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22·06·16

Brexit : une campagne d’hypocrites

Temps de lecture : 3 minutes

Martyre malgré elle : il est probable que Jo Cox, la députée britannique assassinée jeudi dernier, maintienne à elle seule les Britanniques dans l’Union européenne.

Lundi, une station de radio ouvrait son bulletin d’information matinal par cette phrase aride : « un meurtre politique en Grande-Bretagne permet aux marchés boursiers de terminer en hausse pour le deuxième jour consécutif. » Les agents boursiers sont des gens cyniques. La mort d’une députée travailliste a suscité un regain d’espoir dans le chef des investisseurs pro-européens, qui se sont remis à croire en une issue heureuse. Cela méritait bien une minute de silence à la Bourse de Londres, in loving memory of Mrs. Cox. Il est donc aujourd’hui probable que ce soit une élue politique de l’opposition de gauche, et non le premier ministre de droite David Cameron, qui maintienne les Britanniques dans l’Union européenne. Martyre malgré elle, victime d’un assassin d’extrême droite. Décidément, dans cette campagne Brexit, les apparences sont bien trompeuses. The owls are not what they seem.

Lors d’une campagne électorale, il est tentant d’utiliser, pour ne pas dire d’exploiter, les opportunités qui se présentent inopinément, aussi tragiques soient-elles. Jean-Luc Dehaene nous a quittés une semaine avant les élections de 2014. C’était une mort naturelle, pas un acte de violence, mais en respect pour ce monument de la vie politique belge, la campagne fut interrompue quelques jours. Les observateurs les plus cyniques interprétèrent ce coup du sort comme un ultime service posthume rendu par l’ancien premier ministre belge à son parti. Le CD&V végétait à ce moment dans les sondages et avait bien besoin de ce coup de pouce. Le parti devait néanmoins éviter de donner simultanément l’impression de profiter de la mort de son coryphée. C’est à ce même dilemme, à ce même jeu d’équilibriste, où il chancelle dangereusement entre respect pour le défunt et récupération opportuniste de sa disparition, que David Cameron a été confronté ces derniers jours. Occuper les hautes sphères de la vie politique, c’est jouer les funambules, intellectuellement et émotionnellement.

David Cameron, Dead man walking  en sursis.

L’enjeu du référendum britannique est élevé. Il en va de l’avenir du Royaume-Uni et de celui du premier ministre lui-même. Un Brexit le condamnerait politiquement, et il en a conscience. David Cameron, Dead man walking en sursis. Ces dernières semaines, la corde semblait déjà nouée autour de son cou. Son espoir de sauver sa peau, et celle des autres tories, en rendant hommage à une députée assassinée, avec qui il était en désaccord pratiquement sur tout, fait peine à voir. À ce jeu, Cameron n’est surclassé que par Boris Johnson, son flamboyant partenaire conservateur. Johnson dirige le camp du Brexit, moins par conviction que par calcul politicien. Si David Cameron sombre au combat jeudi soir, les portes du 10 Downing Street lui seront grandes ouvertes, pense l’ancien maire de Londres. Décidément donc, les hiboux ne sont pas ceux que l’on pense.

Ce scénario transforme la campagne Brexit en un scrutin sur tout et n’importe quoi, à l’exception peut-être de sa question cruciale : le Royaume-Uni est-il mieux au sein ou en dehors de l’Union européenne ? Leave or remain. La première option n’est pas plus bête ou plus noble que la deuxième. Les deux méritent un vrai plaidoyer, en bonne et due forme et sans agenda caché. Should I stay ou should I go? La question a droit à une réponse bien pesée, mais que personne n’obtiendra, indépendamment de l’issue du vote. Le cours de l’histoire est rarement déterminé par les décisions logiques et mûrement réfléchies. Souvent, c’est le hasard qui choisit. Harold Macmillan, ex-premier ministre britannique, le savait déjà en 1960. Lorsqu’un journaliste lui demanda ce qui pouvait faire tomber un gouvernement, il rétorqua : « Events, my dear fiend, events. » Les circonstances, mon bon ami. À l’instar de l’assassinat de Jo Cox. Pauvre Jo. Pauvre époux. Pauvres enfants.

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