur la supériorité européenne. 

Cela fait des siècles que les pays européens font le tour du monde afin d’apporter la « civilisation ». Que nous sommes convaincus que nous symbolisons la « race supérieure ». Jusqu’il n’y a pas si longtemps, notre supériorité était diffusée avec les méthodes les plus racistes et colonialistes via les atlas, les livres d’histoire, les livres scolaires, les romans et les bandes dessinées. Et lorsque tout le concept de « race » s’est retrouvé sous le feu des critiques, le discours a changé mais le fond, lui, est resté le même : nous étions et demeurons supérieurs. 

Supériorité de la race blanche 

Certains prennent cette supériorité au pied de la lettre et restent englués dans le vieux « discours racial ». C’est le cas notamment des partis d’extrême-droite et des personnes qui ne veulent pas entendre parler de science ou d’histoire, convaincus qu’ils sont que l’homme blanc trône tout en haut de la hiérarchie de l’humanité dans son ensemble. 

Les Européens incarnant la droite conservatrice sont davantage au fait de l’histoire et ne veulent pas s’abaisser en débitant les mêmes platitudes que l’extrême-droite, mais eux aussi souscrivent à cette idée de la supériorité de la race blanche. Toutes les couleurs, cultures, traditions et religions non-européennes sont discriminées. Tandis que les partis de droite extrême se contentent de critiquer tout cela, sans autre forme de procès, les conservateurs de droite formulent des arguments qui s’inscrivent dans une interprétation très sélective et unilatérale de l’histoire. Ils mettent tout en œuvre afin de populariser leurs « arguments » et leurs efforts sont largement couronnés de succès dès lors qu’ils détiennent pouvoir et capital. 

Les conservateurs de droite sont des gens qui ont une mission : montrer au reste de la société la supériorité de la race et des valeurs blanches et européennes.

Les conservateurs de droite sont des gens qui ont une mission : montrer au reste de la société la supériorité de la race et des valeurs blanches et européennes. Les personnes issues de l’immigration qui parviennent à s’adapter pourront goûter à cette civilisation. Le mot « goûter » est ici employé délibérément car jamais ces personnes ne pourront égaler le niveau de l’Européen blanc conservateur de droite. 

Les conservateurs de droite sont également très enclins à utiliser la religion (de préférence le christianisme mais parfois également le judaïsme) pour « démontrer » et diffuser cette supériorité. L’Europe repose sur des fondations judéo-chrétiennes, entendons-nous dire. Et sans nous en rendre compte, nous traçons alors une ligne de démarcation entre nos religions et convictions et celles des autres. Chaque personne crédule se laisse abuser par la machine propagandiste de l’élite conservatrice de droite et adhère à la pensée antagoniste « nous – eux », où nous sommes supérieurs alors qu’eux incarnent l’étranger et l’ennemi. 

Cette vision du monde articulée autour de cet antagonisme « nous – eux » est tout aussi fortement enracinée dans les milieux athées. Déjà, les personnes qui prétendent qu’elles ne croient en rien sont convaincues qu’elles sont supérieures aux croyants et aux non-Européens. Ces personnes-là sont les fils et les filles des Lumières. Des libres penseurs affranchis des dogmes médiévaux et qui portent les valeurs des Lumières. À l’instar de l’élite de la droite conservatrice, une partie de ces esprits éclairés a également pour mission de montrer au monde qu’elle constitue bel et bien la preuve ultime de la réalisation de soi. 

Une bonne partie des sympathisants de gauche et des progressistes sont eux aussi persuadés que nos normes et valeurs européennes sont ce qui se fait de mieux. Une conviction qu’ils se sont toutefois bien gardés de crier sur tous les toits par le passé parce que ce n’était pas « leur thème » et parce qu’ils considéraient qu’il y avait d’autres sujets qui revêtaient beaucoup plus d’importance pour les gens. 

Mais à présent que le discours conservateur et d’extrême-droite gagne de plus en plus de terrain, certains progressistes estiment qu’il est grand temps de choisir son camp. Et c’est ainsi qu’on voit apparaître des héros qui donnent leur avis. Sans prendre le moins du monde des gants et en se souciant comme d’une guigne de l’éventuel caractère raciste, colonialiste et stéréotypant de leur point de vue.  

Politiquement incorrect 

Le plus important, c’est de se libérer du joug du politiquement correct. Ensemble, ces groupes sont bien partis pour imposer le politiquement incorrect comme norme. Grâce à l’alliance des chantres du politiquement incorrect, nous en revenons à l’époque où il était tout à fait admis de glorifier la supériorité de l’homme blanc. 

L’histoire démontre que ce n’est jamais au moment même, mais seulement a posteriori, que nous comprenons que nous vivons des événements importants. Seul l’avenir nous dira, dès lors, ce que signifie cette évolution pour l’Europe. 

Nous pouvons rester les bras croisés, par désespoir ou cynisme, mais nous pouvons également décider de passer à l’action. Je vais prendre un exemple concret : celui des réfugiés. 

Avant de passer à l’action, nous devons prendre conscience que : 

  1. l’Europe ne détient pas le monopole des normes et valeurs positives et que…
  2. même si nous croyons que nous symbolisons la liberté, la solidarité, l’humanité, etc., la pratique démontre souvent que nous ne croyons pas pleinement à ces valeurs. 

Les valeurs européennes 

Depuis 2014, plus de 10 000 réfugiés ont péri sur la route de l’Europe. Rien qu’en 2016, ils ont été 4000 à y laisser leur peau. Personne ne sait combien d’enfants ont perdu la vie dans leur tentative de rallier notre continent, mais on évoque au moins 600 décès ces deux dernières années.

C’est ça, faire preuve de solidarité et d’hospitalité ? C’est ainsi que nous envisageons les droits de l’homme ? C’est ça, la haute civilisation européenne ? 

Des milliers de réfugiés mènent une vie de galère dans les camps, où ils doivent endurer glace, neige et températures de -20°C. Parmi eux se trouvent des enfants en bas âge, des femmes enceintes et des personnes âgées. Au cours des derniers jours, quatre réfugiés sont morts de froid sur le sol européen.

Comment concilier tout cela avec nos formidables normes et valeurs européennes ? Est-ce ça, faire preuve de solidarité et d’hospitalité ? Est-ce ainsi que nous envisageons les droits de l’homme ? Est-ce ça, la haute civilisation européenne ? Est-ce ainsi que nous portons haut nos valeurs chrétiennes ? 

L’Europe possède plusieurs normes et valeurs formidables, qu’elle partage d’ailleurs avec d’autres régions du globe. Montrons que nous y croyons vraiment, à ces normes et valeurs.  

Nous pouvons prouver notre foi en ces valeurs par des petits gestes, comme soutenir les pétitions et actions par courriel des organisations qui aident les réfugiés, interpeller les politiciens sur leur indifférence, afficher notre solidarité avec les réfugiés aussi bien sur les médias sociaux que dans notre vie de quartier, nous informer sur leur situation et partager ensuite ces informations avec des personnes de notre entourage ; nous laisser inspirer par les valeurs religieuses de justice et d’amour de son prochain.  

Ces petits gestes sont importants non seulement pour venir en aide aux réfugiés – des êtres humains comme vous et moi qui sont dans le besoin -, mais également pour montrer qu’il n’est pas ici question de supériorité blanche ou européenne, mais d’humanité. 

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