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25·03·16

La culture en Flandre : vers une dictature de la diversité ?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(CC) pixabay

Pierre Lambert
Traducteur⸱trice Pierre Lambert

Marius Meremans est député flamand (N-VA) et membre de la commission Culture, Jeunesse, Sports et Médias au Parlement flamand.

Les associations artistiques ont la peau trop blanche (cf. DM 19/3). Tel est l’avis des commissions d’évaluation, qui insistent à juste titre sur l’importance de la diversité, en considérant que cette aspiration doit être une préoccupation constante des pouvoirs publics et des associations subventionnées. Cette exigence n’est toutefois pas sans danger, car quand l’aspiration se convertit en obligation, elle mène tout droit à une dictature de la diversité et à un risque de sacrifier la qualité.

Étant donné que le ministre se base sur les avis rendus par les commissions d’évaluation – ou du moins s’en inspire – pour procéder à la répartition des subsides, ces avis suscitent de vives émotions dans le secteur. En soi, on ne peut que s’en féliciter, car cette réflexion et cet échange d’opinions sur la politique culturelle montrent l’attachement de la Flandre à sa culture.

Les commissions d’évaluation ont une grande responsabilité et méritent qu’on leur accorde crédit.

Car il ne fait aucun doute que le décret sur les arts aspire vraiment à la diversité. D’ailleurs, cette aspiration est une préoccupation constante des pouvoirs publics. Et s’il y a un secteur qui déploie des efforts inlassables dans ce domaine, c’est bien celui de la culture dans son ensemble.

Cela dit, en toute logique, le nombre de fois qu’apparaît le terme « qualité » dans le décret est encore bien plus élevé. Nos centres et associations culturels ont une réputation à défendre, tant chez nous qu’à l’étranger. Il n’est pas question de faire la moindre concession en la matière, pour quelque motif que ce soit.

Doit-on en conclure que la recherche de diversité démographique et ethnique entraîne automatiquement une perte de qualité ? Bien sûr que non, mais il convient toutefois d’apporter quelques nuances.

Toutes les études montrent à quel point il reste difficile d’accroître la participation ou l’implication de certains groupes cibles (en tant qu’artistes ou dans le public).

Pointer du doigt l’aspect financier comme un frein à l’expérience culturelle ne tient pas debout en Flandre : le prix d’un billet pour le NTGent (théâtre municipal de Gand) ou le Toneelhuis (salle de spectacle à Anvers) n’a rien d’excessif. Il faut payer beaucoup plus pour assister à un match de première division ou au concert d’un groupe de rock jouissant d’une certaine renommée.

Le Flamand moyen peut également très bien se permettre d’aller à l’opéra (Kunsthuis) à Anvers ou à Gand, un loisir que l’on qualifie à tort d’élitaire. Par ailleurs, l’enquête sur la participation révèle que les différentes formules offrant de belles réductions à certains groupes de la population contribuent peu à faire progresser la diversité.

Une association comme « De Roma » à Borgerhout est considérée comme un modèle en matière d’aspiration à plus de diversité, mais même là on reconnaît ne pas encore parvenir à toucher suffisamment certains groupes.

>> Relisez l’interview du rappeur flamand Tourist LeMC au Roma

Il n’en reste pas moins que cette recherche de la diversité peut avoir un effet paralysant sur une association. Surtout si l’aspiration fait place à l’obligation ; un centre culturel doit-il refuser la valeur ajoutée que procure un administrateur ou artiste sous prétexte que celui-ci n’appartient pas au groupe cible ? Faut-il offrir plus de possibilités de représentation à un artiste ou subventionner davantage une association qui fournit une qualité moindre pour la simple raison qu’ils répondent mieux à ce que l’on entend par « plus grande diversité » ? Voilà une question délicate, mais nous devons oser la formuler sans nous faire immédiatement traiter de tous les noms.

En continuant sur cette lancée, l’on en arrivera inévitablement à exiger des quotas, comme cela se fait déjà dans d’autres domaines. Une tendance dont nous devons nous méfier, car elle ne résout rien du tout et ne suscite qu’une adhésion très faible, voire nulle.

L’évaluation de la diversité ne peut pas non plus se réduire à une simple liste de pointage visant à examiner qui, dans le conseil d’administration, dans le public ou sur la scène, appartient à un groupe déterminé. C’est cela qui serait vraiment stigmatisant.

L’équipe de foot de mon petit dernier présente une vaste palette de couleurs. Manifestement, le sport est d’un accès plus aisé que la culture. Chaque domaine varie clairement sur ce point.

Il n’est bien sûr pas question de réduire les efforts pour accroître la diversité, au contraire. Mais, si nous voulons obtenir des résultats, il convient de récompenser la continuité de ces efforts.

Céder à la tentation de vouloir obtenir des résultats tout de suite et de sanctionner dans le cas contraire peut justement créer un effet pervers qui fera tout sauf favoriser la qualité du paysage artistique flamand. En d’autres termes, l’aspiration à une plus grande diversité ne peut devenir un boulet au pied des associations artistiques et des centres culturels.

Il est à craindre que la recherche de « diversité » ne paralyse le travail des associations.

 

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