DaarDaar

Le meilleur de la presse
flamande en français

daardaar
15·03·17

Les radios francophones sont-elles allergiques aux chansons flamandes?

Traducteur de profession, Herman Boel est l’auteur de divers ouvrages de non-fiction publiés en Flandre aux éditions Lannoo. Sur son blog De Taalfluisteraar, il nous « chuchote » quelques réflexions linguistiques et nous parle de son intérêt et de sa fascination pour les langues au sens large. Plus d’infos : Blog – www.taalfluisteraar.be | Auteur – www.weetjesboeken.be

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(c) Pixabay

Vous est-il déjà arrivé de vous brancher sur une radio francophone ? À supposer que oui, combien de morceaux en néerlandais avez-vous entendus ?

La question se passe de réponse. Les émetteurs francophones ne diffusent en effet jamais – ne cherchez pas – la moindre chanson en néerlandais. Purement et simplement. Interpellant, n’est-ce pas ? Partant de ce constat, je me suis mis en quête d’une explication auprès de divers émetteurs.

Le 20 février, j’ai ainsi adressé la question suivante (en français, notez) à La PremièreVivacitéClassic21Pure FMRadio ContactNostalgie la LégendeBel RTL et NRJ:

Bonjour,

Je me demande pour quelles raisons votre station ne diffuse jamais de musique néerlandophone. Le néerlandais étant la langue la plus parlée dans notre pays, il me semble logique qu’elle ait une place au sein de chaque radio belge, ne trouvez-vous pas ?

Pourriez-vous m’indiquer pour quelles raisons votre radio diffuse de la musique en français, en anglais ou en italien, mais jamais en néerlandais ?

Je vous remercie d’avance pour votre réponse.

Parmi toutes les radios contactées, une seule a daigné me répondre. S’en est suivi un agréable échange par e-mail avec Jean-François Pottier, Head of Music de Radio Nostalgie.

Il reconnait le problème et affirme que Nostalgie y est sensible, avant d’évoquer le public francophone chez qui la musique néerlandophone ne suscite tout simplement pas de grand intérêt. La raison ? Les artistes néerlandophones ne percent pas en Fédération Wallonie-Bruxelles (sic) et restent de ce fait inconnus aux yeux du public.

Les artistes flamands qui chantent en anglais, en revanche, passent fréquemment sur les ondes.

Quoi qu’il en soit, cette réponse soulève deux autres questions.

Sur quels éléments s’appuie-t-il pour affirmer que son audience n’est pas intéressée par la musique néerlandophone ? Existe-t-il des sondages en la matière ? Des statistiques attestent-elles de tels propos ?

Le raisonnement de Jean-François Pottier est en outre paradoxal. Comment un artiste néerlandophone peut-il percer à Bruxelles ou en Wallonie et, dès lors, se faire un nom parmi l’audience si on ne lui accorde pas de temps de passage à l’antenne ? Il est trop facile de jeter la pierre à l’auditeur sous prétexte qu’il ne veut prétendument pas écouter de musique en néerlandais. Par définition, on n’aime que ce qu’on connait.

Je lui ai fait part de ces deux remarques.

Monsieur Pottier m’a alors avoué qu’aucun sondage objectif n’a été mené à propos d’un éventuel intérêt à l’égard de la musique néerlandophone. En interne, Nostalgie a réalisé quelques études, mais les résultats du seul morceau en néerlandais qui y figurait n’étaient guère prometteurs. Par ailleurs, Nostalgie ne fait pas office de rampe de lancement pour les jeunes artistes. Outre le fait que les maisons de disques choisissent les canaux de diffusion de leurs artistes, mon interlocuteur pointe avant tout du doigt… la politique. La frontière linguistique serait également un mur culturel qui s’avère de plus en plus infranchissable au fil du temps, malgré les initiatives, bien trop rares, visant à le démolir.

Certes, Nostalgie rassemble la musique du nord et du sud du pays à travers le programme « Made in Belgium », diffusé du lundi au jeudi à 18h30. Or la musique issue du nord du pays y est exclusivement anglophone. Dommage.

Aucune réponse, donc, des autres stations, pas même de la part de la RTBF, entreprise publique.

J’avoue ne rien y comprendre. Pourquoi est-ce si difficile de faire preuve d’un tant soit peu d’intérêt à l’égard de la langue de ses compatriotes ? Comment comprendre ses voisins, leurs idées et leurs opinions, sans même (se donner la peine de) comprendre leur langue ?

La connaissance de l’autre langue du pays est en train de reculer considérablement, soit dit en passant. Des chiffres publiés récemment indiquent qu’à peine 11 pour cent des demandeurs d’emploi francophones possèdent des connaissances en néerlandais. Onze pour cent.

Même tendance en Flandre, où la connaissance du français des étudiants flamands n’a jamais été aussi médiocre et poursuit sa régression au fil des ans.

Lorsque je me tourne vers mes confrères traducteurs de la partie francophone du pays, je remarque certes que certains d’entre eux s’expriment en néerlandais avec aisance, mais surtout qu’un nombre tout aussi important n’est même pas en mesure de tenir une simple conversation. Si les traducteurs n’en sont pas capables, comment le francophone moyen pourrait-il l’être ?

Nul doute que la langue constitue l’outil clé de compréhension entre deux individus, deux peuples, deux pays. Toute personne bienveillante vis-à-vis de notre pays se doit dès lors de s’intéresser à l’autre langue nationale (par commodité, je n’évoquerai pas la troisième langue qu’est l’allemand). Il s’agit là de la seule et unique manière de combattre les malentendus et l’incompréhension.

Et vous, quel est votre niveau dans l’autre langue nationale ?

Partager :
© DaarDaar ASBL 2021 - Mentions légales - Vie Privée

Gratuit pour les employés de la Commission Paritaire 200 grâce à notre collaboration avec Cefora!

 Vous constatez un manque de cohésion entre collègues néerlandophones et francophones dans votre entreprise? 

Workshop, teambuilding... Inscrivez-vous aux nouvelles formations bilingues de DaarDaar! 

Si vous versez minimum 40€ en un an, vos dons seront déductibles fiscalement à hauteur de 45%.

Vous avez aimé cet article ? Alors soutenez-nous en devenant Amis de DaarDaar ! 

 

Nous voulons rester accessibles à tout le monde. Mais les traductions de qualité, ça a un coût.