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28·01·16

L’hypocrisie de la feuille de vigne

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Que nous demandera-t-on de cacher lors de la visite de Rohani à Bruxelles ? Manneken Pis ou nos piscines ? 

Demandez à dix Belges si l’afflux de réfugiés en Europe constitue une menace à leur mode de vie et huit d’entre eux opineront du chef. Le constat n’est pas de nous, mais d’un sondage mené par le bureau Ipsos auprès de 1000 Flamands, 1000 Wallons et 500 Bruxellois. De tous poils et de toutes obédiences politiques. Quid des électeurs de la N-VA ? Neuf sur dix disent avoir peur. Au Vlaams Belang ? Tous unanimes. Les socialistes flamands ? Sept sur dix. Même dans les rangs écologistes, six sur dix craignent pour leur modèle sociétal. De nos jours, on ne prend plus la peine de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant d’accuser de jeunes hommes d’avoir les mains baladeuses, que ce soit par ennui ou à cause d’une image déformée de la réalité féminine.

Et puis, dans ce climat surchauffé, on se passerait bien de ces politiciens qui profitent du moindre incident pour tirer la couverture à eux. Seuls le calme et l’apaisement pourront nous apporter notre salut. Qualifier quelqu’un de harceleur d’asile avant que les faits ne soient établis, c’est jeter de l’huile sur le feu. Un peu comme il est idiot de taxer de raciste toute déclaration un tant soit peu ferme à l’égard des réfugiés. Envisager de priver de piscine les demandeurs d’asile, finalement, ce n’est pas très différent des horaires de baignade distincts pour les musulmanes.

Mais la question vraiment préoccupante est surtout de savoir si nous avons réellement besoin de cette crise des réfugiés pour brader nos valeurs occidentales et notre héritage culturel. Matteo Renzi, le Premier ministre italien, devrait rentrer six pieds sous terre pour le spectacle qu’il nous a donné à voir lors de la visite du président iranien Hassan Rohani, nouveau grand ami de l’Occident. « En signe de respect pour la culture iranienne », des dizaines de statues dénudées ont été évacuées des musées du Capitole. Une simple feuille de vigne n’aurait pas suffi à soustraire cette indécente nudité au regard prude de ce doux leader de l’un des régimes les plus dangereux de la planète. Rohani a dû apprécier le geste. Il est vrai qu’en la matière, l’Iran s’y connaît. Dans les sous-sols du Musée d’Art contemporain de Téhéran se cache l’une des plus précieuses collections d’objets d’art du monde, un héritage du dernier shah. Des Picasso, des Pollock, des Monet… Depuis la révolution de 1978, ni Karim ni Hassan ni quidam n’a eu le privilège d’admirer ces toiles, jugées trop suggestives, trop impudiques. Mauvais pour les yeux, ces poitrines sporadiquement dévêtues, quand bien même soient-elles des chefs-d’œuvre du pointillisme ou du cubisme. Il ne faut pas s’étonner que les demandeurs d’asile de toute la région viennent ensuite se pâmer d’admiration devant nos baigneuses de Coxyde.

Mais bon, fermons donc les yeux sur cet infime détail, et cachons aussi derrière une feuille de vigne le fait que l’Iran, rappelons-le quand même, est connu et reconnu comme bailleur de fonds officiel du terrorisme mondial et comme joyeux violateur des droits de l’homme.

Il faut dire que depuis la levée de l’embargo, les affaires ont repris avec les Iraniens. Selon des sources gouvernementales italiennes, les contrats signés à Rome s’élèvent à quelque 17 milliards d’euros. Alors est-il vraiment nécessaire de nous offusquer pour si peu ?

La Belgique ne laisse pas non plus sa part au shah. Deux missions économiques ont déjà fait le voyage jusqu’à Téhéran. Pour Pieter De Crem, notre Secrétaire d’État au Commerce extérieur, nous vivons des moments historiques. Et selon nos dirigeants, lorsque nous qualifions ironiquement les ayatollahs de nouveaux BFF de l’Occident, nous manquons de perspective. L’Iran peut jouer un rôle stabilisateur au Moyen-Orient, nous professe-t-on. Un peu comme l’Arabie Saoudite, en somme. Alors que devrons-nous cacher à Rohani, lorsqu’il viendra à Bruxelles avec ses valises remplies de dollars gaziers ? Manneken Pis ou nos piscines ?

Par Dieter Dujardin pour le quotidien Het Laatste Nieuws

Traduit du néerlandais par Guillaume Deneufbourg

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